Réhabilitation de sols miniers par des bactéries indigènes
Publié par IRD Occitanie, le 1 juin 2023 550
Pour revégétaliser des sols miniers au Maroc, des scientifiques de l’UMR HSM et de l’université de Rabat et de Marrakech ont fait appel à des bactéries qui favorisent la croissance de plantes adaptées au contexte local. Leurs résultats, publiés dans Frontiers in Microbiology, sont concluant pour deux d’entre elles.
Faire reverdir un site minier impropre à la culture, c’est le pari osé que se sont lancés des chercheur.e.s. Avec l’aide de bactéries…
Déchets miniers cherchent seconde vie
Le Maroc est le 2e plus grand producteur de phosphate au monde mais cette activité économique de première importance pour le pays engendre d'énormes volumes de déchets. Pauvres, pollués, inaptes à la croissance des plantes… Ces matériaux cumulent les mauvais points. De plus, ils sont soumis à l'érosion et, transportés sous forme de petites particules par le vent et l'eau, représentent une menace potentielle pour l'environnement. Comment leur redonner une seconde vie ? « Nous nous sommes intéressés à une mine abandonnée de pyrrhotite près de Marrakech pour laquelle un scénario de réhabilitation prévoyait le recouvrement des résidus acides - très chargés en métaux - par des déchets miniers de phosphate alcalin afin de limiter l'infiltration d'eau et l’envol de poussière toxique », expose Odile Bruneel, microbiologiste à HSM. La dernière étape de ce schéma de réhabilitation est la revégétalisation de la couverture phosphatée pour réintégrer les déchets miniers dans le paysage. Mais quels végétaux seraient capables de s’installer sur ces zones inhospitalières en climat semi-aride ? Autant trouver un mouton à 5 pattes ! Ou donner un petit coup de pouce aux plantes…
Des bactéries indigènes à la rescousse
« De par leurs propriétés, livre Najoua Mghazli - première auteure et doctorante -, les bactéries peuvent favoriser la croissance d’une légumineuse méditerranéenne choisie pour l’expérimentation, le lupin blanc. » Quarante et une souches bactériennes ont donc été isolées des déchets de phosphates, identifiées, testées en différentes conditions et leurs performances évaluées in vitro dans un premier temps. Les plus tolérantes arrivent à se développer en présence de 9 % de sel mais pas au-dessus de cette concentration. Aucune des 41 souches n'a pu se développer à un pH inférieur à 4 (très acide) ni au-dessus de 10 (très alcalin). Presque toutes les souches se sont révélées capables de tolérer des températures allant jusqu'à 40 °C. Seules trois souches supportaient 60 °C. Outre cette résistance à des facteurs environnementaux extrêmes, les bactéries indigènes ont fait montre de propriétés biologiques promouvant la croissance végétale : certaines produisent une enzyme qui pourrait aider à la bioremédiation des sols déstructurés en augmentant la germination des graines et/ou en jouant un rôle clé dans le développement des racines ; seul Bacillus subtilis a produit des métabolites favorisant la croissance de plantes dans des conditions difficiles ; les bactéries productrices d’autres composés atténuent la carence en fer des plantes et minimisent les effets négatifs des sols salins tout en augmentant la teneur en chlorophylle des feuilles, elle-même corrélée à la capacité photosynthétique de la plante. Une majorité de ces microorganismes était aussi capable de produire de l’auxine, une phytohormone qui améliore la germination des graines et la formation des racines, ou encore de solubiliser le phosphate, un élément essentiel pour la plante.
Un premier pas vers la revégétalisation
Sur la base de ces résultats, les auteurs de l’étude ont sélectionné trois souches diversifiées montrant les meilleures performances et ont mis en évidence qu’elles étaient également capables d’inhiber la croissance de deux champignons pathogènes et de tolérer des concentrations élevées en métaux. Ils ont ensuite évalué la capacité de ces souches à stimuler la croissance des lupins blancs. « Cette légumineuse indigène est connue pour sa capacité à s'adapter à des conditions difficiles telles que le stress hydrique, les sols pauvres en nutriments et contaminés par des métaux toxiques, complète Odile Bruneel. De plus, comme toutes les plantes de cette famille, elle enrichit le sol en azote. » Stenotrophomonas, suivie par Brevibacterium, présente la meilleure performance en matière de croissance du lupin blanc. Après des analyses plus approfondies, l'utilisation de ces bactéries indigènes comme biofertilisants pourrait représenter une méthode économique et écologique pour la réhabilitation des déchets miniers de phosphate, une priorité nationale pour le Maroc.
Publication : Mghazli N., Bruneel O., Zouagui R., Hakkou R., Sbabou L. 2023. Characterization of plant growth promoting activities of indigenous bacteria of phosphate mine wastes, a first step toward revegetation. Frontiers in Microbiology, https://doi.org/10.3389/fmicb.2022.1026991
Contacts science : Odile Bruneel, IRD, HSM ODILE.BRUNEEL@IRD.FR
Najoua Mghazli, Faculty of Sciences, Mohammed V University in Rabat, Maroc NAJOUA.MGHAZLI@GMAIL.COM
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR