Un monde à nourrir
Publié par Université de Montpellier UM, le 26 janvier 2018 1.5k
Comment assurer une alimentation satisfaisante à une population en perpétuelle expansion tout en préservant la planète ? Un défi à relever dès aujourd’hui, pour garantir la sécurité alimentaire demain.
9,8 milliards. C’est le nombre d’habitants qui peupleront notre belle planète à l’horizon 2050. Une démographie galopante qui soulève un véritable challenge : comment nourrir toujours plus de terriens ? « Le vrai défi n’est pas simplement de les nourrir, nuance Patrick Caron, mais d’assurer à long terme la sécurité alimentaire ». En d’autres termes, la capacité à s’alimenter correctement. « La sécurité alimentaire recouvre la disponibilité de la nourriture, son accès - autrement dit la capacité de produire ou acheter sa propre alimentation, et la qualité de l’alimentation aussi bien sur un plan nutritionnel, sanitaire, sensoriel que socio-culturel. Le tout doit être assuré avec régularité », précise le président du groupe d’experts de haut niveau du comité des Nations Unies pour la sécurité alimentaire mondiale.
Triple fardeau
Un idéal loin d’être atteint : les difficultés alimentaires de divers ordres touchent le monde entier. « On fait face à un triple fardeau », précise Patrick Caron. En premier lieu, la famine : 800 millions de personnes ne mangent pas à leur faim. « Une situation aggravée par le changement climatique et les conflits », souligne Patrick Caron. Deuxième fardeau : 2 milliards d’habitants de la planète souffrent de ce qu’on appelle la faim cachée. « Une carence en micronutriments - zinc, fer, iode, vitamines A et B - qui ne permet pas d’assurer une bonne santé ». Et enfin 2 milliards de personnes dans le monde souffrent, eux, de surpoids ou d’obésité, condition qui s’accompagne d’un risque accru de maladies cardiovasculaires, d’hypertension, de diabète, de cancer.
Comment lutter contre ces fléaux ? Au 20e siècle, le problème semblait simple : « à la question "comment nourrir tout le monde", on répondait "il faut produire davantage" ». Le maître mot d’alors : intensification. Bienvenue dans la « révolution verte ». « Si ce mode de production a effectivement permis d’accompagner l’augmentation de la population, on sait aujourd’hui que la voie intensive en engrais et en énergies fossiles n’est pas viable », souligne Patrick Caron. Il ne s’agit plus simplement de produire davantage, mais surtout de produire mieux. « Produire des aliments de bonne qualité tout en préservant l’environnement en en assurant un revenu décent aux agriculteurs, c’est là le véritable défi », explique Patrick Caron.
Au cœur des enjeux du développement durable
Un défi qui place la sécurité alimentaire au cœur des enjeux du développement durable. « Il ne s’agit pas juste de produire assez, mais bel et bien de produire et consommer pour contribuer au développement durable ». En tenant compte en premier lieu des questions environnementales. « Dans les années 1990, l’agriculture et l’environnement étaient frères ennemis, on a ensuite tenté de les réconcilier », explique Patrick Caron. Eviter la dégradation des terres, maintenir la biodiversité, éviter de contribuer au changement climatique, autant de défis pour une agriculture qui reste à réinventer. « Réconcilier c’est bien, mais pas suffisant. Il faut faire mieux que ça, en utilisant l’agriculture comme un levier pour sauvegarder l’environnement », explique Patrick Caron. Par exemple ? « Dans le domaine de l’élevage, le recours à la prairie présente l’avantage de séquestrer le carbone et limite ainsi les émissions de gaz à effet de serre », illustre le chercheur.
Solutions locales pour une alimentation mondiale
« Avec l’agroécologie, on redécouvre qu’on peut limiter l’usage d’engrais chimiques et choisir d’imiter la nature en stimulant ses cycles biologiques », souligne Patrick Caron. Et produire assez de denrées pour nourrir près de 10 milliards de personnes ? « Oui, mais à condition de mettre en œuvre des solutions locales qui nécessitent un important travail de conception et d’ingénierie, précise Patrick Caron. Il faudra assurer la cohérence entre ces transformations locales et un enjeu à l’échelle mondiale. »
Consommer mieux
Et pour que la planète s’y retrouve, il ne suffit pas de produire mieux. « Il est indispensable aussi de consommer mieux pour contribuer au développement durable », insiste Patrick Caron. Notamment en limitant les pertes et gaspillages qui représentent en moyenne 30% de la nourriture dans la plupart des pays. Mais aussi en consommant des produits de bonne qualité qui favorisent une bonne santé et limitent le coût en santé publique. « Dans le cas du surpoids et de l’obésité, c’est tout l’environnement alimentaire qui est en cause, l’ensemble des facteurs qui influencent le choix des consommateurs est à prendre en compte », explique l’expert.
« La question de la sécurité alimentaire est un véritable Rubik’s cube avec autant de facettes à considérer », illustre Patrick Caron. Le graal : « subvenir aux besoins de tous en fonction de leurs préférences et en tenant compte des empreintes sociales, environnementales et sanitaire de ce qu’on consomme ». Un objectif qui nécessite de redessiner la planète, avec 10 milliards de bonnes volontés.