Santorin secouée par une crise sismique

Publié par OSU OREME, le 15 mars 2025   26

L’île grecque de Santorin a été secouée par une série de tremblements, atteignant parfois une magnitude de 5.2. Après que l’île ait été déclarée en état d’urgence le 6 février, plusieurs milliers d’habitants et de travailleurs ont quitté l’île en urgence et reviennent aujourd’hui progressivement.

Plusieurs équipes scientifiques internationales étudient la menace. Des capteurs GNSS ont été installés en urgence pour mesurer les moindres déplacements du sol. Ces mouvements lents mais constants témoignent des processus qui se déroulent sous l’île, qui continuent de s’exercer et de remodeler progressivement la croûte terrestre.

Le volcan sous-marin Kolumbo, situé à 7 km sous la mer, est surveillé de près. Bien qu’actif, il ne montre pour l’instant aucun signe d’éruption. L’histoire rappelle cependant que la région a déjà connu des événements majeurs : en 1956, un séisme de magnitude 7.7 à Amorgos a provoqué un tsunami en Méditerranée, avec des vagues atteignant 20 mètres de haut.

La vigilance de la communauté scientifique est donc maximale.

Comprendre l’activité sismique à Santorin

Je m’appelle Erik Doerflinger, je suis ingénieur CNRS au laboratoire Géosciences Montpellier, et dans le cadre de mes missions pour l’OREME, j’interviens sur la mesure des déformations de la croûte terrestre. Depuis plusieurs semaines, l’île de Santorin a donc fait face à une activité sismique inhabituelle, marquée par des secousses successives qui ont inquiété habitants et scientifiques. Mon travail consiste à analyser ces phénomènes en installant et en exploitant des capteurs de mesure des déplacements du sol.

Des séismes et une migration du magma

Nous redoutions initialement que la crise sismique en cours ne soit annonciatrice d’un phénomène plus grave. En effet, depuis le milieu de l’année 2024 les capteurs enregistraient une déformation de l’île de Santorin associée à une remontée de magma, mais ce phénomène s’est arrêté en janvier et la sismicité à migré à l’Est en direction de l’île d’Amorgos.

Ce phénomène met en lumière une distinction essentielle à comprendre : les séismes résultent d’une activité tectonique, où les plaques en profondeur se déplacent brutalement, tandis que les mouvements magmatiques relèvent d’une dynamique interne plus lente. À Santorin, on semble passer d’une remontée de magma à un glissement sur des failles, c’est en ce sens que cet événement est original et encore mal compris.

Un retour progressif à la normale

Lorsque je suis arrivé sur l’île, les secousses les plus fortes avaient déjà eu lieu. J’ai rencontré une population avide de comprendre ce qui s’était passé, soucieuse d’obtenir des explications. Les habitants ont repris pour beaucoup leurs activités, et les discussions tournent à présent autour des enseignements que nous pouvons tirer de cette séquence sismique.

Observer les mouvements post-sismiques

Après un séisme, les ajustements de la croûte terrestre se poursuivent. Ces phases dites « post-sismiques » sont essentielles à observer, car elles permettent de mieux comprendre les réajustements tectoniques qui suivent une grande secousse. Si une nouvelle crise devait se produire, les scientifiques présents sur place disposent désormais de données plus précises pour affiner leurs modèles.

En complément des mesures existantes, nous avons installé plusieurs capteurs GNSS pour surveiller les moindres déplacements du sol. Ces instruments enregistrent en continu les déformations et permettent de croiser nos données avec celles des sismologues locaux et des chercheurs français, allemands, italiens et anglais impliqués dans l’étude de la région. Le support financier de l’INSU a permis de m’envoyer sur place pour le déploiement des sites en collaboration avec Athanassios Ganas et Stratos Liadopoulos du National Observatory of Athens (NOA) et Panagiotis Elias de l’Université de Patras. Le reste du matériel (panneaux solaires, batteries, routeurs 4G, etc.) a été fourni par les chercheurs grecs. Ces installations ont bénéficié du soutien du Greek Ministry for Civil Protection, des municipalités de Thira et d’Anafi, de l’Union of Santorini boat men, la Greek Fire Brigade, et l’Hellenic Air Force.

La cellule de crise sismique

Lorsqu’une crise de ce type survient, une cellule de crise sismique est activée pour coordonner les interventions scientifiques et techniques. En France, cette mission est assurée par une équipe scientifique pluridisciplinaire. Philippe Vernant, enseignant-chercheur à Géosciences Montpellier, est responsable de la coordination des activités GPS dans cette cellule, tandis que je suis missionné pour déployer des capteurs et affiner l’analyse des mouvements du sol.

Le rôle de cette cellule est d’accompagner les chercheurs français qui auraient des activités et contacts dans la zone frappée par le séisme pour éventuellement mener des actions, mobiliser des équipements et analyser des données de terrain. Chaque séisme est une opportunité d’affiner nos modèles et d’améliorer la compréhension des mécanismes tectoniques en jeu.

Pour aller plus loin

Contacts

  • Philippe Vernant, enseignant-chercheur de l’Université de Montpellier, laboratoire Géosciences Montpellier, coordinater des activités GNSS (GPS) pour la Cellule d’intevention post-sismique de l’INSU
  • Erik Doerflinger, ingénieur CNRS, laboratoire Géosciences Montpellier