Protéger le manioc : nouveaux marqueurs moléculaires d’une bactérie pathogène

Publié par IRD Occitanie, le 19 avril 2024   350

Une équipe franco-colombienne impliquant l'UMR PHIM a développé de nouveaux marqueurs moléculaires plus performants pour décrire au niveau mondial l’épidémiologie de l’agent causal de la bactériose du manioc, ce tubercule qui nourrit plus de 500 millions d’humains. Leurs résultats sont publiés dans Plos One.

La bactériose vasculaire du manioc provoque des taches et le flétrissement des feuilles. Mieux caractériser la structure génétique de l’agent pathogène permettrait une surveillance épidémiologique plus efficace.

bactériose vasculaire du manioc

© IRD - C. Zarate

Une bactérie qui suit le manioc dans son expansion mondiale

La bactériose vasculaire du manioc est une maladie destructrice largement répandue dans les différentes zones tropicales où le manioc est cultivé. Depuis sa domestication par les amérindiens il y a environ 8000 ans, cette plante a fait du chemin : cinquième production végétale alimentaire dans le monde après le maïs, le riz, le blé et la pomme de terre, elle est consommée par un demi-milliard d’habitants sur tous les continents. L’agent qui provoque la maladie est une bactérie, Xanthomonas phaseoli pv. manihotis (Xpm). La maladie a été signalée pour la première fois au Brésil en 1912, puis remarquée dans d’autres pays d’Amérique latine dans les années 70 et dans les pays africains et asiatiques depuis 1972. Plus récemment, elle a été signalée dans le Pacifique Sud et elle s’étend encore plus largement. Des études sur la structure génétique des populations de Xpm et de surveillance de l'agent pathogène ont été menées dans plusieurs pays d'Amérique latine dont la Colombie. « Nous savons qu’Xpm se transmet dans les zones de production par la pluie et le vent tandis que la dispersion à plus grande échelle se fait via des boutures de tiges contaminées, explique Boris Szurek, phytopathologiste au PHIMMais pour mieux comprendre l’expansion de la maladie et en améliorer la surveillance, une analyse au niveau global est nécessaire. » 

Réseau de descendance entre les 31 haplotypes de Xpm discriminés par les 8 marqueurs de type minisatellite

© Rache et al., 2023

Liens entre les souches de différentes régions du monde

Le génotypage moléculaire des agents pathogènes bactériens permet une vision globale de leur épidémiologie et de leur évolution. En effet, en sélectionnant le niveau de résolution génomique des marqueurs, les scientifiques peuvent aborder l’épidémiologie à différentes échelles temporelles et spatiales afin de suivre soit la propagation géographique d’une population de Xpm, soit la prévalence de certains clones à des fins de surveillance. Une collection de 93 souches de Xpm - isolées sur 50 ans et provenant de dix pays producteurs de manioc - a été utilisée pour le génotypage. « Nous avons mis au point un nouveau schéma d’analyse assemblant des marqueurs de type minisatellites et microsatellites, et avons évalué leur pouvoir discriminant sur une collection mondiale de souches Xpm », précise Adriana Bernal, microbiologiste à l’université des Andes (Colombie). L’association de huit minisatellites et quatre microsatellites (MLVA-12) a ainsi permis de séparer les souches Xpm en sept groupes génétiques. Toutes les souches africaines étaient regroupées en un seul groupe génétique tandis que les souches d'Amérique latine - continent d'où la maladie est probablement originaire - étaient réparties dans les sept groupes identifiés. « Nos résultats confirment la diversité génétique plus étendue des souches sud-américaines ainsi que l'hypothèse de certains liens génétiques entre les souches africaines et certaines souches sud-américaines », ajoute Ralf Koebnik, microbiologiste au PHIM et également co-auteur de l’étude.

bactériose vasculaire du manioc

© IRD - C. Zarate

Un outil moléculaire précis et robuste

L’équipe a également réalisé des tests de pathogénicité avec des souches représentatives des différents groupes discriminés via le typage moléculaire et déterminé le niveau de résistance des variétés de manioc à Xpm. Les données montrent que le niveau de virulence n’est pas associé aux groupes génétiques. Les minisatellites et microsatellites combinés au sein du schéma (MLVA-12) apportent des informations complémentaires basées sur leurs différents pouvoirs discriminatoires. Cet outil de génotypage adapté à la surveillance régionale ou globale de Xpm se révèlera utile pour approfondir l’épidémiologie mondiale de cette bactérie pathogène du manioc. « À l’échelle locale, cette approche peut faire la lumière sur les processus microévolutifs au sein des populations. À long terme ou à l'échelle mondiale, elle peut par exemple élucider les voies d'invasion et caractériser certaines lignées bactériennes associées à des traits pathologiques ou adaptatifs », concluent les auteurs.


Publication : Rache L., Blondin L., Tatis P. D., Flores C., Camargo A., Kante M., Wonni I., Lopez C., Szurek B., Dupas S., Pruvost O., Koebnik R., Restrepo S., Bernal A., Verniere C.. 2023. A minisatellite-based MLVA for deciphering the global epidemiology of the bacterial cassava pathogen Xanthomonas phaseoli pv. manihotis. PLoS One. 18, 5, p. e0285491. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0285491

Contacts science : Boris Szurek, IRD, PHIM BORIS.SZUREK@IRD.FR


Adriana Bernal, Universidad de los Andes, Bogotá DC, Colombie ABERNAL@UNIANDES.EDU.CO


Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR

Source : https://www.ird.fr/proteger-le...