Les intérimaires du social
Publié par Mondes Sociaux, le 26 février 2024 360
Article de Margaux Le Stunff
En poussant la porte d’une agence d’intérim, pensiez-vous vraiment trouver, parmi les offres d’ouvriers du bâtiment ou d’opérateurs dans l’industrie, une offre d’éducateur spécialisé auprès d’enfants vulnérables ?
Et pourtant, contre toute attente, les agences d’intérim spécialisées dans le secteur de l’action sociale se sont multipliées, depuis quelques années, et particulièrement dans la protection de l’enfance. Comment se fait-il qu’une main d’œuvre intermittente soit mobilisée pour prendre en charge des mineur·es vulnérables ? À partir de sa propre expérience en tant qu’éducatrice spécialisée, Charlène Charles analyse la situation de ce personnel au statut atypique dans les foyers de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).
La gestion par l’urgence sociale
Représentant les derniers maillons de la chaîne de la protection de l’enfance, le recours à l’intérim dans ces structures semble « improbable ». Comme le rappelle l’autrice, le travail du personnel socio-éducatif est fortement réglementé. Il dépasse la simple prestation de service, en s’attachant à la construction d’une relation de confiance et de proximité avec des enfants en situation de vulnérabilité. L’instabilité du statut intérimaire s’oppose donc avec ce travail d’accompagnement qui doit s’inscrire dans la durée. Pourtant, un des responsables d’un foyer étudié par la chercheuse déclare que « le système ne peut plus fonctionner sans l’intérim ».
Dans cet article, l’autrice s’intéresse plus particulièrement aux justifications données par les acteurs de l’intermittence (structures utilisatrices, agences d’intérim et intérimaires) pour faire appel à ce type d’emplois dans les foyers de l’ASE. Elle met d’abord en avant les effets des mutations économiques et politiques plus larges touchant le secteur social, historiquement très éloigné des logiques marchandes. Ces reconfigurations incitent à une gestion flexible du personnel et à un traitement des bénéficiaires par l’urgence [...]
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