Retour sur l'exposition Sibyllium, événement du Centre Culturel Bellegarde (Toulouse)
Publié par Sabrine Chibane, le 27 avril 2018 1.9k
À l’occasion de l’événement « Sibyllium » qui traite des technologies avenir sous l’angle des sciences humaines, de l’art et de la recherche, le Centre Culturel de Bellegarde à Toulouse consacre une nouvelle exposition à la réalité virtuelle. Cette exposition originale a débuté le 10 avril et prendra fin le 6 mai 2018. C’est donc à travers un reportage que j’ai souhaité retracer ma visite et partager mes découvertes et mes impressions !
C’est au cours d’un vendredi après-midi que je décide d’aller voir l’exposition sur la réalité virtuelle au Centre Culturel de Bellegarde. C’était pour moi l’occasion de tester les fameux casques de réalité virtuelle dont vous avez certainement entendu parler et/ou tester ! Cependant, ce qui a le plus suscité ma curiosité était l’ambition du Centre Culturel de Bellegarde et cette manière originale de traiter de la réalité virtuelle : sous l’angle des sciences humaines, de l’art et de la recherche. Ainsi, une question m’a traversé l’esprit : comment l’exposition va-t-elle traiter de tous ces aspects ?
Une fois les interrogations soulevées - et bien ancrées dans ma tête - j’ai sauté le pas ! Mais qui de mieux que le commissaire d’exposition pour apporter plus précisions ? Je pars donc à la rencontre de Jean-Philippe RODRIGUES. Il a accepté de répondre à mes différentes questions et m’a également guidé tout au long de cette visite au cœur des univers immersifs.
Quel est l’objectif de cette exposition ?
Jean-Philippe RODRIGUES : l'objectif premier est de créer un événement nommé « Sybillium » avec des workshops, des conférences et cette exposition ! Notre idée était de prendre une technologie et de confronter des chercheurs, des acteurs, des réalisateurs, et aussi des philosophes qui réfléchissent sur les phénomènes sociétaux. Par exemple aujourd’hui, plusieurs philosophes réfléchissent sur ce que peut être le réel et le virtuel.
Quant au nom « Sybillium », il vient de la « Sibylle » qui est une prophétesse dans la mythologie grecque. Contrairement à la Pythie, qui elle est porte-parole des dieux, la Sibylle est indépendante, elle dit ce qu’elle veut et ce n’est pas un dieu qui lui impose ce qu’elle souhaite raconter. L’événement Sybillium est donc censé montrer aux gens -au plus grand nombre- de manière gratuite ce que seraient le futur et les technologies émergentes transformant la société. Il y a des choses à voir très pointues et d’autres, plus simples, l’exposition est vraiment accessible !
Pourquoi avoir choisi ces 12 œuvres en particulier ?
Jean-Philippe RODRIGUES : il y a une particularité au Centre Culturel de Bellegarde : on organise le reste de l’année des stages techniques pour de la réalisation vidéo, du montage sonore, etc. Cela fait 4 ans que j’organise un stage de création d’univers en réalité virtuelle. Ainsi, de contact en contact, j’ai pu choisir plusieurs œuvres. Sinon, je fais également de la veille autour de plusieurs artistes. Cependant, en plus de ce choix, mon idée était également de scénographier l’espace pour qu’on ait l’impression en pénétrant la salle d’être déjà ailleurs.
Passant d’œuvre en œuvre j’ai pu vivre avec chacune d’entre elles des émotions et des sensations uniques. Je vous invite à suivre ce petit voyage sensationnel !
Lorsque la porte s’ouvre, je comprends rapidement que je pénètre dans un autre univers, puisque tous les éléments me faisant croire cela étaient réunis. On entre dans une salle légèrement éclairée par des couleurs vertes et dans laquelle on pouvait entendre une musique invitant à faire le voyage de la découverte. Sur les murs j’aperçois le titre et les descriptions de chaque œuvre. 12 œuvres ont été choisies pour raconter chacune une histoire, et tout cela via la réalité virtuelle. Je commence donc à mieux comprendre comment la visite est pensée et organisée et je m’apprête à aller plus loin.
