Retour sur l'apéro #5 des Brasseurs de sciences : "La Science à portée de tous"
Publié par Julie Poirier, le 5 mars 2018 2.7k
C’était jeudi 22 février dernier qu’a eu lieu le 5ème « Brasseurs de sciences ». Et pour accueillir la quarantaine de participants, c’était le sympathique bar « Le Salmanazar » qui nous ouvrait ses portes. (Illustrations : Sarah Debaud)
Ce soir-là, une jolie thématique était à l’honneur : la « science accessible ». Et pour débuter cette soirée, l’équipe d’organisation a tout d’abord proposé un petit sondage : pour vous, les publics empêchés, qu’est-ce que cela sous-entend ? Les personnes présentes se sont alors accordées sur la définition suivante : il s’agit des personnes n’ayant pas facilement accès à la Culture Scientifique et Technique pour des raisons de distance, des raisons économiques, des raisons culturelles…
Pour discuter de cette belle thématique, cinq intervenants avaient fait le déplacement :
- Catherine JEANDEL et Nadia VUJKOVIC de l'association Les étoiles brillent pour tous
- Chloé SOISSONS et Emilie IZQUIERDO de la Maison de l’initiative concernant le projet « Le ciel à portée de main »
- Maxime MORE-CHEVALIER de l'association Les Petits Débrouillards (Montpellier)
Présentation des intervenants
Origine de l'association « Les étoiles brillent pour tous »
Et c’est Catherine JEANDEL, directrice de recherche au CNRS, océanographe travaillant à l’Observatoire Midi-Pyrénées de Toulouse qui débute la soirée en nous racontant l’origine de l’association « Les étoiles brillent pour tous ».
Au départ donc, deux océanographes, deux astronomes et un atmosphériste ont décidé de lancer cette association afin d’aller raconter le quotidien des chercheurs à des publics qui n’en entendent pas souvent parler : les maisons de retraite, les lieux dédiés aux handicaps, les hôpitaux ou encore le milieu carcéral.
L‘association organise également des sorties pour ces différents publics, comme par exemple au Pic du Midi.
Les retours sont très positifs et les différents scientifiques qui interviennent vivent des moments tout simplement incroyables. Beaucoup de partage, d’échanges, de discussions poussées émanent de ces temps d’intervention.
La science à portée des déficients visuels
Emilie IZQUIERDO et Chloé SOISSONS nous présentent ensuite leur projet.
La Maison de l’initiative est une SCOP (Société Coopérative et Participative), ancrée dans le milieu social et solidaire, qui brasse plein de profils très différents. Émilie, avant de se lancer comme entrepreneur, a travaillé à la Cité de l’espace ainsi qu’au Muséum de Toulouse.
Chloé, quant à elle, est consultante en accessibilité aux personnes en situation de handicap. Ainsi, elle accompagne, tout porteur de projet, qui souhaite répondre à des questions d’accessibilité.
Elle nous précise que dans le cadre de son travail, elle préfère parler de public « à besoin spécifique » plutôt que de « publics empêchés ». En effet, tout le monde est un public empêché à un temps T. Le projet « le ciel a porté de main » a pour objectif d’être lancé le 7 juillet prochain à l’occasion du festival Science in the city, mis en place dans le cadre d’ESOF 2018. L’idée de ce projet a émergé suite au constat suivant : on manque terriblement de support pour parler d’astronomie à un public déficient visuel.
L’objectif est donc de développer des outils pédagogiques permettant de parler d’astronomie non seulement à du grand public, mais également à des personnes en situation de handicap (maquette tactile, livre en relief, audiodescription…).
Suite à cette présentation, Nadia VUJKOVIC nous explique, que les étoiles brillent pour tous interviennent eux aussi, depuis peu, auprès d’un public déficient visuel. Elle illustre ce propos en nous précisant qu’un chercheur est intervenu sur la thématique de la lumière auprès d’un public de personnes aveugles, en se servant de l’analogie avec le son pour transmettre les messages.
« Nous sommes tous, à un moment donné, un public exclu » Maxime CHEVALIER, médiateur chez Les Petits Débrouillards Montpellier
Pour finir, Maxime CHEVALIER, médiateur social et scientifique de l’association « Les Petits Débrouillards », antenne Montpellier, nous présente l’association et ces différentes actions.
« Nous aussi, on essaie d’atteindre la lune aux Petits Débrouillards », commence-t-il par nous dire.
Les Petits Débrouillards, c’est un mouvement d’éducation populaire, ayant pour volonté de transmettre une approche ludique des sciences, en se servant du quotidien pour en parler. C’est ainsi qu’ils souhaitent expliquer la complexité qui nous entoure, et ce, au public le plus large possible. Il nous rappelle ensuite que nous sommes tous détenteurs de savoirs, quels que soient l’endroit où nous vivons, nos handicaps ou notre âge, et que nous sommes tous, à un moment donné, un public exclu.
Face à cette réalité, et au manque de communication qui perdure dans la société, l’association a décidé, il y a une vingtaine d’années maintenant, de se rendre directement dans la rue pour créer du lien avec les gens et échanger des savoirs. C’est par exemple l’objectif de l’outil « Les cités débrouillardes ».
