Sport et santé # 1 : Le sport remplace la gymnastique
Publié par Patrimoine Université Toulouse III - Paul Sabatier, le 12 juillet 2024 510
« Les sections de pédagogie, d’hygiène et de médecine ont voté une résolution condamnant le sport scolaire » versus « Le sport est bon pour la santé : c’est prouvé ! ». Entre ces deux informations plus d’un siècle d’histoire, de pratiques, de réflexions, et de recherches. La première a été annoncée dans la Gazette des Hôpitaux de Toulouse en 1894, la deuxième est le titre d’un article publié dans le Journal du CNRS en 2023. Si le lien sport-santé semble désormais indéfectible et incontestable, les deux termes ont parfois paru antinomiques. Pour comprendre et expliquer cette relation, il faut retracer le cheminement de l’enseignement et de la recherche dans ce domaine depuis la fin du XIXe siècle. Et à Toulouse, cette aventure a été marquée par des personnalités, voire des personnages, qui ont contribué à écrire l’histoire de l’Université et du Sport. Une histoire en 3 temps et 4 épisodes.
Venu d’Angleterre vers 1870, le terme est réservé à des « exercices de plein air » comme le canotage, l’escrime en passant par la chasse à courre et la pêche. Mais en France on confond souvent, d’après le Dictionnaire Littré, sport et turf (courses hippiques). Le sport est donc compétition et jeu. C’est le terme de gymnastique qui correspond alors plutôt à la notion d’exercice sportif, que l’on n’appelle pas encore éducation physique. Et la gymnastique, ou plus précisément les « exercices gymnastiques », sont très associés à la formation militaire. Loin de l’amusement, donc. Pourtant les deux termes vont se rapprocher.
Dans le dernier quart du XIXe siècle, il est encore question de gymnastique suédoise, ou encore des préceptes du colonel Amoros et de ses gymnases dédiés à la formation de citoyens-soldats. Mais, la question d’un enseignement de « la gymnastique » à l’école est en débat. Au Conseil Municipal de Toulouse des échanges vifs ont lieu, opposant les défenseurs des « bataillons scolaires » aux partisans des « bataillons de gymnastique ». La différence entre les deux ? Le maniement des armes. Les premiers soutenant le maintien d’entraînements spécifiques pour des enfants qui auront un jour à défendre la patrie, les seconds prônant l’importance de donner une éducation physique plus complète et non une préparation militaire. Point de vue résumé par le Conseiller Jean Jaurès le 30 décembre 1890 : « (…) il est préférable de nous attacher à leur donner une éducation physique sérieuse, et c’est pour cela que nous proposons la substitution de l’enseignement gymnastique au simple maniement du fusil. ». L’idée générale étant de former des « jeunes gens robustes, souples et habiles ».
Un autre phénomène va accélérer le mouvement, un nouvel engin a fait son apparition et suscite l’intérêt de toute la société : le vélocipède ! Cette nouvelle forme d’exercice a le vent dans le dos, et des installations spécifiques voient le jour. A Toulouse, au 25 rue Roquelaine, le Manège Petit « offre aux personnes désireuses d’apprendre à monter à bicyclette une piste d’études de 200 mètres carrés, ainsi qu’une piste réservée pour les leçons particulières » et une autre plus longue pour ceux « qui désirent se perfectionner ou continuer en hiver un sport si hygiénique ». Le Docteur Sécheyron, professeur à la faculté de médecine, publie une brochure de 15 pages en 1896 pour prescrire cet exercice à ses patientes : « La bicyclette, mieux que le cheval, le Lawn-tennis, les retire de leur retraite et les jette sur les routes, dans les campagnes ; leurs organes fonctionnent d’une manière régulière (…). L’esprit se repose et le corps agit ; tous deux vivent en harmonie. » Il conclue : « La bicyclette est donc approuvée en principe par le physiologiste et le médecin. Tous s’accordent à reconnaître à ce sport de grands avantages. ». Si le sport a remplacé la gymnastique, nul doute qu’il a fait une partie du chemin à vélo !
Au début du XXe siècle l’idée du bénéfice de l’exercice sportif prend le pas sur les craintes que les excès de sport pouvaient susciter, et le Conseil Municipal « émet le vœu qu’un Institut National d’éducation physique analogue à ceux existant à Stockholm, Bruxelles, Rome, Turin et Naples, soit créé par l’Etat. ». Vœu exaucé… presque 20 ans plus tard. Un pionnier du « Pyrénéisme [1] », version sportive (alpinisme et ski), Jean Arlaud a largement contribué à ce changement. Sa thèse de médecine soutenue en 1923 offre une « Etude de l’entraînement sportif à l’alpinisme par le critère oscillométrique ». Trois ans plus tard il publie « Quelques conseils pour l’entraînement du ski ». Il dénonce dès la préface : « Le profond désintéressement que professent les maisons d’enseignement envers l’éducation physique élémentaire de l’enfant, et l’exercice inconsidéré de sports déformants (bicyclette, cheval, agrès de gymnastique) nous ont donné une jeune génération privée en grande partie de la simple souplesse représentant le jeu normal des articulations ». Et logiquement, il énonce sa proposition : « Le ski est un sport extrêmement complet, mettant en jeu (comme l’Alpinisme) tous les muscles du corps et une grande partie des facultés morales ».
C’est dans ce contexte et sous la férule de ce professeur qu’est créé à Toulouse en 1929, l’IREP, l’Institut Régional d’Education Physique placé sous la direction de la Faculté de médecine. Le lien entre sport et santé est établi officiellement, administrativement. Le terrain est prêt pour que naisse ce que l’on appellera « médecine du sport » qui est encore en réalité une médecine par le sport et donc finalement un « sport-médecine ».
Rédaction : Corinne Labat, Service Jardin Botanique et Collections Scientifiques, Université Toulouse III - Paul Sabatier.
Crédit Photo : Amélie Boyer, Service de l'Inventaire et de la Connaissance des
Patrimoines, Direction de la Culture et du Patrimoine, Région Occitanie.
[1] Mouvement qui conjugue philosophie, recherche, art, exploration, littérature, culture, aventure, sport, et science, le terme est utilisé pour caractériser tous ceux qui au XIXe partaient à la découverte des Pyrénées, et qui en ont parlé.