Une autre façon de voir les maths
Publié par Claire Adélaïde Montiel, le 28 février 2017 1.8k
Dire qu’on voit émerger une nouvelle race de mathématiciens pleins de la passion de partager et de faire comprendre les mécanismes correspondrait à valider le stéréotype du prof de maths revêche, une image qui appartient au folklore car nous savons tous qu’il a existé de tous temps des professeurs passionnés par leur matière et capables de passionner leurs élèves.
Cependant il est vrai que depuis quelques années se fait jour une nouvelle manière d’aborder les maths. Pour peu qu’on s’intéresse au sujet, on découvre des sites qui se donnent pour objectif d’apprivoiser cette discipline réputée austère, des associations destinées à développer le goût des sciences et des maths, des festivals liant les maths à l’art ou au théâtre, des cours destinés à éloigner le stress et à donner du sens à l’apprentissage, des revues de vulgarisation qui font la part belle, à côté d’articles très sérieux, aux jeux de logique et autres divertissements mathématiques… la liste n’est pas close.
L’imagination est au pouvoir pour apporter au public une autre image des maths. Le terme de de mathématiques ludiques a longtemps hérissé les pédagogues car il laisse supposer un apprentissage d’où est exempt tout effort. En fait les mathématiques ludiques utilisent toute une panoplie de manipulations et de jeux pour apprivoiser l’abstraction, éveiller le goût du savoir et susciter l’envie d’aller plus loin dans la connaissance. Dès lors que le plaisir est de la partie au lieu de la contrainte, dès lors qu’on offre les clefs au lieu de réserver au seul professeur l’apanage de la compréhension, peut s’instaurer un climat de confiance et une soif de connaissances qui permettent tous les progrès.
Anne Siéty, auteure de Qui a peur des mathématiques parle du « désir profond de transmette une discipline souvent hermétique et des continuels quiproquos liés au fait que le langage mathématique paraît semblable au discours quotidien alors que certains termes recouvrent des réalités différentes »
On ne pourrait mieux définir l’objectif d’Agnès Rigny et Pierre Lopez qui, dans leur ouvrage « Parlez-vous maths » publié par les éditions Edpsciences, s’emploient à comparer les termes des mathématiciens et à leur emploi dans le langage courant. Pour ce faire, ils font le choix d’aborder de A à Z le langage mathématique et de livrer à leurs lecteurs, sans en cacher la complexité, un certain nombre de clefs pour comprendre.
Le mode d’emploi de ce précieux ouvrage est le suivant : On peut le lire en continu ou piocher un mot au hasard en fonction de ses interrogations du moment ou de la nécessité si l’on est élève ou professeur. Pas d’angoisse, pas d'obligation de tout comprendre. L’étudiant en maths y trouvera des développements que les moins spécialistes ou pas spécialistes du tout sauteront allègrement. Car les mathématiques sont compliquées, les auteurs de ce livre n’en font pas mystère, ils le démontrent à chaque page en même temps qu’ils démontrent que la peur liée à cette matière qui fut longtemps le moyen de l’exclusion des uns et de la glorification des autres n’a pas lieu d'être.
Rien de fastidieux dans ces textes. Les outils que se donnent Agnès Rigny et Pierre Lopez sont variés : un langage sans emphase et sans termes incompréhensibles ; l’utilisation de l’étymologie pour mieux faire comprendre certains glissements de sens dans le langage mathématique; des encadrés pour tirer l’attention du lecteur ou développer un point précis.
Les auteurs assurent une fonction de démineurs en désamorçant le danger lié à l’inconnu, aux non-dits et en offrant, ici ou là, des exemples, des anecdotes, des réflexions. Un humour à froid, sorte de clin d’œil permanent en direction du lecteur désamorce le stress. De courts dialogues en italique soulignent d’une manière imagée les faux sens et les faux amis. Et, pour corser le tout, des auteurs qui ont parlé des maths et/ou les ont pratiquées sont convoqués pour nous livrer des citations parfois sérieuses parfois malicieuses comme de Charles Darwin qui définit le mathématicien comme « un aveugle dans une pièce sombre cherchant un chat noir qui n’y est pas ».
Ami lecteur, si tu t’es toujours considéré comme nul en maths, je ne peux pas te promettre que, après la lecture de ce livre, tu seras en mesure de briguer la médaille Fields, mais tu auras au moins passé d’excellents moments et tu auras enfin compris que si les mathématiques sont effectivement une discipline difficile lorsqu’on atteint un certain niveau, elles peuvent aussi se révéler de nature à apporter du plaisir.
CQFD ou, pour parler en langage clair : Ce Qu’il Fallait Démontrer
Pour se procurer cet ouvrage :
On consultera aussi avec profit le site d’Agnès Rigny :
http://mathssansstress.fr/
Extrait de mon blog : Dansmestraces.wordpress.com