Train-train pas quotidien, 1e partie : Qu'est-ce qu'un train ?
Publié par PLISKINE ROBERT, le 12 mars 2024 8.4k
J'aime le train ! Comme passager, comme scientifique, comme être social, comme écologiste modéré, j'aime le train. En revanche, je n'aime pas spécialement les "trains touristiques" dont l'usage n'est qu'artificiel et non économique, je n'ai pas de train miniature, je joue à voyager dans des vrais trains sur de vrais trajets souvent (très) très longs. Et comme je n'ai jamais été salarié d'une entreprise ferroviaire, j'ai toujours payé (certes, le moins cher possible) pour les millions de km parcourus.
Précision importante : je parle du chemin de fer comme outil technique et facteur de civilisation, donc quand il fonctionne selon ses normes : les trains prévus circulent et sont à l'heure ; je ne parlerai pas de la SNCF.
Note 1 : les détails historiques sont approximatifs pour rester dans le cadre limité de ce topo.
Note 2 importante : pour tous commentaires, critiques, questions et autres propos, merci de me répondre sur ce site, et je répondrai toujours.
Comme nous sommes ici en environnement scientifique, je me limiterai à ses aspects techniques et pratiques.
D'abord, qu'est-ce qu'un train ? C'est un véhicule qui roule sur des rails, qui le soutiennent, le guident et dont le contact le fait avancer. Exit l'aérotrain, exit le Maglev (train à sustentation magnétique), exit les véhicules confinés dans des tuyaux. De l'air ! De la lumière ! Hors du contact roue-rail, point de salut !
Ensuite, parlons "ferroviaire". Ce qui traîne un train (oh, le beau pléonasme) c'est une machine. A vapeur, c'est une locomotive ; à moteur thermique ou électrique c'est une motrice. Ce qu'elle traîne est une voiture si elle transporte des passagers humains, un wagon si elle transporte des marchandises ou du bétail. Si votre interlocuteur mélange les termes, c'est qu'il n'y connaît rien dans ce domaine. Comme de très nombreux bavards. Certes, il y a des exceptions dues à une vieille habitude : on dit encore chez les "vieux de la pensée" un wagon-restaurant (avec des mangeoires pour les animaux du wagon ?) au lieu voiture-restaurant, un wagon-lits (pour ceux qui prétendent qu'on les transporte comme du bétail, sur des litières ?) au lieu de voiture-lits.
La région Occitanie possède des échantillons de tout ce qu'on peut trouver comme types de voies et de matériel roulant. TGV entre Perpignan et Barcelone, Intercités sur les grands axes, lignes de montagne à voie normale (1m435) entre Toulouse et Latour de Carol (on monte à 1500 m, tout de même !), ligne de montagne "Le Petit Train Jaune" à voie étroite (1 m) entre Latour-de-Carol et Villefranche-Vernet les Bains, lignes "héroïques" Clermont-Ferrand Béziers avec le Viaduc de Garabit, et Clermont-Nîmes avec ses 102 tunnels. Et notre voisin "Le petit train du Lac d'Artouste" en voie Decauville.
Pour commencer, quelques questions peu connues d'histoire et de vie pratique relatives au chemin de fer.
Nous avons déjà vu comment le chemin de fer a nécessité et provoqué l'unification de l'heure en France.
Pourquoi les trains roulent-ils à gauche (sauf en Europe Centrale) ?
Double origine : l'encombrement de Tower Bridge à Londres et le fait de se battre à l'épée avec sa main droite. Sic !
Au XVIIe siècle, Londres était une des plus grandes villes du monde, et franchir la Tamise obligeait à passer l'unique pont, le célèbre "Tower Bridge". Essayez d'imaginer la pagaille de cette masse indistincte d'hommes, de chevaux, de carrioles, d'animaux divers circulant dans tous les sens. Cette pagaille qui bloquait l'économie a amené le Lord-Maire de Londres à trancher dans le vif : on sépare en deux le flot des véhicules, chaque moitié circule dans son propre sens, donc plus de croisement. Mais quel sens, à gauche ou à droite ? Quand deux cavaliers se croisent, chacun étant armé d'une épée tenue dans la main droite, doivent-ils se croiser par la gauche ou la droite ? Par la gauche bien sûr, pour que les mains droites se croisent au plus près. Donc les cavaliers circulent à gauche, et le Lord-Maire a décidé qu'il en serait ainsi. Depuis les Anglais roulent à gauche.
Et comme le chemin de fer est une invention anglaise, il roule à gauche et toutes les infrastructures suivantes (signalisation) ont été conçues pour une circulation à gauche. Mais comme à l'époque du développement du chemin de fer, le XIXe siècle, tout le monde n'était pas ami des Anglais, certains pays ont marqué leur différence en roulant à droite. En particulier les Empires Allemand et Austro-Hongrois. Ce qui n'a pas été simple pour les liaisons transfrontalières (en France, à la limite entre l'Alsace annexée par l'Allemagne et le réseau Français, le "saut de mouton" d'Illfurth). Et en France ? Les trains roulent à gauche... et les métros à droite ; ce qui rend impossible l'utilisation des voies du métro pour créer un RER ferroviaire. "Pourquoi faire simple si on peut faire compliqué ?" (Devise Shadok)
Êtes-vous au courant des problèmes de tension le long des artères ferroviaires ? Question alimentation en courant (et en roulant, hommage à Raymond DEVOS), on trouve de tout : 750 V continus (Exemple : "le Petit Train Jaune"), 1500 V continus sur la plupart des grandes lignes historiques au départ de Paris (PLM, Paris Hendaye, Paris-Toulouse) et le Grand Sud ( Bordeaux-Toulouse-Marseille), 3000 V continus (en Italie), 15 000 V 16 Hz 2/3 (réseaux germaniques), 25 000 V 50 Hz (toutes les lignes modernes dont TGV). Pourquoi ces disparités ? Quelles en sont les conséquences ?
