La culture scientifique au service de la solidarité et du vivre-ensemble - Retour sur le Forum Régional Sciences et Société 2024
Publié par Echosciences Occitanie, le 21 janvier 2025 14
Le Forum Régional Sciences et Société réunit chaque année une centaine d’acteurs et actrices impliqués dans le dialogue sciences-société en Occitanie afin de se rencontrer, de partager des expériences et imaginer des projets communs. L’édition 2024 portait sur le thème “Inclusion et lutte contre les inégalités” qui s’est décliné à travers 14 ateliers thématiques.
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Retour sur l’atelier “Comment la culture scientifique peut-elle s’intégrer dans une démarche de solidarité et de vivre ensemble, notamment auprès des personnes les plus vulnérables et isolées ?”.
Le partage de savoirs scientifiques et techniques constitue un vecteur d’émancipation, participe à une meilleure compréhension de soi et des autres, et concourt ainsi au ciment social. Alors comment s’intégrer dans une démarche de solidarité ? Comment s’appuyer sur la psychologie interculturelle et les acteurs de la médiation sociale ? Quelles actions peut-on imaginer pour être aux côtés des personnes en situation de grande précarité, qui font face à des obstacles et priorités les empêchant de se projeter au-delà du lendemain ?
A l’occasion du Forum, nous avons invité Sébastien Martareche, Codirecteur des Petits Débrouillards Occitanie, Houria Tareb, Secrétaire générale du Secours populaire de Haute-Garonne et Valentin El Sayed, Maître de conférences en psychologie interculturelle au Laboratoire Cliniques Psychopathologique et Interculturelle de l’Université Toulouse II Jean Jaurès, à venir partager leurs expériences et points de vue.
Les acteurs et actrices de la médiation scientifique osent parfois peu aller à la rencontre des personnes les plus précaires. Pourtant, des projets prouvent les bienfaits que cela peut avoir (à la fois pour les publics ET pour les médiateurs-trices). Parmi les programmes nationaux emblématiques, Respirations défend l’accès aux pratiques culturelles des personnes les plus vulnérables. Celui-ci a été initié il y a 5 ans par Cultures du Cœur, Les Petits Débrouillards et la Fédération des acteurs de la solidarité. “Nos fonds publics doivent s’adresser à tous” affirme Sébastien Martareche. Il rappelle également que 17,5 % de la population d’Occitanie vit sous le seuil de pauvreté. Le programme Respirations s’adresse en cela à toutes les personnes en situation d’isolement ou de précarité : personnes sans domicile, familles monoparentales, mineurs non accompagnés, réfugiés, personnes hébergées en Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale ou en Centre d'Hébergement et d'Accueil d'Urgence… A travers ce projet, il s’agit de proposer des activités culturelles qui s’appuient sur le “faire ensemble” et le partage de valeurs.
Pour Houria Tareb, il est indispensable de redonner le pouvoir d’agir à ces personnes en grande difficulté, et leur permettre de prendre ou reprendre leur place de citoyen-ne. L’équipe du Secours populaire est ainsi très demandeuse d’actions communes, faisant collaborer acteur-trices de la médiation sociale et acteur-trices de la médiation scientifique. D’autant plus qu’ils manquent de bras ! Leur plus grande préoccupation réside actuellement dans la mobilisation de bénévoles, de moins en moins nombreux.
Par ailleurs, elle rappelle qu’il est indispensable de se former à ce type d’intervention, notamment pour apprendre à ne “pas juger” l’autre. Les recherches sur l’interculturalité peuvent en cela aider à construire son approche. Valentin El Sayed est justement chargé de la formation de spécialistes en psychologie interculturelle (ex : formation de psychologues interculturels) et l’une des seules en France. Il étudie depuis plusieurs années l’altérité culturelle, lorsque l’on croise des valeurs ou pratiques différentes. Il rappelle que notre ancrage culturel façonne nos pensées. Nous pouvons même en arriver à penser que nous sommes incapables de faire quelque chose à cause du poids de la culture, des normes culturelles. Il est donc indispensable de se placer en empathie de l’autre et de garder une posture d’ouverture aux autres cultures (notamment à diverses croyances). D’ailleurs, difficile de parler d’une culture : chaque personne serait un mélange de cultures. Il faudrait également instaurer un référentiel commun à co-construire entre les médiateurs-trices et les publics, chacun amenant des savoirs à “interculturer”.
Enfin, les participant-es s’accordent sur le fait que l’on doit rester conscient des limites de la culture scientifique et technique : celle-ci n’est pas une priorité face à des situations de grande précarité. Oui, la culture scientifique permet de “ré-enchanter” le quotidien, mais seulement si on dispose d’un toit et de quoi manger. Les intervenants conseillent également d’éviter les actions demandant beaucoup de temps ou se prolongeant sur des temps très longs.
En venant en appui aux acteurs et actrices de la médiation sociale, en plaçant la culture scientifique et technique comme une culture commune ouverte à toutes et tous, et en allant au contact, sans préjugé et avec la volonté de s’ouvrir aux autres, nous pouvons ainsi placer la médiation scientifique au coeur d’une démarche de solidarité.
Pour échanger avec les intervenants :
- Sébastien Martareche, Codirecteur des Petits Débrouillards Occitanie impliqués dans le programme Respirations : s.martareche@lespetitsdebrouillards.org
- Houria Tareb, Secrétaire générale du Secours populaire de Haute-Garonne : contact@spf31.org
- Valentin El Sayed, Maître de conférences de psychologie interculturelle au Pôle Interculturation Psychique et Contacts Culturels du Laboratoire LCPI de l’Université Toulouse Jean Jaurès : valentin.el-sayed@univ-tlse2.fr
Ressources pour aller plus loin :
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