Un nouveau virus détecté dans des rizières au Burkina Faso

Publié par IRD Occitanie, le 26 août 2024   76

Grâce à une étude d’épidémiosurveillance d’envergure, des scientifiques de l’UMR PHIM et leurs partenaires burkinabés du LMI PathoBios révèlent que le virus de la striure du maïs a été détecté pour la première fois dans des plants de riz. Leurs résultats sont publiés dans le journal Phytobiomes.

Les rizières africaines subissent les attaques de deux virus bien identifiés. Elles devront désormais faire face à un troisième, jusque-là connu pour infecter d’autres céréales cultivées, le maïs, le sorgho et la canne à sucre.

Rizières, Burkina Faso

© IRD - Mariam Barro

En Afrique, deux espèces de riz affrontent deux virus bien décrits

Le riz nourrit quotidiennement la moitié de la population mondiale. C’est dire l’importance de cette céréale. En Afrique, deux espèces sont cultivées : Oryza glaberrima, domestiquée en Afrique de l’Ouest il y a 3000 ans et O. sativa, arrivée d’Asie dès le XVe siècle. Comme les autres plantes cultivées par les humains, le riz est attaqué par différentes maladies très souvent causées par des virus. Les pertes engendrées pèsent sur la sécurité alimentaire et la stabilité économique des sociétés, en particulier dans les pays en développement. Engagés dans l'intensification de l'agriculture pour nourrir leurs populations, ceux-ci vont devoir faire face aux changements globaux susceptibles de favoriser l’émergence de pathogènes végétaux et d’en accroître l’impact sur les productions alimentaires. C’est pourquoi le LMI PathoBios, implanté au Burkina Faso, s’attache à l’étude de la biodiversité et à l’épidémiosurveillance d’agents pathogènes du riz en Afrique.

Travail d’observation et de collecte d’échantillons de feuilles de riz, réalisé dans les rizières de l’ouest du Burkina Faso

© IRD - Charlotte Tollenaere

Enquête dans les rizières au Burkina Faso

« Des suivis de terrain et collectes de feuilles de riz ont eu lieu entre 2015 et 2019 dans l’ouest du Burkina Faso, avec une approche multi-pathogène. L’objectif était de documenter les infections multiples et de découvrir éventuellement de nouvelles menaces pour la riziculture africaine », livre Mariam Barro, phytopathologiste et microbiologiste, qui a réalisé sa thèse sur le sujet (aujourd’hui enseignante chercheuse au centre universitaire de Manga). Jusqu’à présent, parmi les 19 virus connus pour infecter le riz à l’échelle mondiale, deux seulement ont été décrits sur le continent africain: le virus de la panachure jaune (RYMV) et le virus de la nécrose à rayures (RSNV). « En utilisant la métagénomique virale, nous avons cherché à élargir les connaissances sur les communautés microbiennes dans les paysages rizicoles et à explorer la diversité et l'état épidémiologique des virus circulant dans les rizières », explique Nils Poulicard, virologiste à l’UMR PHIM. L’enquête épidémiologique portait sur 57 rizières de petits agriculteurs burkinabés réparties dans trois zones géographiques différentes et représentant deux systèmes de production (riz pluvial de bas-fond / riz irrigué). Plus de 2 700 échantillons de riz ont été collectés ainsi que des graminées sauvages et cultivées (maïs et canne à sucre) poussant à proximité des rizières. De manière inattendue, le virus de la striure du maïs (MSV) a été détecté dans des échantillons de riz analysés. Or ce virus affectant fortement la production de maïs en Afrique n’avait encore jamais été identifié chez le riz.

Symptômes du MSV observés en conditions expérimentales. Forte réduction de la croissance des plantes infectées (à gauche), striures sévères sur Oryza sativa (au milieu) et O. glaberrima (à droite).

© IRD - Charlotte Tollenaere

Un virus à la gamme d’hôtes encore plus large que prévu

Cette étude révèle donc que ce virus - connu pour être capable d’infecter de nombreuses graminées et céréales - s’est trouvé un nouvel hôte. Deux souches différentes – infectant le riz en conditions naturelles - ont été identifiées. D'autres analyses moléculaires ont montré que le MSV est très répandu dans les rizières de bas-fond et irriguées de tous les sites échantillonnés (jusqu’à 60% des champs pour les années les plus touchées). De plus, le pourcentage de rizières abritant le virus a clairement augmenté entre 2016 et 2019 sans que l’on sache pour l’instant s’il s’agit de fluctuations ou d’une réelle émergence. « En utilisant des clones infectieux dans des conditions expérimentales à Montpellier, nous avons confirmé la pathogénicité des deux souches de MSV sur les deux espèces de riz », avance Martine Bangratz, ingénieure en virologie moléculaire à l’IRD. Etant donné que le MSV est présent dans les plantations de maïs d’une douzaine de pays africains producteurs de riz, cette nouvelle est inquiétante. Cette surveillance épidémiologique a donc contribué à tirer la sonnette d’alarme vis-à-vis de ce virus potentiellement émergent dans les rizières du continent africain.


Publication : Noun M.I. Fouad, Mariam Barro, Martine Bangratz, Drissa Sereme, Denis Filloux, Emmanuel Fernandez, Charlotte Julian, Nignan Saïbou, Abalo Itolou Kassankogno, Abdoul Kader Guigma, Philippe Roumagnac, Issa Wonni, Charlotte Tollenaere, and Nils Poulicard. 2024. Old foe, new host: Epidemiology, genetic diversity and pathogenic characterization of maize streak virus in rice fields from Burkina Faso. Phytobiomes Journalhttps://doi.org/10.1094/PBIOMES-08-23-0085-FI

Contacts science : Nils Poulicard, IRD, PHIM nils.poulicard@ird.fr


Charlotte Tollenaere, IRD, PHIM charlotte.tollenaere@ird.fr 


Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet communication.occitanie@ird.fr



Sourcehttps://www.ird.fr/un-nouveau-...