Voitures thermiques, électriques, hybrides, deuxième partie

Publié par PLISKINE ROBERT, le 17 février 2024   500

Voir la première partie : Généralités sur les moteurs thermiques et électriques

2e partie : comment concevoir, réaliser et utiliser une motorisation hybride

Dans ma comparaison animalière, je comparais un moteur électrique à un cheval de trait (percheron) : animal peu rapide, mais capable de tirer des charges lourdes. Il travaille en force.

Comment avoir une motorisation réunissant "en même temps" les qualités de chacune des motorisations, alors que chacune n'est à l'aise et performante qu'en un domaine particulier d'utilisations ?

En appliquant le principe cher à notre grande région agricole : "A chacun son métier et les vaches sont bien gardées". En pratique, au lieu de "mettre un tigre dans son moteur", y mettre un cheval et un zèbre, un moteur électrique et un moteur thermique, et chacun travaille dans son domaine de confort : à l'électrique le démarrage, les manœuvres et les rapides changements de régime qui demandent du couple, au thermique la grande puissance régulière. C'est le principe de la voiture hybride.

Note : comme les pointes de puissance au démarrage ou pour dépasser sont également fournies par le moteur électrique, le moteur thermique peut être de plus petite taille que dans un véhicule à moteur thermique seul, car il faut le prévoir plus gros pour être capable de fournir les pointes de puissance nécessaires, en fait surdimensionné pour la plupart des conditions. Avec l’hybride, moteur plus petit, donc plus léger et moins cher.

Pour gérer ce duo de façon optimum il faut un coordinateur de l'ensemble, pour que chacun fasse son travail au bon moment, là où il est le plus efficace pour répondre aux sollicitations et aider son partenaire. Dans le groupe humain c'est le rôle du chef (d'entreprise, d'orchestre), dans les machines c'est l'ordinateur. Qui, rappelons-le, n'est qu'une machine sans la moindre trace d'intelligence, même "artificielle". Son "intelligence" n'est que celle du concepteur du logiciel qui l'anime.

Que demande-t-on à cet ordinateur ? De répondre à des questions et de donner des ordres.

Questions :

- Que demande le conducteur ? Accélérer, ralentir ? Fortement ou faiblement ? Ce qui se manifeste par l'action sur les pédales d’accélérateur ou du frein.

- Quelles sont les conditions du déplacement ? Vitesse, charge du véhicule, pente... ? Ce qui se détecte par des capteurs et des algorithmes (comparables aux calculs des régulateurs de vitesse).

- Quel est l'état des réservoirs d'énergie (réservoir de carburant ou batterie) ? Ce qui se mesure par des capteurs.

"Raisonnement":

Compte tenu de TOUS ces éléments, quel est le mode de fonctionnement à demander à chaque moteur pour agir en fonction de ses propres caractéristiques à l'instant t ? La réponse n’est pas forcément intuitive, car elle tient compte par exemple du taux de remplissage de la batterie, du niveau de carburant dans le réservoir, etc...

Décision :

L'ordinateur envoie des ordres aux dispositifs de commande de chaque moteur pour exécuter l'ordre. Pour le thermique, ce sera l'alimentation en carburant. Pour l'électrique, ce sera un fonctionnement en moteur ou en générateur, simple (si on lève le pied de l'accélérateur, c'est signe qu'on veut ralentir, donc le moteur électrique se met en générateur pour absorber l'énergie cinétique et recharge la batterie), ou, si on demande en plus un freinage important, (commande "B" (brake) sur le sélecteur de fonction) il modifie le câblage pour augmenter l'effet de freinage.

[Remarque hors-sujet : ce principe de séparation des fonctions se retrouve dans l'informatique répartie des co-processors, la décentralisation de l’exécutif, un orchestre symphonique, la spécialisation des tâches dans divers services et métiers de l'entreprise.]

Pour rendre hommage à la capitale musicale qu'est Toulouse, à son orchestre du Capitole et à ses chefs hors du commun, prenons un exemple dans la vie courante, qui a suffisamment de points communs pour procéder par analogie : une partition musicale complexe en raison des demandes de timbres variés et d'ampleur sonore (de ppp à fff, pour les amateurs) à faire exécuter. On a le choix :
- Soit on dispose seulement d'un piano
- Soit on dispose d'un orchestre symphonique.
Dans les 2 cas, la réalisation est possible.

