Recherche participative et communautés agissantes - Retour sur le Forum Régional Sciences et Société 2024
Publié par Echosciences Occitanie, le 21 janvier 2025 30
Le Forum Régional Sciences et Société réunit chaque année une centaine d’acteurs et actrices impliqués dans le dialogue sciences-société en Occitanie afin de se rencontrer, de partager des expériences et imaginer des projets communs. L’édition 2024 portait sur le thème “Inclusion et lutte contre les inégalités” qui s’est décliné à travers 14 ateliers thématiques.
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Aujourd’hui, une large part de la société est encore orpheline de cadres de soutien à même d’accompagner les interactions avec la recherche publique. Ce monde social n’est pour autant pas sans questions : il formule des problèmes, s’interroge, mobilise des connaissances, expérimente... Mais ces champs de savoirs et d’expériences sont encore largement ignorés par la recherche académique du fait que leurs détenteurs et détentrices sont peu visibles. Le problème est d’autant plus compliqué quand ces individus ne sont pas constitués en association ou autre forme de groupement, et que la seule chose qui les réunit - sans nécessairement qu’ils le sachent - est un problème ou une question qu’ils partagent.
Alors comment repérer et documenter, dans les territoires, ces « demandes sociales de recherche » ? Comment travailler avec les personnes qui les portent, de manière à la fois solide et équitable ? Comment partir d’un groupe d’individus ne se connaissant pas, n’ayant aucune structure les réussissant, pour co-produire une communauté agissante, partie prenante d’un programme de recherche participative ?
Accompagnés par Julien Mary, historien, ingénieur de recherche au CNRS et référent scientifique de la MSH Sud, ainsi que par Delphine Laurant, Coordinatrice de la Boutique des sciences Trait d’Union de la MSH Sud, une vingtaine de professionnel-les ont brainstormé afin de questionner ces problématiques.
Comment faire émerger des demandes de recherche issues de la société ?
Des dispositifs existent, tels que les Boutiques des sciences (ou les tiers lieux de recherche), services permettant d’accueillir des citoyens et citoyennes souhaitant mobiliser des scientifiques autour d’une problématique qu’ils rencontrent.
Cependant, ces dispositifs restent encore peu déployés, et peu connus de la population.
Une grande part de la société ignore l’existence des recherches participatives et la possibilité de travailler main dans la main avec les scientifiques.
Il faut donc repérer des espaces sociaux afin d’y collecter des besoins de recherche. Les acteurs de la médiation scientifique / de l’éducation populaire peuvent agir ici comme têtes chercheuses. Pourquoi pas proposer aux scientifiques de faire des “permanences” dans certains lieux (types tiers lieux), propose un participant. Les scientifiques doivent sortir de leur laboratoire, ne pas avoir peur d’aller sur le terrain (selon les disciplines, certain-es ont plus l’habitude que d’autres), et oser se positionner comme citoyen, acteur de la politique, dit un autre. Il faut cependant se présenter avec humilité. L’importance de croiser les disciplines scientifiques est également mentionnée.
Autre possibilité : intervenir au sein d’établissements scolaires, pour collecter des problématiques soulevées par les plus jeunes. Il est essentiel qu’ils comprennent, dès le plus jeune âge, qu’ils ont la capacité d'agir sur la société.
Les participants s’accordent sur le fait de démarrer petit : collecter les besoins à l’échelle d’un quartier, pour ensuite envisager l’élargissement de l’échelle. Il est également important de proposer des méthodologies dont les populations peuvent s’emparer facilement. Et les sensibiliser à la méthode scientifique en démystifiant la recherche. Une action de médiation est donc indispensable, par exemple sous le forme de jeu de rôle en amont de la collecte de problématiques de recherche.
Et le plus important : toujours prévoir une restitution des travaux issus de la demande.
Comment mobiliser des citoyen-nes pour les intégrer dans un processus de recherche ?
Premier élément indispensable : bien poser les bases de sa recherche participative en s’interrogeant sur qui, pourquoi, comment... Veut-on “une réponse” à une problématique de recherche ? Ou un panel de réponses ? Cela va orienter la mobilisation.
Par ailleurs, différents niveaux d’implication peuvent être envisagés. Avec des rôles différents, et des durées plus ou moins longues.
Plusieurs expériences sont également partagées par les participant-es, soulevant des problématiques rencontrées lors de la mobilisation de personnes.
En archéologie par exemple, de nombreux bénévoles s’investissent pour appuyer les scientifiques. Mais souvent, un manque de connaissances et/ou de compréhension des protocoles de recherche peuvent entraver les collaborations. Il est donc indispensable de passer par une phase de sensibilisation au sujet, via des médiateurs et médiatrices scientifiques (qu’il faut parfois légitimer dans les prijets), voire une formation plus poussée. A noter tout de même que, souvent, les personnes mobilisées ne sont pas forcément prêtes à lire de nombreuses publications scientifiques. Là encore, un travail de médiation est indispensable.
Autre exemple : la création d’une communauté de citoyen-nes mobilisés autour d’une recherche portant sur le sujet du vieillissement. Deux difficultés ont été rencontrées. Constituer un groupe “de vrais gens” [sic], sans biais, et les mobiliser sur une longue durée. Il est donc indispensable de mettre en place des moyens d’engagement motivants, afin que toutes et tous y voient l’intérêt d’y consacrer du temps. Les facilitateurs-trices doivent donc rapidement identifier ce que viennent chercher les gens en les interrogeant à ce sujet.
Et employer des outils déjà éprouvés, comme les méthodes participatives.
Une chercheuse partage également son expérience qui a consisté à mobiliser des jeunes d’un quartier pour les faire mener eux-mêmes une enquête au sein de ce quartier. [pour en savoir plus, lire le compte rendu de l’atelier sur Une co-recherche avec des jeunes NEET]
Autre idée soumise : impliquer des décideurs au sein de la communauté mobilisée, pour favoriser l’actionnabilité des connaissances ainsi co-produites.
Les discussions convergent vers le rôle des associations de médiation scientifique / intermédiation de recherche : il peut être précieux dans la recherche de participant-es pertinents et leur mobilisation sur le long terme, ou dans le repérage et l’appui à l’émergence de demandes sociales de recherche. Des fonctions d’(inter)médiation embarquées dans une recherche participative apporte un vrai plus, garantes d’un rapport équitable entre citoyen-nes et scientifiques.
Pour échanger avec les intervenants :
- Julien Mary, IR CNRS, Docteur en Histoire, référent scientifique de la MSH Sud : julien.mary@cnrs.fr
- Delphine Laurant, Coordinatrice de la Boutique des sciences Trait d’Union de la MSH Sud : delphine.laurant@univ-montp3.fr
Ressources pour aller plus loin :
- Site de Trait d’Union
- Le programme Equipact
- La plateforme Alliss
- De nombreuses ressources sur la recherche participative sur ce portail
- Publications : Entre recherche aux interfaces et ingénierie de la coconstruction : les MSH au défi du participatif ; Le renouveau des Boutiques des Sciences en pratiques et en question : focus sur deux dispositifs territorialisés à l’interface Sciences-Société
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