Dialectique et création : l’art comme fait politique
Dialectique et création : l’art comme fait politique
Journée d’étude en ligne11 mai 2021
Organisée dans le cadre du LARA-SEPPIA, Université de Toulouse 2 Jean Jaurès
L’art fonctionne comme un outil privilégié d’aperception et de transformation du réel, et c’est
en cela qu’il a une fonction sociétale. L’art inscrit une déconstruction du réel, à travers
l’expérience personnelle de l’artiste, par l’universalisation de sa singularité, qui en permet, un
peu comme le bouclier de Persée, une connaissance médiatisée par le rapport spectatoriel. Pour Bachelard : « La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n’est jamais immédiate et pleine.1 » C’est dire toute la complexité de son approche.
C’est dire aussi combien le réel est inépuisable, et que chaque tentative d’en cerner les contours ne représente au mieux qu’une démarche asymptotique. Ne serait-ce d’ailleurs que parce qu’à chaque fois, chaque oeuvre, chaque tentative de déconstruction et de formalisation du réel, c’est un nouveau réel qui émerge.
Cette tentative aporétique représente à chaque fois aussi un élément de transformation sociale.
Elle contribue à construire des réalités qui vont nourrir les rapports sociaux en ce qu’elle est à chaque fois une « manière de faire des mondes », « de faire advenir ce qui devient : de faire
accoucher le monde de sa transformation [… ].2 » Elle va constituer un substrat qui va alimenter la pensée sociale, non pas en termes applicatifs, mais en termes de construction mentale, d’organisation des schémas qui permettent l’élaboration d’un imaginaire collectif. Elle l’est en ce qu’elle contribue à construire une vision dialectique du monde qui en permet le mouvement.
L’oeuvre d’art est productrice de réel. Elle ne saurait constituer une explication du réel, ne seraitce que, parce qu’elle ne s’adresse pas à la pensée raisonnante. Si elle peut amener à produire du discours, elle n’est pas discours en tant que telle. Mais les mécanismes d’appréhension du réel qu’elle implique intrinsèquement, par le fait même qu’elle s’inscrit en regard d’un processus de création, soit en tant qu’acteur pour l’artiste, soit à travers le rapport spectatoriel, implique que l’on soit gagné par l’inquiétude.
Construire de la connaissance, c’est construire de l’inquiétude. Pour paraphraser Bachelard, l’oeuvre d’art implique de penser contre son cerveau, voire de penser en deçà, en amont de soncerveau. C’est probablement en cela que l’oeuvre d’art bouleverse intrinsèquement, et dans tous les sens du terme, la pensée rationnelle, qu’elle échappe, dans l’ici et maintenant de sa manifestation, à la médiatisation de la pensée rationnelle dont elle sape les fondements, par nécessité ontologique. C’est en cela qu’elle est, par essence, révolutionnaire. Car il y a bien une dimension fondamentalement politique dans l’art. Et cette dimension n’a rien à voir avec les productions plus ou moins prosélytes, ou au service ancillaire d’une idéologie quelconque.
C’est ce que nous explique Adorno : « … est social en art son mouvement immanent contre la société, non sa prise de position manifeste.3 »
----------------
1Gaston Bachelard, La formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin, p. 15
2Bernard Stiegler, Économie de l’hypermatériel et psychopouvoir, Entretiens avec Philippe Petit et Vincent Bontems, Paris, Mille et une nuits, 2008, p. 69
3Theodor W Adorno, Théorie esthétique, Théorie esthétique, trad. M. Jimenez, Paris, Klincksieck, 1974, p. 299
------------------------
Programme
10h30 «Art & politique : une philosophie de la relation dialogique »
Muriel Plana, Professeur des universités en arts du spectacle,LLA-Créatis
Débat
11h « Brecht, le cirque et la guerre, vers une démarche esthético-politique »
Karine Saroh, Docteure en arts du spectacle, Chargée de mission Recherche et
formation continue à l'Ésacto'Lid, LLA-Créatis
Débat
11h30 « Lapolitisation“oubliée”dansl’artpolitiquechinois »
Dianna Zhou, doctorante en arts plastiques, LARA-SEPPIA
Débat
12h Pause méridienne
14h « L’art du collage : la création comme effet de dispersion »
Dina Germanos Besson, psychanalyste à Toulouse
Débat
14h30 « Artiste de la parole, artiste en auto-construction »
Marie-Jean Sauret, Psychanalyste, Professeur émérite des universités, pôle « Clinique psychanalytique du sujet et du lien social » (LCPI)
15h. « Création artistique. Une percée dans le réel »
Carole Hoffmann, MCF HDR en arts plastiques, LARA-SEPPIA
Débat
15h30 « L’art comme fait politique »
Xavier Lambert, Professeur émérite des universités en arts plastiques, LARA-SEPPIA
Débat
Inscriptions :
De 10:30 à 16:30