La découverte : les nomades de la mer « Nomads – Sea Gypsies »
N’ayant jamais testé auparavant un casque de réalité virtuelle, le commissaire d’exposition m’a invité à commencer par quelque chose de plus « léger » le temps de m’habituer. Je me dirige donc vers la salle présentant l’œuvre « Nomade – Sea Gypsies » une application de réalité virtuelle réalisée par Félix et Paul Studios.
Une fois le matériel en place, la balade virtuelle commence. Je me retrouve immergée au sein des Bajaus Laut, appelés aussi les nomades de la mer puisqu’ils vivent depuis des siècles sur les côtes du Bornéo, île située au Sud-est asiatique. Dans une ambiance apaisante, je suis invitée au voyage et à la découverte.
J’ai cette impression d’être réellement en compagnie des hommes, des femmes et des enfants, chacun s’attelant à une tâche spécifique. Je suis alors comme intégrée dans une famille, écoutant le bruit de l’eau, les chants traditionnels et les rires des enfants. J’étais embarquée dans une pirogue pour pêcher, un élément extrêmement important dans la vie des Bajaus Laut (Wikipédia) . On comprend que le poisson avait une part très importante dans leur alimentation, puisque j’ai virtuellement partagé un repas avec eux !
Cette première expérience a été particulière puisqu’étant férue d’ethnographie et d’anthropologie, je découvrais une petite merveille qui me donne l’envie d’en savoir plus sur ce peuple que j’ai l’impression d’avoir rencontré pour quelques minutes.
L’émotion : « Dear Angelica »
Après avoir été transportée dans la vie des nomades, j’entre dans la deuxième salle où je m’apprête à vivre une expérience très émouvante. Dear Angelica est un film d’animation réalisé par De Saschka Unseld Et Wesley Allsbrook. Il s’agit du premier film conçu dans la réalité virtuelle ! Il a par ailleurs été la révélation du festival Sundance en 2017.
Pour mettre en place cette fabuleuse expérience, les réalisateurs ont utilisé l’outil Quill, « production interne qui permet aux illustrateurs de dessiner des scènes entières en VR avec les Oculus Touch » (ETR) une technologie développée par Oculus (société spécialisée dans la réalité virtuelle).
Ce film raconte l’histoire des rêves d’une fille ayant perdu sa mère, actrice. Je me retrouve donc plongée dans ce rêve en couleur se dessinant petit à petit autour de moi. Un élément d’interactivité a été rajouté : lorsque je fixe un élément, celui-ci est mis en valeur. La musique, les voix et les illustrations me transportent complètement.
Après avoir terminé de regarder ce film touchant et puissant, on est comme dans un autre monde, on ressent le besoin de prendre quelques minutes pour se réveiller et revenir à la réalité.
Après ce bain d’émotion je suis à la fois impressionnée par l’immersion, j’estime que la qualité été exceptionnelle et touchée par une histoire poétique et pleine de sens. Vous l’aurez compris, cette deuxième œuvre raconte un autre récit et vous donne à voir (et à sentir) un tout autre univers.
L’immersion absolue : « La Péri »
C’est dans une salle plus grande que je m’apprête à découvrir cette œuvre. La Péri est un ballet originellement composé au début du 20éme siècle par Paul Dukas. C’est l’histoire d’un prince qui prend la fleur de l’immortalité à une Péri décrite comme étant une fée. Ici, je suis dans la peau du prince Iskender et j’ai pour mission de chercher la fleur de l’immortalité que la Péri possède. Néanmoins, avant de commencer l’expérience quelques explications se sont imposées, puisqu’ici en plus du casque de réalité virtuelle on porte également deux objets à la main, une sorte de manettes pour jouer.
Le spectacle a commencé et je prends conscience que cette expérience est également complètement différente des deux autres vécues précédemment. Ici, je peux bouger et attraper des objets, je peux être actrice puisque je suis dans la peau du prince. L’immersion est donc totale !
À la fin un choix s’est imposé : reprendre la fleur ou alors la laisser à la Péri. Je confesse : ayant été curieuse de voir ce qui allait se passer moi, le prince Iskender, j’ai choisi de prendre la fleur !
Pour cette œuvre je suis transportée comme dans un jeu pendant lequel on est en action, mais on est avant tout face à un magnifique spectacle. On se retrouve au milieu de la scène avec la Péri dansant autour, des lumières, de la musique. Par ailleurs, le commissaire d’exposition m’a confié qu’il y avait une volonté d’aller un peu plus loin dans cette plongée virtuelle et dans l’immersion. C’est également pour cette raison que la salle choisie est plus grande, le but étant de laisser de l’espace au visiteur.
