Mission InSight: SEIS, le sismomètre toulousain est sur Mars
Publié par Nicole Ratsombath, le 4 décembre 2018 1.7k
Le 26 novembre 2018 à 20h47, InSight amorce son entrée dans l’atmosphère de la planète Mars. Les équipes américaine, française et allemande qui ont travaillé de concert sur cette mission, scrutent leurs écrans de contrôle. L’enjeu est de taille : InSight va nous livrer de précieuses informations sur les profondeurs de Mars.
Le « robot » spatial InSight est arrivé sain et sauf sur Mars, après 7 mois de périple et quelques 485 000 kilomètres parcourus dans l’espace. Le monde entier était en liesse, à l’instar des acteurs du projet: l’atterrissage s’est déroulé sans encombre comme en témoignent les images vidéos diffusées par la NASA. Pour l’occasion, la Cité de l’espace de Toulouse a ouvert ses portes : des animations sur le thème « Comme si vous étiez sur Mars » étaient proposées, pour le plus grand bonheur des grands et des petits. Les toulousains ont pu assister gratuitement à l’événement dans un cadre optimal, puisque les images de l’atterrissage ont été retransmises en direct sur écran géant.
Des scientifiques du CNES étaient aussi présents : ces derniers ont participé à la conception d’une composante d’InSight, le sismomètre SEIS (Seismic Experience for Interior Structure). Le CNES, à Toulouse, en a supervisé le développement en partenariat avec l'Institut de Physique du Globe de Paris et SODERN (groupe EADS). Il flottait donc dans l’atmosphère, un sentiment de fierté : « Ce n’est pas tous les jours, qu’on voit une entité locale marquer l’histoire ! » s’enthousiasmait Aurélie, une jeune spectatrice présente sur les lieux.
Nous terriens, n’en sommes pas à notre première mission d’exploration de Mars, puisque nous totalisons 15 tentatives depuis 1960. Les Etats-Unis et la Russie (ex-URSS) sont les pays pionniers qui ont initié ces missions. Bien qu’ils cumulent ensemble un palmarès d’essais impressionnant, seulement 8 d’entre eux ont été fructueux et ont permis de mettre en lumière des informations étonnantes sur notre « voisine », une planète rocheuse comme la Terre.
Les premières sondes à fouler le sol martien sont américaines : Viking 1 et 2 atterrissent successivement en juillet et août 1976. Elles permettent un avancement majeur dans la connaissance de l’environnement martien, puisqu’elles nous permettent de recueillir des images et des analyses chimiques du sol. Quelques missions plus tard, leur « petite sœur » InSight (INterior exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport) réitère à nouveau l’exploit, mais cette fois-ci en collaboration avec la France et l’Allemagne.
Il s’agit de la 12ème mission du programme Discovery de la NASA (National Aeronotics and Space Administration), à laquelle le CNES (Centre National des Etudes Spatiales) et le DLR (Deutschen zentrums für Luft- und Raumfahrt) ont apporté chacun leur expertise. Alors que la NASA s’est concentrée sur la conception de l’atterrisseur et des deux nano-satellites du robot, le CNES a lui conçu le sismomètre SEIS, pièce maîtresse de la mission. La sonde HP3 destinée à recueillir des informations thermiques à 5 mètres de profondeur est, quant à elle, construite par le DLR. C’est la toute première fois qu’on pourra enregistrer les mouvements et les variations de températures de Mars, à même le sol : les informations recueillies seront extrêmement pointues.
« Après les 7 minutes de terreur, nous aurons pratiquement deux mois de grosse angoisse.»
Chef du projet SEIS au CNES, Philippe Laudet confie au journaliste Emmanuel Rey, les défis qu'ils ont dû relever lors de la conception de SEIS: « Il fallait concevoir un instrument capable de résister aux vibrations d'un décollage, au vide spatial et aux températures extrêmes, de supporter un atterrissage et dix jours d'exposition aux conditions martiennes avant le déploiement du bouclier qui le protégera des températures, du vent et de la poussière. Et puis il y a eu le défi humain : concevoir un outil techniquement exigeant dans un temps très court […] compatible avec une date de tir martienne ». L’ensemble de la mission représente un travail pharaonique et minutieux qui ne laisse aucune place à l’approximation : prévu initialement en 2016, le lancement a été reporté une fois, en raison d’un problème technique sur SEIS. Le scientifique reste donc circonspect.