Si on ne dispose que d'un piano, il faut que celui-là soit un grand piano de concert capable de fournir toutes les nuances grâce à une mécanique prodigieuse, touché par un virtuose exceptionnel, avec une puissance suffisante pour être entendu de partout dans une salle de concert de 6000 places (Albert Hall de Londres). C'est le cas des "réductions" pour piano des œuvres de Beethoven ou de Wagner par Liszt, ou de certaines œuvres de Rachmaninov. Mais on conçoit que ce magnifique instrument joué par un pianiste virtuose exceptionnel soit surdimensionné s'il s'agit de jouer une simple petite pièce de musique de chambre dans un salon. Pour filer la métaphore, si on veut pouvoir, avec la même voiture, rouler en ville en embouteillages et à 350 km/h sur circuit, il faut une Ferrari ou une Bugatti. Bien compliqué et cher pour un véhicule routier. De toute façon, un pianiste n'a que 10 doigts et cela limite le nombre d'harmonies possibles.

Si on dispose d'un orchestre symphonique, même de taille réduite comme ceux dont disposait Beethoven, on a une possibilité de timbres illimitée grâce aux multiples instruments, et une variation importante dans le niveau sonore en faisant varier l'intensité de chaque instrument et/ou le nombre de ceux-là. Dans ce cas - pour schématiser de façon simple - on a d'un côté une structure de base (les cordes) capable de fournir toute l'étendue des notes les plus graves aux plus aiguës, mais limitée en "brillance" et en puissance, et de l'autre les instruments à vent et les percussions qui peuvent venir en appui aux cordes pour les passages plus puissants, plus rythmés, plus brillants. Chaque instrument joue sa partie selon ses limites, ce qui en exploite au mieux les possibilités. Le tout est de faire tenir ensemble tous les morceaux : entre le compositeur qui a écrit ses idées et l'orchestre qui va les réaliser, le chef d'orchestre assure la liaison et met en valeur l’œuvre et l'orchestre. Pour cela, il connaît parfaitement l’œuvre et l'orchestre, et à chaque instant il met en action chaque élément de l'orchestre pour obtenir l'effet sonore recherché de l’œuvre.

Dans le cas de l'automobile, le moteur thermique est l'ensemble des cordes, le moteur électrique est l'ensemble des cuivres, et l'ordinateur de bord est le chef d'orchestre qui, à chaque seconde, fait jouer à chacun sa partition et en fait une partition d'ensemble pour exécuter la volonté du conducteur, le compositeur.

Contrairement à ce que la plupart des gens croyaient aux débuts de l'hybride, et que nombre croient encore, le choix moteur thermique/électrique n'a rien à voir avec la vitesse seule et/ou le fait qu'on soit en ville ou sur route, mais d'une multitude de paramètres dont l'ordinateur de bord tient compte pour optimiser le fonctionnement de l'ensemble. 

Un exemple vécu couramment : je roule sur la RN20 en direction d'Andorre, en sortie de Mérens-les-Vals, derrière un camion qui monte la pente avec peine à 40 km/h, suivi d’une file de voitures aux conducteurs impatients. Je sais qu'il y a bientôt une section en côte modérée à 4 voies limitée à 110 km/h, mais très courte. Comment doubler ce camion dès le début de cette section ?

Pour moi, pas de problème : dès que la voie supplémentaire apparaît, j'appuie à fond sur l'accélérateur, c'est tout. Pour l'ordinateur, le logiciel "raisonne" : compte tenu de la vitesse faible, de la forte pente, de la forte demande de puissance instantanée, il faut aider le moteur thermique à accélérer avec l'aide du moteur électrique. Les deux moteurs sont branchés ensemble, ce qui donne instantanément le couple de l'électrique pour faire accélérer fortement la voiture, tandis que le moteur thermique va prendre le relais en accélérant doucement selon son meilleur mode de fonctionnement, ce qui fait qu'au moment où l'électrique arrive en limite de ses possibilités optimum, le thermique est arrivé à son meilleur régime et prend seul le relais et le moteur électrique est mis au repos. Pour moi, conducteur, tout ce que je constate c’est que la voiture est partie comme un bolide, que le camion n'est plus qu'une image dans le rétroviseur, et que je suis déjà à la vitesse maximum autorisée. Au retour, au même endroit, je n'aurai qu'à lever le pied de l'accélérateur pour ralentir, et même mettre la position "B" pour freiner en fin de section (avant le radar !) sans utiliser le frein ni gaspiller d'énergie.