L’interrogation : court métrage « Alteration »
Je termine ma visite avec le court métrage Alteration réalisé par Jérôme Blanquet. Ce court métrage a reporté le FIPA (Festival International de Programmes Audiovisuels) d’or de l’innovation lors de la 31e édition qui a eu lieu en janvier 2018 (Webcréation).
Qui n’a jamais rêvé d’être dans un film ? Moi oui ! J’ai donc été ravie de découvrir que j’allais être à la place de l’acteur principal, même si j’espère que rien de tragique n’allait m’arriver. Bien installée, mon casque sur la tête, le film commence. Je comprends que l’univers est quelque peu étrange, voire psyché. En effet, le personnage principal, Alexandro, s’est porté volontaire pour participer à une expérimentation scientifique qui porte sur l’étude des rêves. Cependant, au plus grand malheur d’Alexandro une intelligence artificielle au nom d’Elsa décide de s’incruster dans ses rêves dans le but de s’humaniser en numérisant et en assimilant l’inconscient d’Alexandro. Vous voyez ? Je disais que c’était étrange !
Tout au long du court-métrage, j’ai été à la place de ce personnage et je me retrouve face à des scènes qui se mélangent, des images qui se brouillent, de l’incompréhension et de la confusion. C’est toute une mosaïque de sensations que ce court-métrage en réalité virtuelle m’a fait ressentir. C’est donc bien au sein d’une expérimentation scientifique que je plonge et c’est surtout à la fin de l’expérience que des interrogations m’ont traversé l’esprit. Elles concernent la science, les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle, bref, des thèmes d’actualité qui témoignent des questionnements sociétaux face aux nouveautés et au changement.
Ma visite se termine ici ! J’étais tantôt chamboulée, tantôt impressionnée ! C’est tout cela que l’exposition a suscité chez moi. Si je devais retenir une chose en la quittant ce serait l’étonnement. Je ne m’attendais pas à découvrir des œuvres aussi puissantes et aussi différentes les unes par rapport aux autres. Nul besoin d’être expert, d’aimer l’art ou la philosophie, il suffit seulement d’être curieux et ouvert à la découverte.
Le message que je garde en tête ? Le fait que plusieurs voies existent pour appréhender la réalité virtuelle et montrer d’autres facettes au-delà de l’aspect purement « technique » qui est le plus souvent mis en avant. Par ailleurs, c’était bien l’ambition du Centre Culturel de Bellegarde : traiter de la réalité virtuelle sous un nouvel angle, celui des sciences humaines, de l’art et de la recherche. Une interdisciplinarité nécessaire à la compréhension de ces phénomènes émergents.
Je n’ai pas pu voir toutes les œuvres donc plusieurs restent à découvrir : PROXIMA, PLANET, VAYSHA L’AVEUGLE, NOTES ON BLINDNESS, S.E.N.S, I SAW THE FUTURE, UNE PROPHETIE CATHODIQUE, THE ENEMY, MAARS.
Si l’envie vous vient de tenter cette expérience d’exception, l’exposition dure jusqu’au 6 mai 2018. Elle est accompagnée de plusieurs conférences qui permettent d’apprendre et de comprendre grâce aux spécialistes invités.
Conférence 1 : 4 MAI | 17h30 | Sébastien Yriarte (Technsmile) LA RÉALITÉ VIRTUELLE DANS LES MÉTIERS : RETOUR D’EXPÉRIENCE
Conférence 2 : 4 MAI | 18H30 | Janaïne Golonka LA RÉALITÉ VIRTUELLE COMME NOUVEAU MODE DE MÉDIATION DU PATRIMOINE ? ENTRE MISES EN SCÈNES ET EXPÉRIENCES IMMERSIVES. Une conférence par les Storygraphes
Conférence 3 : 4 MAI | 19H30 | Thomas Seymat JOURNALISME IMMERSIF À EURONEWS : CHALLENGES ET SOLUTIONS
Vous trouverez la suite des conférences et toutes les informations nécessaires sur la page facebook du Centre de Bellegrade.