L'I.A. pour aider les inventions. 1e partie : Création et invention

Publié par PLISKINE ROBERT, le 31 mars 2024   620

L'I.A. pour aider les inventions. 1e partie : Création et invention

Ne pas confondre invention et création.
Quand un élève rédige une bonne dissertation sur un sujet étudié et bien précisé, ou un tâcheron de la musique de films en écrit une ou un peintre fait un tableau "à la manière de" c'est une création, pas une invention. En revanche, quand le peintre Jan van Eyck (ou ses contemporains flamands) invente la peinture à l'huile, c'est une invention d'une rupture technologique qui bouleverse la production et l'utilisation des peintures...

La confusion entre invention et découverte est entretenue par les 2 sens du mot "inventeur" en français. Ce peut être celui qui découvre un trésor, ou celui qui crée une machine. Einstein n'a pas été un inventeur, puisqu'il n'a rien créé, seulement découvert des Lois de la Physique totalement étranges et nouvelles ; dans ce cas on l'appelle un "savant" (et quel savant !), même si ses découvertes ont permis l’invention des centrales photovoltaïques ou nucléaires, ou le laser. James Watt, lui, a été un inventeur car il a créé un objet entièrement innovant et aux applications multiples, la machine à vapeur, même si les propriétés de pression de la vapeur surchauffée avaient été découvertes par d’autres (de Denis Papin à Newcomen).

L'Intelligence artificielle n'est pas une intelligence, ce que j'ai montré dans mes deux articles à ce sujet. J'attends avec impatience qu'une telle "intelligence" me fasse un procès pour diffamation ! Ou que l'on m'accuse de "anti-intelligence-artificiellisme" primaire, voire "d'anti-informatiquisme", alors que pendant 30 ans, de 1974 à 2004, toute mon activité professionnelle a été basée sur l'informatique et ses applications.

Mais, puisque cette application de l'informatique existe, mais qu'elle est incapable de sentiment ou d'imagination, qui sont à la base de la création, voyons comment elle pourrait aider l'être humain à développer des solutions innovantes à des problèmes non résolus, ce qui constitue la base des inventions matérialisées par des brevets d'invention.

Sans entrer dans les détails juridiques des brevets, on peut dire qu'une invention (objet ou processus novateur créé par l'Homme à l'exclusion de tout phénomène naturel qui est l'objet d'une découverte) est brevetable, reconnaissant à son auteur sa paternité et un privilège d'utilisation exclusive, si elle est innovante (et non la simple évolution d'un processus simplement amélioré par un bon professionnel) et en principe susceptible d'applications industrielles.

Pour expliciter cette définition, je vais prendre l'évolution de l'éclairage artificiel. De la maîtrise du feu dans la préhistoire jusqu'au XIXe siècle, la seule méthode de production artificielle de lumière a été la combustion d'un corps riche en carbone, des particules de la flamme portées à haute température émettant de la lumière : il n'y a pas de différence de concept entre la torche préhistorique, le feu de camp, la lampe à huile, les chandelles en cire, voire à la limite les feux d'artifice. Les véritables innovations qui ont bouleversé en 150 ans l'éclairage de l'humanité sont dues à l'utilisation de phénomènes physiques autres que la température de combustion pour émettre de la lumière. Ce peut être d'autres méthodes de chauffage très innovantes :

1) l'arc électrique qui porte des ions à plus de 3000 °C (émission de lumière par la température de corps chauffés par le courant électrique)

2) la lampe à incandescence de Thomas Edison (un filament chauffé par le passage d'un courant électrique)

En revanche il n'y a pas de véritable transition technologique entre le remplissage des ampoules par du gaz pour éviter la vaporisation du filament dans le vide (l'air étant exclus car le filament y brûle et l'azote aussi car à 3000°C il réagit sur le tungstène du filament), d'abord par de l'argon inerte, gaz très courant (1 % de l'atmosphère), puis d'autres gaz inertes encore moins conducteurs de la chaleur pour éviter les pertes d'énergie et garder le filament au chaud, le krypton puis le xénon.

Puis on a renoncé au chauffage pour utiliser d'autres phénomènes générateurs de lumière, constituant alors de véritables innovations technologiques :

3) l'ionisation des gaz sous faible pression (vapeur de mercure, vapeur de sodium) avec le cas échéant un revêtement fluorescent de l'intérieur du tube / ampoule pour transformer l'ultra-violet majoritaire dans la lumière émise en lumière visible. Que ce soient les lampes de haute puissance pour éclairer les gares et les stades, ou plus petites les lampes fluocompactes domestiques.

4) les Diodes Electro-Luminescentes LED, solution actuellement la plus répandue tant par sa multiplication d'applications que par son rendement permettant de considérables économies d'énergie.

Seules les étapes de 1) à 4) correspondent réellement à des transitions technologiques susceptibles de faire l'objet de brevets d'invention.

Et là, à la date d'aujourd'hui, je n'imagine pas qu'une intelligence autre qu'humaine ait pu les créer.

Au contraire, nombre d'inventions ayant impliqué une rupture technologique innovante sont dues à des personnes totalement étrangères à la profession en cause. On peut se demander pourquoi, j'ai ma propre explication : les "professionnels de la profession" sont formatés par leurs études et leur pratique professionnelle, et ils sont bloqués par les paradigmes qu'ils utilisent habituellement. Ce qui les empêche d'en trouver d'autres. Un exemple : la soudure à froid ; le concept de soudure implique en principe le chauffage pour dilater une pièce ou la faire fondre, et les professionnels vont développer des procédés de chauffage (fer à souder, chalumeau, arc électrique, chalumeau à plasma, four à induction...), mais pas la solution "hérétique" de la "soudure à froid" qui, au contraire, consiste à refroidir la pièce à insérer à -196 °C dans l'azote liquide et la laisser occuper tout son espace en reprenant sa température ordinaire.