Plus la tension est élevée, plus la puissance disponible le long des caténaires est élevée (Lois d'Ohm et de Joule). Mais plus les problèmes d'isolation sont aigus : il suffit de voir le nombre d'isolateurs sur une ligne 25 000 V alors qu'en 750 V on peut se risquer à utiliser un 3e rail grossièrement isolé par des planches et des panneaux d'avertissement. En revanche, plus la tension est élevée moins il y a de pertes en ligne, ce qui permet pour le 25 000 V 50 Hz de se passer des multiples postes de transformation des lignes 1500 V en se branchant simplement sur le réseau Haute-Tension 225 000 V à l'aide d'un petit transformateur. Devinette : où se trouve le poste de transformation 1500 V "Petit Béru" ? Non, ce n'est pas à San Antonio (Texas).
Quelles différences entre un train, une rame automotrice et une rame articulée type TGV ?
Un train est un ensemble de remorques (wagons ou voitures) traînées par une motrice. Ces remorques sont attachées les unes aux autres et l'ensemble au crochet de remorquage de la motrice. Ces remorques peuvent être de n'importe quel type puisque l'attelage est universel. Problèmes : attelage fait à la main par des ouvriers dans des conditions dangereuses, et pour qu'un train classique reparte en arrière il faut dételer la motrice, la faire manœuvrer pour l'amener à l'autre extrémité du train, l'atteler, tout vérifier, ce qui est long (une quinzaine de minutes) et délicat. Le train rapide "RAILJET" autrichien en est un modèle, atteignant le 230 km/h. On peut modifier la composition en gare, car l'attelage est classique.
Une rame automotrice est un ensemble de voitures muni d'un moteur. Le plus simple est l'autorail, parfois appelé "Micheline" par ceux qui confondent une roue en acier avec bandage métallique avec une route de camion sur pneu. L'intérêt principal est que chaque module étant indépendant, on peut doubler voire tripler la capacité d'un train, et comme il y a une cabine de conduite à chaque bout il suffit, pour faire demi-tour, que le conducteur parcoure le train (3 à 4 mn). L'attelage de plusieurs rames est automatique.
Une rame articulée type TGV, ICE en Allemagne, ou TALGO en Espagne. La conception est totalement différente. Chaque voiture repose à ses extrémités sur un bogie (chariot portant les 4 roues) qu'elle partage avec la suivante et la précédente. Les voitures, plus courtes que celles des trains classiques, sont en quelque sorte suspendues aux bogies et non posées dessus, ce qui permet à la caisse de descendre et de mettre ses portes au niveau des quais (ce qui évite de monter les 3 marches classiques avec ses bagages), et de rajouter un étage pour augmenter la capacité. L'intérêt de ce montage est aussi d'améliorer la sécurité, un peu comme les alpinistes d'une cordée : chaque voiture est solidement arrimée à la précédente et la suivante, et la rame ne se disloque pas même en cas d'accident avec déraillement. Ainsi le déraillement provoqué par l'attentat de Khaled Kelkal en 1995 sur le TGV Paris-Lyon n'a pas provoqué de victimes graves. Une motrice est intégrée à chaque bout avec sa cabine de conduite, ou des moteurs intermédiaires sur certaines ou toutes les voitures selon le cas (Shinkansen japonais), ce qui permet d'avoir une énorme puissance motrice (jusqu'à 20 mégawatts, soit celle d'environ 500 voitures moyennes). La structure + la puissance permettent d'atteindre de très grandes vitesses : record du monde 574,8 km/h, 320 km/h en vitesse commerciale même dans le brouillard ou sous un orage violent, je l'ai vécu plusieurs fois.
Devinette pour conclure (posée par un Polytechnicien ingénieur à la SNCF) : la SNCF est dirigée (en théorie) par des Polytechniciens. Quelle différence y a-t-il entre un Polytechnicien et un train ? éponse : quand un train déraille, lui au moins il s'arrête.
Ce sera tout pour aujourd'hui. Teasing pour les prochains articles, qui ne seront publiés que sur demande de lecteurs.
Comment un train est-il guidé, ou "comment dire de nombreuses bêtises sur un seul sujet" ?
Quel est l'intérêt économique de faire rouler un TGV à 320 km/h et ni plus ni moins vite ?
Pourquoi y a-t-il 3 rails sur la ligne St-Gervais-Chamonix ?
Pourquoi faire passer un train là où une route serait impossible (exemple : Kiruna-Narvik) ?
La "Ligne du Cercle Polaire" , (Stockholm-)Boden-Narvik , 700 km au nord du Cercle Polaire.
Pour rêver un peu : le grand confort à bord des trains ordinaires.
Mes voyages culturels technico-scientifiques.
Robert PLISKINE . Tél : 06 70 45 48 78 .