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La rive sud de la Méditerranée face aux contaminations urbaines et agricoles par les pesticides

Publié par IRD Occitanie, le 25 octobre 2024   200

Une équipe franco-tunisienne a réalisé une investigation approfondie des contaminants urbains et agricoles retrouvés dans les eaux de surface d’un affluent de la lagune de Bizerte (Nord Tunisie). Ses premiers résultats, publiés dans le Journal of Environmental Science and Health, Part B, Pesticides, Food Contaminants and Agricultural wastes, révèlent un niveau de contamination par les pesticides qui n’est pas négligeable.

Selon que vous viviez sur la rive nord ou la rive sud de la Méditerranée, les directives concernant les pesticides autorisés ou non ainsi que les pratiques utilisées sont différentes. Quelles répercussions sur la qualité des eaux ? 

© IRD - Olivier Grunberger

Milieu aquatique tributaire des activités humaines

Rive nord de la Méditerranée, les directives européennes en vigueur promeuvent la protection de la qualité de l’eau et imposent la surveillance environnementale des teneurs en pesticides, ce qui favorise les recherches et la diffusion des informations sur le sujet. Il n’en va pas de même dans les pays de la rive sud où les connaissances sur cette source de pollution peuvent manquer. Trois scientifiques de l’IRD et leur partenaire de l’Institut National Agronomique de Tunisie (INAT) ont mené une investigation afin de vérifier la réalité de la contamination des eaux de surface du bassin versant de l’oued Guenniche dont les eaux s’écoulent vers la lagune de Bizerte, au nord de la Tunisie. « On sait qu’à l’échelle de la Tunisie, la consommation de pesticides est beaucoup plus faible que dans les pays de la rive nord, mais certaines zones concentrent les usages, ce qui peut y entrainer la contamination des eaux de surface », avance Olivier Grunberger, chercheur à l’UMR LISAH. Le pourtour de la lagune de Bizerte est urbanisé : quatre villes totalisant 200 000 habitants et des activités industrielles (sidérurgie, raffinerie de pétrole, cimenterie, etc) ne sont pas sans impacts sur la qualité de l’eau. 

© IRD - Olivier Grunberger

Echantillonnage et suivi hydrologique sur deux ans

L’oued Guenniche, quant à lui, reçoit occasionnellement des eaux usées non traitées venues des villes d'El Alia et Khetmine. Son bassin versant comporte une forêt, des pâturages et des cultures diverses : céréales, légumes, fourrage et fruits (agrumes et olives). Ces cultures reçoivent, à différentes époques de l’année en fonction des types de plantes, des produits phytosanitaires plus ou moins toxiques qui, lessivés par la pluie, rejoignent en quantités inconnues l’oued puis la lagune. Des études précédentes - recherchant des contaminants dans les sédiments, les organismes vivants et les eaux de surface - avaient identifié moins de 10 substances, voire jusqu’à 22 et d’autres encore, près de quarante. L’équipe franco-tunisienne a combiné des prélèvements mensuels et des mesures de flux pendant deux ans afin de déterminer les teneurs en 469 matières actives et produits de dégradation appartenant à la classe des herbicides, fongicides ou insecticides ainsi que d’évaluer leur comportement. 

© IRD - Hanene Chaabane

Rive sud, rive nord, même pollution ?

Parmi la trentaine de substances actives détectées dans l’eau, vingt-quatre sont autorisées pour l’usage agricole en Tunisie. Et quatorze de ces molécules - dont certaines peuvent être d’origine urbaine - n'avaient jamais été mentionnées dans les enquêtes précédentes menées auprès des agriculteurs. Cinq herbicides sont les plus présents, tels que le glyphosate et la simazine, tous deux toxiques pour les organismes aquatiques. Les analyses révèlent toutefois de bonnes nouvelles : aucun polluant organique persistant (POP)1 n’a été trouvé. Sans doute parce que ces composés sont bannis en Tunisie depuis la fin des années 70 et ne sont plus en usage actuellement. Les données d'analyse chimique montrent que le nombre de détections et la variété des substances différent selon les saisons, en lien avec le calendrier des traitements phytosanitaires. Les ordres de grandeur des quantités de pesticides les plus courants exportées vers la lagune sont cohérents avec les quantités de substances répandues sur les principales cultures du bassin versant. Les résultats permettent de caractériser le niveau de pollution de l’oued Guenniche et par extension la lagune de Bizerte. « La fréquence de détection et la gamme de concentrations suggèrent que la pression phytosanitaire et la contamination des eaux qui en résulte sont proches de celles observées sur la rive nord de la Méditerranée », conclut Hanene Chaabane, professeure à l’INAT. Ces premiers résultats soulignent la nécessité de réaliser des études complémentaires sur l'utilisation et le devenir de ces produits de protection des cultures dangereux pour la santé humaine, animale et la biodiversité des pays de la rive sud de la mer Méditerranée.


1 Par exemple le DDT, le lindane, la chlordécone. La liste des POPs est définie par la convention de Stockholm.


Publication : Grunberger O., Hamdi R., Lagacherie M., Chaabane H. 2024. Pesticide contamination pattern of surface water in an urban-agricultural mediterranean watershed (Wadi Guenniche, Bizerte Lagoon, Northern Tunisia). Journal of Environmental Science and Health Part B-Pesticides Food Contaminants and Agricultural Wastes, 59 (8), 521-539. https://doi.org/10.1080/03601234.2024.2375905

Contacts science : Olivier Grunberger, IRD, UMR LISAH olivier.grunberger@ird.fr
Hanene Chaabane, Institut National Agronomique de Tunisie hanene.chaabene@inat.ucar.tn


Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet communication.occitanie@ird.fr

Source : https://www.ird.fr/la-rive-sud...