Toulouse inaugure son allée Matilda

Publié par Lauriane Chauvet, le 16 novembre 2019   2k

La nouvelle plaque de l’allée Matilda en référence à l’Effet Matilda, inaugurée ce 27 septembre 2019
La nouvelle plaque de l’allée Matilda en référence à l’Effet Matilda, inaugurée ce 27 septembre 2019 à Toulouse - © - Photo DDM, Fred Charmeux

 Le 27 septembre 2019, une nouvelle rue a été inaugurée à Toulouse. Cette allée nommée Matilda, fait référence au fameux “Effet Matilda” qui caractérise l’absence de reconnaissance du travail des femmes scientifiques dans leurs domaines. On ne pouvait imaginer meilleur endroit pour l’implanter que la croisée entre le muséum d’Histoire Naturelle et le Quai des Savoirs!

 

La maire de quartier Françoise Ampoulange et Philippe Raimbault - président de l'Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées étaient accompagnés de Francis Grass adjoint au maire pour célébrer ce baptême plein de symbole. En effet, cette démarche répond à un double objectif. Tout d’abord, travailler à rendre leur place aux femmes chercheuses et scientifiques non reconnues ou oubliées au cours de l’histoire. Ensuite, mettre en avant la politique de féminisation des métiers scientifiques actuellement menée par l’université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées. Afin de donner encore plus de sens à ce geste, le Quai des Savoirs, à l’initiative de l’événement, a choisi le jour de “la Nuit européenne des chercheurs” pour cette inauguration.

 

L’effet Matilda, c’est quoi?

L’effet Matilda fut décrit en 1993 par Margaret Rossiter. Quelques années après avoir développé la notion de plafond de verre la chercheuse américaine se penche sur le travail des femmes scientifiques et le peu de cas qui en est fait dans la littérature. Elle le définit ainsi « le déni ou la minimisation récurrente et systémique de la contribution des femmes scientifiques à la recherche ». Elle choisit le prénom de Matilda en référence à Matilda Joslyn Gage, avocate des droits des femmes, militante féministe et abolitionniste qui vécut et œuvra aux États-Unis au XIXème siècle. Le pendant masculin de l’effet Matilda n’existe pas. Ce qui s’en rapproche le plus est l’effet Matthieu, théorisé en 1968 par le sociologue Robert Berton. Il caractérise lui la récupération d’un travail par un collègue dont la personnalité est plus reconnue.

Matilda Joslyn Gage célèbre militante, avocate et féministe américaine dont Margaret Rossiter s’inspira pour nommer l’effet Matilda
Matilda Joslyn Gage célèbre militante, avocate et féministe américaine dont Margaret Rossiter s’inspira pour nommer l’effet Matilda -
© Encyclopædia Britannica 

La fission nucléaire, la plasticité neuronale, les chromosomes XY, le premier cliché de l’ADN

 Toutes ces découvertes sont celles de femmes qui travaillaient sur les projets avec des collègues masculins. Elles furent au moment de récolter les lauriers de leurs travaux, évincées par ces mêmes collègues, sciemment ou pas. Ainsi, Frieda Robscheit-Robbins, par exemple, fût exclue du Prix Nobel de médecine 1934, décerné à son collègue George Hoyt Whipple. Ils avaient pourtant co-écrits 21 articles sur l'anémie et mené leurs recherches ensemble. Whipple partagea d'ailleurs avec elle le montant des gains financiers issus du Nobel.

 

Une histoire qui se répète...

Le cas le plus ancien qui fut identifié et étudié est celui de Trotula de Salerne. Femme, médecin, chirurgienne, obstétricienne, enseignante à l’école de médecine de Salerne au XIème siècle, elle écrivit plusieurs ouvrages relatifs aux femmes et à leur santé. Son traité de gynécologie devint une référence et fut traduit dans plusieurs langues. Avant-gardiste, elle écrivait que la stérilité pouvait venir de l’homme et que les accouchements ne devaient pas se faire dans la douleur. Longtemps, l’existence de Trotula fut remise en question, ses écrits attribués à ses contemporains masculins. Il y a quelques années, un consensus général dans le milieu scientifique lui a rendu sa place de femme médecin et auteure.

Cet article pourrait continuer sur de nombreuses pages car la liste de ces femmes chercheuses, médecins, scientifiques non reconnues par leurs pairs est bien longue. France Culture s’est prêté au jeu et vous pouvez retrouver les spoliations les plus marquantes ici. N’hésitez pas à les parcourir, c’est frappant!

Enfin, l’excellent philonomist.com décrit l’effet Matilda avec beaucoup d’humour au travers d’une petite vidéo de deux minutes à peine, que l’on regarde ici