Malgré un atterrissage réussi, il continue d’être sous pression : « Après les 7 minutes de terreur, nous aurons pratiquement deux mois de grosse angoisse. Nous espérons enregistrer les premiers séismes naturels sur Mars au début de l'année 2019». En effet, le sismomètre est toujours sur l’atterrisseur et attends d’être déployé. Des télémesures sont en cours d’exécution, afin de s’assurer que « Planitia Elysium » (la plaine de l’Elysée, nom donné à la piste d’atterrissage) réunit les conditions parfaites, et ainsi déterminer la meilleure place où le déployer. La manœuvre s’annonce très délicate, car un bras robotique doit saisir SEIS d’un poids de 3 kg, le déplacer, puis le déposer intact, à un endroit qui sera déterminé précisément dans les jours à venir. Une erreur pourrait être fatale, et mettre en péril toute la mission.
C’est un voyage dans le temps qu’il nous sera donné de voir, à travers cette incroyable odyssée.
Le sismomètre SEIS est un instrument doté d’une technologie de pointe, recouvert d’un bouclier thermique et éolien le protégeant des conditions météorologiques bien plus hostiles que sur Terre. Il est composé de trois pendules sophistiqués, solidement fixés dans une sphère en titane sous vide, et sensibles à une large gamme de vibrations. Il a un rôle central dans cette expédition : détecter les mouvements sismiques les plus infimes, les enregistrer sur l’ordinateur de bord et les transmettre par ondes radio. Il continuera d’être relié à l’atterrisseur via un cordon « ombilical » par lequel il sera alimenté en électricité.
La sonde thermique HP3 fabriquée par les allemands permettra d’apporter des informations complémentaires de haute importance et connaître l’état thermique interne de Mars. Les scientifiques pourront prochainement étudier les dessous de Mars avec une très grande précision.
« Pour répondre à ses objectifs scientifiques, Insight clarifiera le processus de formation et différentiation en menant les investigations suivantes :
- Déterminer la taille, la composition et l'état physique (solide/liquide) du noyau martien
- Déterminer l'épaisseur et la structure de la croûte
- Déterminer la composition et la structure du manteau
- Déterminer l'état thermique de la partie interne de Mars
- Mesurer le taux et la distribution géographique de l'activité sismique interne de Mars
- Mesurer le taux d'impact de météorites sur la surface martienne »
(extrait de https://insight.cnes.fr/fr/)
L’ensemble des informations qu’InSight nous fournira sur la structure de Mars pendant ses 2 ans de mission, nous permettra d’avoir une meilleure compréhension de l’évolution des planètes telluriques , et donc aussi de la formation de notre propre planète, la Terre. C’est quasiment un voyage dans le temps qu’il nous sera donné de voir, à travers cette incroyable odyssée.
«C’est une nouvelle ère de la science martienne qui s’ouvre devant nous ! »
Comme le dit Jean-Yves Le Gall, Président du CNES : « Avec l’atterrissage d’InSight sur Mars, nous vivons un moment historique de l’étude de la planète rouge. Pour le CNES, c’est une immense fierté que la NASA ait conçu cette mission autour du sismomètre français SEIS, ce qui témoigne de la richesse de nos partenariats. […] Nos scientifiques vont à présent recevoir les données de SEIS et tenter de mieux comprendre pourquoi Mars a perdu son eau et une grande partie de son atmosphère. Ils vont aussi déterminer si son cœur est solide ou liquide. C’est une nouvelle ère de la science martienne qui s’ouvre devant nous ! ».
Aujourd’hui plus que jamais, Toulouse porte merveilleusement son appelation « Capitale Européenne de l'Aéronautique et du Spatial » !
Sources :
https://www.seis-insight.eu/fr
https://mars.nasa.gov/insight/
https://www.futura-sciences.co...
Photographie principale: CNES Doc