Remontée d’eaux profondes dans le Golfe de Guinée : plus sensible à la courbure de la côte qu’au panache du fleuve Niger

Publié par IRD Occitanie, le 18 janvier 2021   1.1k

Les remontées d’eaux côtières qui apparaissent chaque été au nord du golfe de Guinée favorisent la pêche en Côte d’Ivoire et au Ghana. En revanche, elles profitent peu au Togo et Bénin, situés plus à l’est, du fait de leur affaiblissement rapide près du panache du fleuve Niger. Des chercheurs de l’UMR LEGOS et leurs collaborateurs africains ont montré que cette diminution n’était pas due aux eaux du fleuve, d’abord suspectées, mais à la courbure de la côte à l’approche de son delta.

La remontée d'eau (upwelling en anglais) est un phénomène océanographique qui se produit lorsque de forts vents marins, généralement saisonniers, écartent les eaux de surface des océans, laissant ainsi un vide où peuvent remonter les eaux profondes froides et chargées de nutriments. Concrètement, pour les pêcheurs, la remontée d'eau se traduit par une augmentation importante de la quantité de poissons. Quels en sont les déterminants ?

Golfe de Guinée

© Wikimedia commons

Upwelling : variation locale le long de la côte nord du golfe de Guinée

En face du Ghana, le vent, parallèle à la côte, se combine à la force de Coriolis? pour transporter les eaux de surface à sa droite, vers le large (divergence d’Ekman). La nature ayant horreur du vide, ceci induit le long de la côte des remontées d’eaux froides et salées, donc denses : c’est l’upwelling du Golfe de Guinée. Ce phénomène océanique s’étend en fait sur 1000 km, de la Côte d’Ivoire au Nigéria, et assure de bonnes pêches qui sont une ressource essentielle pour les populations locales. « C’est l’un des objets d’études du projet européen TRIATLAS, visant une gestion durable des écosystèmes marins de l’Atlantique », explique Julien Jouanno, modélisateur au LEGOS. A l’est, en face du Togo et du Bénin, l’upwelling laisse progressivement place aux eaux chaudes et peu salées, moins denses, du panache (zone de dispersion des eaux douces dans l’océan) du fleuve Niger. Comme la colonne de liquide d’un thermomètre dont la hauteur varie avec la température, le niveau de la mer augmente vers l’est avec ces variations de densité. Cette pente, combinée à la force de Coriolis, crée des courants dirigés vers la côte (convergence géostrophique), observés par satellite et reproduits dans une simulation à haute résolution horizontale (1/12°) du modèle océanique NEMO.

Conditions moyennes de surface en été : (a) Température, densité simulée et vent côtier (b) Salinité (c) Niveau de la mer et courant géostrophique (d) Différences entre la simulation avec et sans fleuve, en termes de température, salinité et courant

© LEGOS

Un effet topographique plutôt que l’influence des eaux douces

Une équipe de chercheurs français et africains, impliqués dans la Jeune Equipe Associée à l’IRD (JEAI) ivoirienne IVOARE-UP et la JEAI béninoise SAFUME, a voulu éclaircir le rôle du panache du fleuve Niger sur ces courants dits « convergents », qui s’opposent aux courants « divergents » générant l’upwelling. Pour cela, ils ont supprimé le flux d’eau douce du fleuve Niger dans une seconde simulation qu’ils ont comparée à la première. D’après ces analyses, le fleuve modifie trop peu et sur une couche trop fine les courants pour contribuer significativement à la convergence géostrophique. Le calcul d’indices d’upwelling, permettant de quantifier les variations côtières des courants divergents et convergents, montre que cette convergence réduit de 50 % l’upwelling à l’est du Ghana. Elle est en fait probablement due au brusque renflement de la côte associé au delta du fleuve, qui change l’angle entre le vent et la côte, freinant ainsi la divergence d’Ekman. Cette courbure de la côte renforce le front de densité au bord est de l’upwelling et la convergence géostrophique associée. « La découverte de cet effet topographique reste à approfondir et son rôle potentiel dans d’autres régions d’upwelling à évaluer, ajoute Gaël Alory, océanographe physicien au LEGOS. S’il ne modifie pas l’upwelling à sa source, le fleuve est néanmoins responsable d’un réchauffement côtier qui atteint 1°C en surface et dont les mécanismes feront l’objet d’une prochaine étude ». Ces effets locaux liés à la topographie côtière et aux fleuves sont à prendre en compte dans l’évolution actuelle liée au changement climatique des upwellings, de leur productivité biologique et des écosystèmes associés, pour en assurer une gestion durable. 

Publication : Alory, G., C. Da-Allada, S. Djakouré, I. Dadou, J. Jouanno and D.P. Loemba (2021), Coastal upwelling limitation by onshore geostrophic flow in the Gulf of Guinea around the Niger River plume, Frontiers in Marine Science, 2021, https://doi.org/10.3389/fmars.2020.607216

Aller plus loin : 

Documentaire Journal d'une campagne en mer

Contacts science 

Gael Alory, CNAP, UMR LEGOS GAEL.ALORY@LEGOS.OBS-MIP.FR  

Julien Jouanno, IRD, UMR LEGOS JULIEN.JOUANNO@IRD.FR  

Contacts communication 

Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR

Source  : https://www.ird.fr/remontee-de...