Le Défi Clé RIVOC pour conjuguer santé humaine, animale et végétale

Publié par Echosciences Occitanie, le 7 février 2025   160

Lancés à l’initiative de la Région Occitanie, les Défis Clés regroupent 15 programmes de recherche qui positionnent la recherche fondamentale au cœur des enjeux stratégiques de rayonnement, d’attractivité et d’innovation du territoire.

À travers cette série d’interviews, nous vous proposons de les découvrir, ainsi que leur mobilisation dans le dialogue entre sciences et société.

Florence Fournet, chercheure dans l’unité de recherche MIVEGEC et directrice du Défi Clé RIVOC depuis avril 2023, nous expose les enjeux et les avancées de ce programme ambitieux, centré sur les risques infectieux et les vecteurs en Région Occitanie. De la recherche fondamentale à la sensibilisation du public, le Défi Clé RIVOC conjugue santé humaine, animale et végétale dans une approche innovante et collaborative.

Pouvez-vous présenter le Défi Clé RIVOC et ses principales missions ?

Le Défi Clé RIVOC, pour Risques infectieux et vecteurs en Occitanie, s’intéresse aux maladies infectieuses comme la dengue, le paludisme, la fièvre hémorragique des ovins, qui sont transmises par des vecteurs (moustiques, mouches, tiques, ...). Structuré autour de quatre axes — recherche, formation, valorisation et dissémination —, ce défi ambitionne de répondre aux problématiques de santé publique en Occitanie.

Le Défi Clé a pour objectif de répondre aux enjeux sociétaux, sanitaires, économiques et environnementaux majeurs qui se posent face aux risques vectoriels des vertébrés et des plantes, dans une approche « une seule santé », en mobilisant des unités de recherche et des acteurs non académiques de la Région Occitanie pour co-construire des solutions plus vertueuses et plus durables.

Le Défi Clé RIVOC permet de financer des projets de recherche. À cela s’ajoutent des appuis aux étudiants par le biais de bourses de master et des demi-bourses doctorales, complétées par des partenariats avec des institutions comme l’Université de Montpellier, l’INRAESanté Publique France, le Cirad, l’Université de Perpignan ou le CEFIPRA

Différentes thématiques sont traitées, en recherche fondamentale ou de terrain, sur différents modèles de vecteurs ou d’agents pathogènes. Parmi les projets soutenus, citons l'étude de la capacité de mollusques et de moustiques à transmettre des agents pathogènes, l'étude de la tique Hyalomma marginatum et de son rôle dans la fièvre hémorragique Crimée-Congo, ou encore l’impact de la végétalisation urbaine sur la prolifération du moustique tigre.

Quels sont les principaux enjeux scientifiques et sociétaux auxquels RIVOC répond ?

Le changement climatique modifie la dynamique des vecteurs impliqués dans la transmission de maladies. Par exemple, un projet lancé l’année dernière analyse l’effet du climat sur le moustique tigre et les culicoïdes, moucherons vecteurs des virus de la fièvre catarrhale ovine et de la maladie hémorragique épizootique bovine. Ces travaux croisent données liées aux vecteurs et données climatiques passées, présentes et projections futures. On cherche alors à déterminer la dynamique d’évolution de ces vecteurs en termes de présence et d’abondance, d’en dégager des modèles pour prédire où se localiseront les épidémies futures afin de pouvoir mieux les anticiper. L’idée est de travailler sur des modèles plus vertueux de lutte contre ces vecteurs, utilisant moins de pesticides et étant plus en adéquation avec les attentes des populations.

Un autre enjeu crucial est la co-construction de solutions avec les parties prenantes. Nous travaillons bien évidemment avec les chercheurs, mais aussi les collectivités locales, l’ARS (Agence Régionale de Santé) Occitanie, Santé publique France, la Fredon ou encore les groupements de défense sanitaire. Cela permet d’allier les recherches à la réalité du terrain. 

Par exemple, la végétalisation est perçue comme bénéfique pour le bien-être des citadins. Pour autant, elle favorise la présence de moustique tigre dans le paysage urbain. L’idée est donc de collecter de la donnée sur ce vecteur tout en conduisant une réflexion avec les différentes parties prenantes pour voir ce qu’il est possible d’apporter comme solution. Nous sommes en construction d’un « Guide de bonnes pratiques » qui introduit une approche « Une seule santé » dans la façon dont les villes pourraient s’urbaniser tout en limitant les risques vectoriels. L’objectif est de travailler en interconnexion pour arriver à des solutions durables. 

Comment sensibilisez-vous le grand public à ces problématiques ?

Nous participons à divers événements, comme la Fête de la science ou le Salon AdNatura. Nous avons également participé au cycle de conférences Regards croisés sur le vivant en société, qui s’adresse aux doctorants mais reste ouvert à tous. Nous déployons des outils ludiques et pédagogiques. Le jeu « Pik Paf », créé en collaboration avec Bioviva, sensibilise aux enjeux du moustique tigre avec 350 questions adaptées à un public familial. Nous avons également travaillé sur un jeu sérieux qui s’appelle, pour le moment, “Stop Aedes", en collaboration avec l’ARS de La Réunion et le Cirad. 

Nous informons également de l’existence de programmes de sciences participatives pour le repérage des moustiques et des tiques via des plateformes comme Citique ou Mosquito Alert. Ce sont de bons moyens pour mobiliser les citoyens en les impliquant directement dans une recherche qui est utile à tout le monde. Cela nous permet de récolter des données sur ces vecteurs grâce aux signalements des citoyens. En retour, ils reçoivent des informations utiles pour vivre mieux en bonne santé.

Quelles sont les actions emblématiques qui renforcent la visibilité de RIVOC ?

Nous avons soutenu le congrès scientifique international ESOVE (Conférence de la Société Européenne pour l’Écologie des Vecteurs), qui a réuni 350 participants de 38 pays pour échanger sur l’écologie des vecteurs. Ce fut l’occasion de partager des expériences dans des pays différents sur des problématiques similaires. Ces événements permettent aussi de valoriser les travaux des jeunes chercheurs et d’établir des partenariats internationaux.

Les premiers résultats de recherche obtenus grâce à RIVOC ont permis aux chercheurs d'obtenir des financements en participant à des projets d'envergure nationale ou internationale. Par exemple, les scientifiques qui ont travaillé sur la tique à pattes rayées (Hyalomma marginatum) se sont associés avec l'Université de Corse (financement Prézode). De même, les travaux  de recherche sur la végétalisation des villes vont se poursuivre avec des partenaires marocains, hollandais et espagnols (financement Biodiversa+).

Quels enseignements tirer des collaborations au sein de RIVOC ?

Grâce au dispositif des Défis Clés mis en place par la Région Occitanie, nous avons pu initier une véritable dynamique autour d’enjeux importants avec des approches globales, alliant la recherche fondamentale à l’action. L’un des principaux succès est la création de liens solides entre les unités de recherche des trois sites de Toulouse, Montpellier et Perpignan, structurant un réseau fort autour des questions des risques vectoriels dans une  approche « Une seule santé ». Nous avons également renforcé le dialogue avec les différentes parties prenantes, notamment les acteurs de terrain, tels que l’ARS, les groupements de défense sanitaire et les collectivités locales. Et nous avons la volonté de faire perdurer cette dynamique qui a su s’ancrer dans le territoire.

Les Défis Clés Occitanie, une démarche initiée et soutenue par la Région Occitanie.