Voitures thermiques, électriques, hybrides
Publié par PLISKINE ROBERT, le 12 février 2024 820
Voitures et moteurs thermiques, électriques, hybrides : assez d’âneries !
1e partie : généralités sur les moteurs thermiques et électriques
La seconde partie, comment concevoir, réaliser et utiliser une motorisation hybride, sera publiée dans un second article.
Cet article est écrit par un ingénieur chimiste utilisateur de voitures thermiques sur plusieurs centaines de milliers de km en 50 ans, et hybrides sur 200 000 km.
Sacha GUITRY Disait : "Ce qui entend le plus de bêtises est un tableau dans un musée". On peut moderniser cette remarque en "Ce qui entend le plus de bêtises est l'auditeur à qui on parle de voitures thermiques, électriques, hybrides". Avec toutes les exagérations et explications plus que tendancieuses, à la limite du mensonge assumé, des constructeurs et des vendeurs. Il est temps de rétablir la vérité scientifique et technique. On ne parlera ici que de technique, de physique, de chimie mais ni de taxes ou d'environnement.
Nous verrons en annexe à la conclusion les aspects de complexité et d'entretien de chaque type de motorisation.
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Le problème essentiel de l’autonomie.
Autonomie : c’est la distance maximum théorique que le véhicule peut parcourir avec un réservoir plein.
Pour nourrir le moteur d'un véhicule, il faut de l'énergie et un engin qui transforme cette énergie en force de traction. Si on alimente en continu le moteur en énergie par un fil électrique relié à une Centrale Électrique, on obtient l'autonomie illimitée d'une motrice ferroviaire ou d'un aspirateur domestique.
Le problème se pose quand le moteur se déplace (véhicule automobile) et doit emporter sa propre réserve d'énergie. Oublions le charbon des locomotives à vapeur, il reste les hydrocarbures et l'électricité, donc les moteurs thermiques et électriques. Comment les stocker et quelle énergie peut-on emporter ? En clair, quelle autonomie peut-on en attendre ?
Véhicules thermiques (essence ou gazole) :
Le pouvoir énergétique des hydrocarbures est très élevé : quelques chiffres approximatifs pour se fixer les idées. (Rappel : 1 MJ = 1 mégajoule = 1/3,6 kWh)
Un hydrocarbure brûle selon la formule : CxHy + (x+y/4) O2 → x CO2 + y/2 H2O.
1 litre d'essence a une masse de 750 g, et sa combustion dégage théoriquement environ 40 MJ (mégajoules) par kg, donc 1 litre d'essence peut théoriquement fournir environ 30 MJ.
1 litre de gazole a une masse de 825 g, et sa combustion dégage théoriquement environ 44 MJ par kg, donc 1 litre de gazole peut théoriquement fournir environ 36 MJ.
ATTENTION : ces valeurs sont théoriques car elles ne tiennent pas compte de l'énergie absorbée par l'évaporation de l'eau de combustion et supposent une combustion complète, ce qui impliquerait qu'il n'y ait ni monoxyde de carbone CO, ni fumées noires. Mais elles permettent d'aborder la question avec des idées correctes sur les chiffres.
Pour une voiture moyenne qui dispose d'un réservoir de 50 litres et a une consommation théorique de 1 MJ/km, on peut espérer une autonomie de l'ordre de 1500 km. En réalité, compte tenu du rendement du moteur thermique, rapport entre l'énergie fournie aux roues et l'énergie chimique consommée, qui est de l'ordre de 36 % pour un moteur à essence, et de 42 % pour un moteur Diesel, et du fait que la consommation de puissance en énergie est proportionnelle au carré de la vitesse, l'autonomie pratique d'une voiture à moteur thermique essence est de l'ordre de 500 km en essence ou 600 km en diesel.
En résumé, un réservoir de 50 litres d'hydrocarbures a une masse d'environ 50 kg et permet de parcourir de 500 à 600 km. On "fait le plein" en quelques minutes. Comme le transport d'hydrocarbures par camions-citernes est facile, il est facile d'installer une multiplicité de pompes à essence aux endroits les plus divers.
Véhicules électriques :
Un moteur électrique consomme de l'énergie électrique stockée chimiquement selon l'équation de principe de l'oxydo-réduction : Forme oxydée A + Forme réduite B → Forme réduite A + Forme oxydée B avec transfert d'électrons.
