Perturbateurs endocriniens : la menace invisible

Publié par Université de Montpellier UM, le 5 décembre 2016   2.5k

Vivre 120 ans ? L’idée est dans l’air. Un air malheureusement de plus en plus pollué… Parmi les principaux obstacles au plus vieux rêve de l’humanité, il faut désormais compter avec un nouveau fléau : les perturbateurs endocriniens.

Il y a 50 ans, la mortalité était principalement due aux maladies infectieuses. Place désormais aux maladies chroniques : elles sont aujourd’hui responsables de deux décès sur trois. Maladies cardiovasculaires, cancers, maladies respiratoires, obésité, diabète, maladies neurologiques et troubles de la reproduction explosent littéralement. Pourquoi une telle flambée ? Pour Charles Sultan la réponse est claire : cette augmentation est directement liée à la dégradation de l’environnement. Principaux accusés : les perturbateurs endocriniens, ces substances qui bouleversent notre équilibre hormonal et impactent lourdement notre santé.

Pesticides, médicaments, aliments, plastiques, cosmétiques, eau, ces composés chimiques sont partout ou presque. Et les perturbateurs endocriniens, Charles Sultan les connaît bien : le professeur d’endocrinologie pédiatrique au CHU de Montpellier a été parmi les premiers à dénoncer, dès 2002, l’impact de la pollution sur le développement de la puberté. « Aujourd’hui l’Organisation mondiale de la santé évalue à 5 millions de morts par an les conséquences des perturbateurs endocriniens », souligne le spécialiste.

Exposition in utero

« Ces substances agissent partout, sur le système nerveux, le système glandulaire, le foie, les graisses, l’immunité, le développement de cancer, précise Charles Sultan. De nombreuses maladies chroniques qui affectent la qualité et la durée de vie relèvent d’une contamination par les perturbateurs endocriniens ». Une contamination qui commence tôt, très tôt. Avant même la naissance. Les perturbateurs endocriniens auxquels les femmes enceintes sont exposées ont en effet des conséquences directes sur le fœtus. « Toute agression pendant la vie fœtale va retentir chez le nouveau-né, l’enfant, l’adolescent, l’adulte, la personne âgée. D’ailleurs la majorité des maladies chroniques trouvent une origine pendant la vie fœtale », explique Charles Sultan.

Autre sujet de préoccupation majeur : ces perturbateurs endocriniens n’affectent pas seulement les enfants des femmes exposés pendant la grossesse, mais peuvent également affecter leurs petits-enfants. « On parle d’effet transgénérationnel », souligne l’endocrinologue. Ce dernier a notamment étudié le cas du Distilbène, un médicament prescrit aux femmes avant 1976 pour limiter le risque de fausse-couche. « On savait que les filles des femmes qui avaient pris du Distilbène avaient davantage de risque de malformations de l’appareil génital et de cancers, explique Charles Sultan, mais on s’est aperçus que leurs petits-enfants avaient eux-aussi un risque plus élevé de souffrir de ces mêmes troubles ! ».

Héritage toxique

Les perturbateurs endocriniens en héritage pour les générations futures ? « Chez l’animal les modifications qui affectent certains gènes perdurent jusqu’à la septième génération », explique Charles Sultan. Qu’en est-il chez l’homme ? Pour le spécialiste, il ne faut pas attendre la naissance des générations futures pour vérifier l’impact de ces substances. « Il faut réduire de 100% l’utilisation des pesticides et des polluants chimiques qui agissent en tant que perturbateurs endocriniens, prône Charles Sultan. Nous sommes à l’aune d’un scandale sanitaire qui impose des décisions politiques et une prise de conscience citoyenne ».




Protéger les futurs bébés

Si les perturbateurs endocriniens sont partout, il existe cependant un certain nombre de mesures de protection à prendre pendant la grossesse pour limiter l’exposition du fœtus et le risque de survenue de maladies dans sa vie future. Les conseils de Charles Sultan :

- Manger exclusivement bio pour réduire la consommation de résidus de pesticides

- Bannir les plastiques du micro-onde pour éviter le bisphénol A et les phtalates

- Ne pas réaliser de travaux de peinture

- Aérer les chambres fréquemment

- Vivre loin des vignobles et des zones de culture fruitières pour éviter les pesticides

- Eviter l’eau du robinet au profit de l’eau en bouteille qui doit être bue dans la journée

- Eviter les sous-vêtements de couleur, les colorants utilisés peuvent contenir des produits toxiques qui migrent à travers la peau

- Bannir les produits cosmétiques et le maquillage

- Utiliser uniquement des produits ménagers labellisés bio

- Limiter l’exposition liée aux activités quotidiennes notamment en prenant systématiquement une douche après la piscine pour éliminer les résidus de chlore



Retrouvez cet article dans LUM, le magazine science et société de l'Université de Montpellier.

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