La forêt amazonienne cache des milliers de sites archéologiques
Publié par IRD Occitanie, le 26 avril 2024 500
Publiés dans Science, les travaux d’une équipe internationale viennent enfoncer le clou : non, l’Amazonie n’est pas une nature vierge ! Grâce au Lidar et à des inventaires botaniques, les scientifiques - dont trois chercheurs d’AMAP - ont découverts des terrassements précolombiens non détectés auparavant. Leur modélisation prévoit même qu’il en existerait entre 10000 et 20000 autres.
On sait que les sociétés autochtones occupent le bassin amazonien depuis plus de 12 000 ans mais l’ampleur de leur influence sur les paysages amazoniens reste inconnue. Grâce aux nouvelles technologies, la forêt livre peu à peu ses secrets…
Sous la canopée, des traces d’occupation humaine ancienne
Malgré les découvertes qui s’accumulent, le mythe de l’Amazonie vierge a encore la vie dure. Il faut dire que repérer des vestiges archéologiques par des prospections au sol relève de la quête de l’aiguille dans la botte de foin (6,7 millions de km à inventorier !) tandis que les recherches aériennes se heurtent à une canopée impénétrable sauf là où les arbres ont été coupés. De plus, contrairement aux peuples de la méso-Amérique qui ont laissé d’imposants bâtiments en pierre, les habitants de la forêt amazonienne utilisaient surtout la terre et le bois. De leurs constructions, ne restent aujourd’hui que les traces d’importants travaux de terrassement qui y étaient associés, sous la forme de fossés, plateformes, routes ou canaux. De telles structures apparaissent sur des photos aériennes ou satellitaires dans les zones déforestées mais jusqu’à ces dernières années, elles restaient invisibles à travers le couvert forestier. Le développement du LIDAR aéroporté, qui donne accès à la microtopographie cachée sous les différents étages forestiers, a permis la détection de nombreux sites archéologiques autrefois occupés par les civilisations pré-colombiennes en Amazonie. La densité de l’occupation humaine et son impact sur la forêt amazonienne seraient bien plus importants que soupçonnés.
Découverte de 24 nouvelles structures archéologiques
Les auteurs de l’étude ont commencé par compiler les données existantes, notamment celles du réseau AmazonArch mais aussi celles de l’Inrap et de la Direction des Affaires Culturelles de Guyane, ce qui leur a permis de recenser 937 sites archéologiques à terrassements en Amazonie. Puis, en examinant de près des données Lidar acquises sur 5315 km du bassin amazonien pour le suivi de la déforestation et l’estimation de la biomasse, ils ont repéré 24 sites archéologiques nouveaux, entre autres sur le Plateau des Guyanes. Les scientifiques ont ainsi détecté un village fortifié dans le sud du bassin, un site cérémoniel dans le sud-ouest, des structures mégalithiques circulaires dans le bouclier guyanais et enfin des sites lacustres dans les plaines du centre. Une simple extrapolation à l’ensemble du bassin amazonien de la densité de structures observées sur cet échantillon conduirait à une estimation de plus de 40 000 terrassements encore cachés. Mais l’équipe n’a pas voulu se contenter d’un raisonnement aussi simpliste et a développé un modèle prédictif utilisant différents outils statistiques et 9 variables environnementales sélectionnées parmi 40 testées. A partir des 961 structures déjà connues, ce modèle a prédit l’existence 10272 à 23648 sites archéologiques encore à découvrir…
Une relation humains-nature ancienne et riche d’enseignements
Etant donné la diversité des sociétés pré-colombiennes et de leurs pratiques agricoles, agroforestières et de gestion de la nature sur des milliers d’années, les forêts qu’ils ont occupées portent forcément des traces plus ou moins intenses de modification. Cette certitude a poussé les scientifiques à analyser la présence et la quantité de 79 espèces d’arbres très abondantes en Amazonie, en relation avec les sites probables d’ancienne occupation humaine. « Nous avons identifié 53 espèces d'arbres domestiquées ou semi-domestiquées significativement associées à la probabilité d'occurrence de ces sites pré-colombiens, rapporte Jean-François Molino, botaniste à l’AMAP. Ces données botaniques proviennent de 1676 parcelles d’inventaires d'arbres du réseau ATDN (Amazon Tree Diversity Network), dont 78 de notre réseau GUYADIV, réalisées au cours des 35 dernières années en Guyane avec mes collègues Daniel Sabatier et Julien Engel. » Cette fenêtre ouverte sur « l’écologie historique de l’Amazonie » est à la fois la promesse de tout un patrimoine autochtone à découvrir, protéger et valoriser mais aussi l’occasion d’apprendre de ces sociétés précolombiennes comment vivre au long court avec notre environnement tout en minimisant les impacts du changement climatique pour leurs descendants qui se battent pour la reconnaissance de leurs droits.
Publication : Peripato V., Levis C., Moreira G. A., Gamerman D., ter Steege H., Pitman N. C. A., de Souza J. G., Iriarte J., Robinson M., Junqueira A. B., Trindade T. B., de Almeida F. O., Moraes C. D., Lombardo U., Tamanaha E. K., Maezumi S. Y., Ometto Jphb, Braga J. R. G., Campanharo W. A., Cassol H. L. G., Leal P. R., de Assis M. L. R., da Silva A. M., Phillips O. L., Costa F. R. C., Flores B. M., Hoffman B., Henkel T. W., Umaña M. N., Magnusson W. E., Sandoval E. H. V., Barlow J., Milliken W., Lopes M. A., Simon M. F., van Andel T. R., Laurance S. G. W., Laurance W. F., Torres-Lezama A., Assis R. L., Molino J.-F., Sabatier D., Engel J., et al. 2023. More than 10,000 pre-Columbian earthworks are still hidden throughout Amazonia. Science, 382 (6666), 103-108. https://doi.org/10.1126/science.ade2541
Contact science : Jean-François Molino, IRD, UMR AMAP JEAN-FRANCOIS.MOLINO@IRD.FR
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Source : https://www.ird.fr/la-foret-am...