Par exemple, un accumulateur au plomb classique de voiture utilise la réaction réversible charge/décharge Pb4+ → Pb2+ avec échange de 2 électrons sous 2 volts. Un accumulateur au lithium utilise Li+ → Li avec échange de 1 électrons sous 3 volts.
Pour vous épargner les calculs, voici le résultat approximatif de la masse nécessaire dans chaque cas pour stocker 1 MJ :
Pour l'accumulateur au plomb : ordre de grandeur 1 MJ/kg. Pour emporter les 1500 MJ de 50 litres d'hydrocarbures, il faudrait un accumulateur contenant au minimum 1500 kg de plomb.
Pour l'accumulateur au lithium : ordre de grandeur 15 MJ/kg. Pour emporter les mêmes 1500 MJ, il faudrait un accumulateur contenant au minimum 100 kg de lithium. D'où la nécessité d'avoir des accumulateurs au lithium.
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LA NOTE DU CHIMISTE : on parle beaucoup dans les médias de "terres rares" et de leur importance.
Des aimants de très grande puissance sont indispensables pour fabriquer des moteurs puissants. La solution classique des électro-aimants est coûteuse en énergie, leur remplacement par des aimants de très grande force magnétique au néodyme-fer-bore (environ 1000 fois plus forts à masse égale qu'un aimant en acier) a permis de réduire la taille et la masse des moteurs, au prix d'un énorme besoin en “terres rares”. Heureusement pour l'Occitanie, il y a une mine de "terres rares" à Luzenac (Ariège), comme sous-produit de la production du talc.
Attention à ne pas confondre le lithium, qui est un métal alcalin pas particulièrement rare même si il ne représente que 0,0007 % de la croûte terrestre, avec une "terre rare", nom générique d'une famille de métaux rares dont les propriétés magnétiques sont aussi étranges que les noms : néodyme, dysprosium (pour les aimants).
Les terres rares sont constituées de 17 éléments : 15 lanthanides : Lanthane ; Cérium ; Praséodyme ; Néodyme ; Prométhium ; Samarium ; Europium ; Gadolinium ; Terbium ; Dysprosium ; Holmium ; Erbium ; Thulium ; Ytterbium et Lutécium, ainsi que Scandium et Yttrium.
L'importance stratégique de certains métaux utilisés dans les accumulateurs (lithium, cadmium, nickel, "terres rares") entraîne une confusion de termes due au principe "ce qui est rare est cher" avec "ce qui est cher est rare".
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Une autre erreur commune est de comparer des quantités d'énergie sans tenir compte de l'usage qu'on en fait.
L'énergie emportée sert à 2 choses principales :
- La traction, action du moteur sur les roues. L'énergie est d'autant mieux utilisée que le rendement du moteur est plus élevé. Un moteur électrique a un rendement de l'ordre du triple d'un moteur thermique (97 % pour les moteurs du TGV). On pourrait donc espérer une autonomie triple à capacité égale, hélas... voir plus loin.
- Les accessoires indispensables (éclairage, clignotants, essuie-glaces, chauffage/dégivrage, ventilation...) ou de confort (caméra, climatisation, auto-radio, asservissements divers). Dans tous les cas il faut tenir compte de ces gros consommateurs d'énergie.
Un autre point essentiel est le rendement en fonction du mode de fonctionnement.
1 - Un moteur thermique ne démarre pas spontanément, il faut un démarreur, manuel (la manivelle chère à nos anciens pour ses célèbres "retours", ou un puissant moteur électrique "démarreur"). Si on arrête le véhicule sans débrayer (désolidariser le moteur des roues) il "cale". Pour éviter de redémarrer après chaque arrêt de la circulation, on ne le laisse pas descendre au-dessous d'un certain régime dit "ralenti", qui consomme du carburant et en outre avec un mauvais rendement. Sans oublier les gaz toxiques ; monoxyde de carbone, oxyde de soufre, oxydes d’azote. Ce qui n'est pas le cas d'un moteur électrique qui s'arrête totalement et redémarre instantanément.
Autre différence essentielle : un moteur électrique est réversible !
On l'alimente en courant, son axe tourne et fournit de l'énergie mécanique. On le fait tourner en entraînant son axe par une énergie extérieure, il l'absorbe en la transformant en énergie électrique (dynamo, alternateur). Cette propriété est mise à profit en récupérant de l'énergie en freinant pour recharger sa batterie ce qui augmente son autonomie, et l'absorption d'énergie est utilisée pour le freinage sans utilisation des freins (donc sans gaspillage en chaleur ni usure des freins).