On conçoit que l'ordinateur soit sollicité en permanence pour des calculs très complexes plusieurs fois par seconde. Si chaque constructeur est capable (en principe) de fournir un bon moteur thermique, un bon moteur électrique et un bon ordinateur, tous ne savent pas écrire un bon logiciel adapté à une technologie qu'ils découvrent. C'est un bon logiciel couplé à de bons capteurs qui font la qualité d'une motorisation hybride. D'où l'importance de l'expérience dans ce domaine.

Entretien et coût d'utilisation

Un moteur électrique est de conception et de réalisation beaucoup plus simple qu’un moteur thermique. Il ne nécessite ni circuit de refroidissement, ni lubrification complexe, ni mécanisme d’alimentation (injecteur, soupapes), ni démarreur, ni boîte de vitesses, ni embrayage, ni circuit d'air, ni circuit d'échappement. Son coût de fabrication et son entretien sont donc beaucoup plus faibles.

Cependant, il ne faut pas oublier que certains éléments sont très chers (aimants) ou fragiles (batterie haute tension), que les frais d’étude d'implantation des 2 moteurs, d'une batterie en général à 400 V, en projet à 800 V, et que leur répartition des rôles n'est pas encore amortie pour une technologie récente (environ 20 ans), qu’il faut donc s'attendre à financer cette transition technologique encore plus gourmande en formation et en matière grise qu'en outillage.

Croire qu’on va passer d’un garage 100 % thermique à un autre hybride sans efforts humains et financiers est un leurre. En tenir compte pour les décisions politiques et personnelles.

Quant à la consommation, elle est normalement plus faible qu’avec une voiture thermique, car chaque moteur travaille dans les conditions où il est le plus performant, et la réversibilité du moteur électrique évite de gaspiller de l'énergie (et des freins) pour ralentir.

Mais les économies sur le carburant ne compensent pas l’augmentation du coût d’un véhicule aussi complexe.

Bilan général

Il faut bien comprendre le concept de l'hybride pour mieux l'utiliser et ne pas se laisser avoir par des publicités à la limite de la tromperie . Exemple réel "grâce à l'hybride, on roule en ville en électrique plus de la moitié du temps", ce qui est une évidence puisqu'en ville on est à l'arrêt ou à très faible vitesse durant plus de la moitié du temps, et qu'à l'arrêt un moteur électrique ne consomme rien.

Par rapport à l'utilisation d'un seul moteur, thermique ou électrique, l'hybride apporte un confort de conduite et une marge de sécurité importants. Mais même si le bilan en consommation d'énergie est favorable par rapport aux deux techniques de base seules, tant par l'optimisation des ressources de chacune que parce qu'on ne consomme rien à l'arrêt en embouteillage ou à un stop, et qu'on puisse récupérer de l'énergie au freinage grâce à l'électrique, il ne faut pas oublier que TOUTE l'énergie provient du carburant et qu'il coûte cher. Sauf de façon très limitée pour les "hybrides rechargeables" qui, au prix d'une forte augmentation de la masse et du prix de la batterie, donnent une autonomie suffisante pour la vie quotidienne et évitent de passer aussi souvent à la pompe.

En outre, deux moteurs coûtent plus cher qu'un seul, le système informatique est coûteux et complexe, c'est donc une technologie chère. En revanche, elle donne l'autonomie du moteur thermique, la réserve de puissance instantanée qui nécessiterait un gros moteur thermique gourmand en carburant, un silence dû au fait que le moteur thermique soit de petite taille et change très doucement de régime, et une pollution très faible en ville (Crit’AIR 1).