Le corps réparé
Publié par Université de Montpellier UM, le 20 octobre 2017 2.4k
Remplacer des cellules endommagées ou malades par des cellules saines... C’est le principe de la thérapie cellulaire. Elle représente l’espoir, enfin, de guérir pleinement : la nouvelle frontière de la médecine du XXIe siècle.
Il y a eu la chirurgie. Et les médicaments. C’est un nouvel horizon de la médecine qui se profile depuis quelques décennies : les cellules. Le principe de la thérapie cellulaire est d’implanter chez un malade des cellules saines, qui viennent remplacer un tissu endommagé. Ses applications ? Potentiellement infinies. Cancers, maladies neuro-dégénératives, pathologies destructrices de cellules comme le diabète, l’infarctus, l’arthrose… « Grâce aux cellules, on peut imaginer guérir complètement des pathologies incurables par d’autres moyens », explique John De Vos, responsable de l’unité de thérapie cellulaire du CHU de Montpellier.
Certaines thérapies cellulaires sont déjà rodées et utilisées au quotidien. Leur outil privilégié ? Les cellules souches adultes, que l’on trouve au sein de nos organes et qui sont spécialisées, capables de produire les différents types de cellules de l’organe auquel elles appartiennent. Ce sont donc elles qui assurent le travail de réparation et de renouvellement de nos tissus, tout au long de la vie. Ainsi des cellules souches de peau, prélevées puis mises en culture, peuvent donner une surface d’épiderme jusqu’à mille fois plus importante… De quoi traiter les grands brûlés avec leur propre peau, sans risque de rejet.
Greffer un nouveau système immunitaire
Depuis des décennies, une des thérapies cellulaires les mieux maîtrisées repose sur les cellules souches sanguines, celles qui produisent les cellules du sang. Baptisées du doux nom de cellules souches hématopoïétiques (CSH), elles jouent un rôle fondamental pour traiter les cancers sanguins. En injecter une quantité suffisante à un patient revient à lui greffer un nouveau système immunitaire… Ce qui a un double effet : le greffon reconnaît et détruit le cancer. Et il vient remplacer le système immunitaire originel, endommagé par les traitements.
Mais où prélever ces précieuses cellules productrices de sang ? Soit dans la moelle osseuse de donneurs compatibles : dons anonymes provenant de registres internationaux, ou membres de la famille. Soit dans du sang placentaire. Pour ce faire, on prélève du sang dans le cordon ombilical de nouveau-nés dont les parents ont donné leur accord. Chaque greffon congelé vient enrichir une banque de sang placentaire, puis est enregistré dans des registres coordonnés au niveau international… De quoi permettre à des malades du monde entier d’obtenir le greffon compatible qui pourra les sauver. « Il y a des personnes en Turquie, en Hollande, aux Etats-Unis, en Allemagne, qui vivent avec le sang d’un enfant né à Montpellier. La banque de sang placentaire de l’UTC de Montpellier compte aujourd’hui 2 500 unités de sang placentaire », explique John De Vos.
Les CSH peuvent aussi être injectées au malade lui-même, en autogreffe. Avant une chimiothérapie particulièrement intense, on recueille ainsi les CSH d’un patient atteint de cancer des ganglions. Après le traitement, elles lui sont réinjectées… lui permettant de régénérer son système immunitaire.
Guérisons spectaculaires
Une autre thérapie cellulaire a largement fait ses preuves : le traitement du diabète grâce à des cellules spécialisées du pancréas. Ce sont elles qui produisent l’insuline nous permettant de réguler notre glycémie. « Certains patients atteints de diabètes très graves et instables depuis des décennies peuvent ainsi arrêter complètement les injections d’insuline, du moins pour un temps », explique John De Vos. Ce traitement puissant n’est qu’une fraction de la réponse à cette maladie. Impossible notamment de le généraliser : il nécessiterait en effet un nombre de donneurs décédés bien trop important…
Culture de peau, traitement de cancers sanguins ou du diabète grave… ces thérapies cellulaires sont d’ores et déjà maîtrisées. Quid des thérapies du futur ? En pleine ébullition, l’immunothérapie consiste à soigner des patients atteints de certains cancers sanguins en leur prélevant des cellules cruciales pour l’immunité : les lymphocytes. On les modifie génétiquement pour les éduquer à reconnaître le cancer… avant de les réinjecter au patient. Résultat des essais cliniques : des guérisons spectaculaires pour des enfants atteints de leucémie aiguë résistant à tous les traitements. « Sur des cohortes où 100% des malades paraissaient condamnés, il y a eu une majorité de patients sauvés. C’est très rare d’avoir une telle rupture dans le traitement d’une maladie », s’enthousiasme John De Vos.
Régénérer n’importe quel tissu
L’horizon révolutionnaire de la thérapie cellulaire, ce sont finalement aussi les fameuses cellules souches pluripotentes (voir notre article dans LUM n°2). Immatures, non spécialisées, elles sont capables de fabriquer n’importe quel type de cellule du corps. On les trouve naturellement dans les embryons d’une semaine environ, qui mesurent un dixième de millimètre… Et depuis quelques années, la recherche nous a permis d’apprendre à les obtenir en reprogrammant des cellules matures adultes. Il s’agit ensuite de les amener à se spécialiser, avant de les injecter. Et de les voir, potentiellement, régénérer n’importe quel tissu ou organe du corps.
Ces recherches nécessitent encore des années de développement. La plus grande question pour l’instant demeure celle de l’injection. « La technique d’injection n’est pas encore maîtrisée, les cellules injectées ne trouvent pas nécessairement leur place dans des tissus solides, explique John De Vos. Chaque organe a sa problématique d’injection : par exemple comment faire pour que des neurones destinés à soigner Parkinson projettent leurs axones au bon endroit ? La recherche sur les cellules souches, extrêmement prometteuse, avancera et trouvera des solutions sans doute organe par organe ».
(C) Bai Qiang, équipe John De Vos