Maxime travaille, dans ce cadre, sur un quartier prioritaire de Montpellier, essentiellement marocain, où une grande partie des habitants ne maîtrisent pas bien le français. Il s’agit donc, dans un premier temps, de se déplacer dans ce quartier avec son matériel et de commencer par apprendre à connaître les habitants, de créer du lien, de s’intéresser à leurs quotidiens…
Pour finir, il nous précise que les Petits Débrouillards travaillent également avec le milieu carcéral. « Les projets se font un peu au cas par cas, en fonction des rencontres » conclut-il.
Suite à ces rapides présentations s’en sont suivi de jolis échanges entre les différents professionnels présents à cet apéro scientifique, que nous vous proposons ici de résumer par catégories.
Illustration : Sarah Debaud
La question des supports
Pour le public en situation de handicap visuel, l’audio et le tactile sont les deux médias à privilégier. Il existe par exemple, le principe du soufflage d’image (procédé initié par une association parisienne) qui consiste à faire une description méthodique de l’image en direct. Cela peut être tout à fait pertinent, dans le cadre de l’astronomie par exemple, pour créer une image mentale d’une constellation.
De toute façon, ce qui prime pour les publics en situation de handicap, ce sont les supports non stigmatisants, faisant appel aux sens.
Concernant les interventions des étoiles brillent pour tous, comme le public de scientifiques est extrêmement diversifié, chacun a ses propres méthodes. Néanmoins, le support principal et incontournable c’est le dialogue. D’autre part, beaucoup d’interventions se font autour du support « photos » car l’idée est d’illustrer le quotidien du chercheur (sur le terrain, en laboratoire…).
Les compétences essentielles pour réussir ces médiations
Selon Catherine et Nadia, il faut de l’écoute, de la tchatche, de l’humour et de la répartie. L’objectif c’est de sortir les publics de leur solitude et de les faire rêver.
Pour Émilie et Chloé, il faut savoir surprendre le public. Il s’agit de partir de l’environnement quotidien du public pour, petit à petit, l’emmener vers un autre monde.
Et le second élément clé, c’est de savoir proposer plusieurs niveaux de lecture pour un même sujet. Maxime, quant à lui, mise tout sur la pédagogie active. Il s’agit de « ne pas faire à la place de », mais bien de rendre les publics « acteurs ». D’autre part, il faut savoir écouter, mais également savoir s’entourer de partenaires qui connaissent le terrain (acteurs socioculturels des quartiers, traducteurs…).
One shot ?
Avec ses différents publics, ce qui est très intéressant, ce n’est pas forcément de faire un « one shot », mais plutôt de mener des projets qui peuvent durer. Il ne s’agit donc pas forcément d’accepter toutes les demandes, mais bien de réfléchir en amont sur la pertinence ou non de l’intervention.
En avant pour pitcher !
Avant de conclure cette belle soirée vient l’heure des pitchs. Le principe est toujours le même : 2 min et pas une de plus pour présenter son projet.
#pitch1
On commence par un membre de la Corpo Sciences, une association étudiante de l’Université Toulouse III - Paul Sabatier. Il nous présente l’événement « Le Tour des sciences » qui aura lieu, le 12 avril prochain à Toulouse et qui proposera des conférences et des stands d’animations scientifiques la journée et un ciné débat le soir (peut-être à l’Eurékafé… affaire à suivre en tout cas).
Organisé par des étudiants, cet événement est cependant ouvert à tous, et s’inscrit dans un projet national comportant 11 étapes.
Il débutera donc le 8 mars à Paris et passera ensuite par Clermont-Ferrand, Orléans, Rennes, Angers, Dijon, Bordeaux, Lyon, Lille, Toulouse pour s’achever le 16 avril prochain à Marseille.
À noter que la tournée nationale est portée par la FNEB (Fédération nationale des Étudiants en sciences exactes, naturelles et techniques).
#pitch2
C’est ensuite au tour de Denis Hudrisier, professeur et chercheur en immunologie à l’Université Toulouse III - Paul Sabatier d’intervenir. Il nous présente son projet d’escape game sur l’immunologie. En effet, l’idée étant de reprendre les leviers classiques de l’escape game tout en implémentant des notions scientifiques en lien avec le système immunitaire. Pour réussir, il faudra donc mélanger jeu, science et créativité.
Un projet à destination de ses propres étudiants au départ, mais qui va finalement s’ouvrir sans doute à un public beaucoup plus large.
Denis Hudrisier, profite de son intervention pour remercier Le Catalyseur et Science Animation, partenaires de ce projet.
#pitch3
Pour finir, c’est Judith qui nous présente son projet. Elle a réalisé sa thèse sur des petits cours d’eau au Népal. Dans ce cadre, elle a été en lien avec des petits villages népalais très pauvres qui ne percevaient pas l’impact du changement climatique sur leurs quotidiens. Elle souhaite ainsi mettre en place un projet de retranscription de ses travaux de thèse afin de pouvoir les transmettre aux populations concernées et ainsi créer de l’échange avec eux. Elle est donc à la recherche d’idées, de bonnes volontés et de soutiens pour que ce projet ne reste pas simplement une idée.
Le prochain « Brasseurs de sciences » aura lieu le jeudi 29 mars et sera dédiée à la thématique « sciences et événements ». On vous transmet les informations très vite ;-)