Deux exemples passés à l'Histoire... ou à la légende :

- La photocopie à sec (xérographie) a été inventée par un avocat américain. Lassé de recopier à la machine à écrire des jugements, il cherchait un mode de copie du type photographique mais qui ne soit pas des photos, car il était persuadé que Georges Eastman, créateur de Kodak, avait déjà tout inventé dans le domaine de la photographie. Un jour d'automne, il se promenait dans une forêt où, quelques jours plus tôt, la neige était tombée ainsi que des feuilles mortes formant un tapis discontinu. Il remarque, comme l'avaient fait des milliers de gens avant lui, que la neige a fondu, non sur les zones ensoleillées (car contrairement à l'expression courante, la neige ne fond pas au soleil, cf le ski d'été) mais sous les feuilles mortes, pourtant des zones abritées du soleil. Et c'est là la différence entre le commun des mortels et le scientifique, devant ce phénomène contre-intuitif, il se demande "Pourquoi ?". En l'état actuel de l'I.A., se poser une question hors de son domaine de compétence ne lui est pas possible. Comme ce phénomène physique sort de ses connaissances, l’avocat s'informe auprès d'un de ses clients, ingénieur. Et c'est là que se créent les deux premiers éléments d'une invention : un besoin et une compétence.

L'Ingénieur lui explique que, si la neige est blanche et brillante, c'est qu'elle renvoie la lumière du soleil et ne l'absorbe pas, elle n'est donc pas chauffée et ne fond pas. En revanche, les feuilles mortes sont brunes ou noires parce qu'elles absorbent le rayonnement solaire, elles chauffent leur environnement dont la neige qui est dessous et la fait fondre. L'affaire aurait ou en rester là, mais l'avocat a insisté : "Existe-t-il des matériaux qui réagissent de façon semblable en absorbant la lumière ?", "Oui, par exemple le sélénium qui se charge électriquement quand on l'éclaire". Et là, l'intelligence de l'avocat fait le rapprochement entre sélénium + lumière = électricité statique, encre noire des lettres d'imprimerie = absorption de la lumière = pas de charge électrique. Conclusion : si on éclaire une plaque de sélénium avec la lumière venant d'un texte imprimé, il y aura des zones chargées et d'autres non. On conçoit que des zones chargées attirent des gouttelettes d'encre comme un bâton de plastique (ou, dans l'Antiquité , l'ambre "electron") frotté attire des brins de papier ou de coton, ce que tous les gamins ont pratiqué depuis des siècles, et le reste de la démarche jusqu'à la photocopieuse à sec (au contraire de la photo chimique exigeant des bains) n'est que du travail d'ingénieur. Curieusement, ce brevet n'intéressait personne dans le domaine de la photographie, et c'est un producteur de cinéma, Arthur Rank, qui venait de gagner beaucoup d'argent avec son film "King Kong", intéressé par les innovations technologiques, qui a cru au procédé, et a décidé de l'industrialiser en créant une entreprise nommée " Rank Xerox" devenue n° 1 mondial de la photocopie.

Qu’aurait pu apporter « l’intelligence artificielle » ? Simplement rassembler et organiser toutes les connaissances sur la lumière, sa nature, ses propriétés, ses applications. Mais la relation entre ces propriétés et le besoin de recopier des caractères d’imprimerie, seule l’intelligence humaine aurait pu le faire.

- Le téléphone automatique a été inventé par un... entrepreneur de pompes funèbres. Son marché étant les morts en hôpital, il ne comprenait pas pourquoi un concurrent informé d'un décès avant lui était sur les lieux avant lui, et "remportait le morceau". Il a enquêté et découvert la clé du mystère. A l'époque le téléphone manuel était connecté avec des fiches jacks par des "demoiselles du téléphone" qui écoutaient les demandes de connexion... et les conversations, et l'une d'elles était l'épouse de son concurrent. Quand l'hôpital appelait la famille pour lui annoncer un décès, elle entendait l'appel et appelait illico son mari pour qu'il puisse foncer à l'hôpital et offrir ses services. Du coup, l'entrepreneur lésé s'est mis en tête de trouver un moyen de se débarrasser de ces "demoiselles du téléphone" et a entrepris d'analyser la procédure pour remplacer les doigts des opératrices par des relais électromagnétiques et des sélecteurs pas-à-pas, et il a inventé le téléphone automatique. On a encore ici l'association d'un besoin et d'une imagination, deux caractéristiques de l'esprit humain, pour inventer.

En conclusion, on ne peut pas se déclarer inventeur d’un phénomène naturel, mais découvreur.

En revanche, créer une nouvelle technologie et/ou un appareil qui l’utilise (surtout pour des applications industrielles) est une invention. Pour illustrer le processus de l’invention, et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, je décrirai dans le prochain article comment j’ai créé une nouvelle technologie et inventé une nouveau système de pesée de précision à grande vitesse pour résoudre un problème réputé « sans solution » et en quoi l’I.A. aurait pu m’aider à gagner du temps sans pouvoir me donner la solution. Ce qui m’a permis de prendre 8 brevets d’invention.