2 - Un moteur thermique a un "couple" (en pratique, l'effort qu'il transmet aux roues) très variable en fonction de la vitesse de rotation : nul à l'arrêt, il augmente jusqu'à un certain régime optimum (aux environs de 3 000 tours/minute pour un moteur à essence, pour se fixer les idées) puis redescend pour diverses raisons (rendement de la réaction chimique de combustion, frottements internes etc...). En pratique, avant d'embrayer (coupler le moteur aux roues) il faut accélérer le moteur jusqu'à ce qu'il ait un couple minimum pour entraîner les roues, sinon il cale. Comme en outre un moteur thermique a horreur des brusques changements de régime qui altèrent la qualité, il faut embrayer progressivement, "faire patiner l'embrayage", une complexité supplémentaire dans la conception, la réalisation et l'utilisation des véhicules à moteur thermique.
Au contraire, un moteur électrique a un couple maximum au démarrage (sa force contre-électromotrice est minimum) et diminue avec l'augmentation de sa vitesse de rotation. On l'arrête totalement pour s'arrêter et il redémarre sans apport extérieur. Qui plus est, il est totalement silencieux.
En revanche, la transformation énergie chimique/énergie électrique et réciproquement (charge/décharge) dans les accumulateurs n'est pas totale et influe négativement sur la capacité réellement utilisable des batteries et sur le coût de l’énergie. Ne pas oublier non plus qu'il faut du temps pour recharger la batterie, et qu'une recharge très rapide a un rendement plus faible et gaspille beaucoup d'énergie en chaleur par effet Joule, sans compter la diminution de la durée de vie des batteries, élément le plus coûteux d'un véhicule électrique.
La consommation énergétique de ces deux moteurs en fonction de la vitesse est très différente. Outre que la consommation instantanée est proportionnelle au carré de la vitesse, et qu’on ne peut comparer la conduite en agglomération, hachée et à vitesse modérée, avec la conduite sur autoroute, continue et rapide, il en résulte que l'autonomie d'un véhicule électrique et d'un véhicule thermique ne sont pas comparables directement. L'exprimer en kilomètres est une absurdité scientifique qui omet la plupart des paramètres.
C'est pourquoi les constructeurs ont dû créer une norme de comparaison ; bien sûr elle ne correspond qu'à des conditions de circulation jamais réalisées dans la vie quotidienne : c'est ainsi qu'à une époque Volkswagen avait créé une voiture "3 litres" qui ne consommait que 3 litres/100 km, en théorie, mais totalement dépourvue de tout organe de confort. Même Dacia est revenu de ce concept. Mais comme cet article se limite à la technologie, nous n'en parlerons pas.
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L'automobiliste a donc le choix entre deux types de motorisation :
- Le thermique, capable d'une forte autonomie, d'une très forte puissance (des centaines de kW) pour des volumes et des masses limités, qui se recharge (remplissage du réservoir) presque partout en quelques minutes, mais inadapté aux circulations lentes et/ou hachées (embouteillages) et aux changements rapides de régime (accélérations brusques, par exemple pour doubler). Le problème du coût du carburant et des taxes, ou de la pollution chimique et/ou sonore, n'est pas ici le sujet.
Pour faire une comparaison (qui n'est pas raison) animalière, je le comparerais à un zèbre : animal très rapide, mais incapable de tirer des charges lourdes. Il travaille en vitesse.
- L'électrique, à l'autonomie limitée, de puissance moyenne sauf à atteindre des volumes et des masses prohibitifs sur une voiture (au contraire d'un train où des moteurs de TGV atteignent 8 800 kW, environ 11 500 ch, mais avec une alimentation en permanence sous 25 000 volts), à la recharge lente et parfois difficile d'accès (stations-services rares en raison des problèmes de câblage), très bien adapté aux circulations lentes et/ou hachées (embouteillages) où il ne consomme d'énergie qu'en roulant, ne provoque aucune pollution chimique ni sonore (appréciable en agglomération), doté d'une grande force au démarrage et bien adapté aux accélérations. Je le comparerais à un cheval de trait, pas très rapide mais très fort, il travaille en force. Le coût très variable du "plein" à domicile ou en station-service n'est pas ici le sujet.