Initiatives de jeunes autochtones face aux temps difficiles
Publié par IRD Occitanie, le 15 février 2022 810
Face aux changements climatiques, aux crises sanitaires, comment s’organisent les jeunes des populations autochtones ? Pour répondre à cette question, des experts de la FAO dont Martial Bernoux (IRD, ECO&SOLS) ont lancé un appel à témoignages. Le résultat de cette enquête a été publié sous le titre prometteur de « Indigenous youth as agents of change ».
Et si les bonnes initiatives venaient des jeunes indigènes du monde entier ? Des témoignages collectés sont livrés aux instances qui cherchent des solutions pour l’agriculture du futur.
Améliorer les moyens de subsistance des pasteurs en Angola, © FAO
L’agriculture durable au cœur de négociations au plus haut niveau
La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), ayant reconnu le potentiel unique de l’agriculture dans la lutte contre le changement climatique, a créé l’Action commune de Koronivia pour l’agriculture. Le rôle spécifique joué par les savoirs des divers peuples autochtones n’est pas oublié dans le travail d’identification de mesures positives. « Deux groupes de travail ont décidé d’œuvrer de concert : celui en charge des changements climatiques et celui sur les peuples autochtones », livre Martial Bernoux, détaché à l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Ensemble, nous avons lancé un appel à témoignages vis-à-vis de leaders communautaires et de groupes de jeunes en leur demandant comment ils font face aux aléas tels que Covid et changement climatique ». L’objectif était de porter ces actions et témoignages à la connaissance des négociateurs qui vont décider du futur des agricultures.
Jardin communautaire du Conseil des jeunes de Chi-Nations, © Chi-Nations Youth Council
Des passerelles délicates entre peuples autochtones et instances internationales
L’entreprise n’était pas si facile, les équipes FAO ont essayé de couvrir tous les continents1 afin de refléter au mieux la diversité des 5000 groupes reconnus comme « peuples autochtones ». Sans parler des barrières linguistiques car les histoires racontées par les interlocuteurs étaient transcrites dans de nombreuses langues avec des alphabets différents ! Au-delà des problèmes de traduction s’est fait jour la divergence d’interprétation de tel ou tel mot. « Ces divergences sémantiques existent tant entre scientifiques de disciplines différentes qu’entre autochtones et experts de la FAO ou de la CCNUCC », souligne Martial Bernoux. Par exemple, ces peuples ne se reconnaissent pas sous le vocable d’agriculteurs mais se disent « producteurs d’aliments », concept bien plus large. D’où la difficulté à traduire le plus fidèlement possible les propos rapportés tout en restant en cohérence avec la terminologie d’organisations internationales telle que la FAO.
Peuples Sakha préparant leurs chevaux, © Kyubeye
Les jeunes autochtones du monde entier porteurs d’initiatives
Ce travail délicat qui consistait à trouver un terrain commun entre des groupes humains aussi différents a été porté par Anneleen Van Uffelen, une consultante de la FAO et experte de la dimension socio-économique du processus de Koronivia. Elle a piloté l’étude tout en jouant le rôle d’interface entre jeunes et équipes impliquées. En échange quotidien avec les jeunes autochtones, elle a capté leurs témoignages qui racontent aussi bien les initiatives en contexte Covid que les savoirs traditionnels mobilisés pour répondre au défi de maintenir la sécurité alimentaire en période de crise climatique ou encore ce qu’ils disent du processus en cours ou des messages2 qu’ils souhaitent transmettre. « Les jeunes ne sont pas restés les bras croisés face aux difficultés de la vie, ils sont en permanente adaptation, ils sont réactifs et s’organisent », rapporte Anneleen VanUffelen. D’ailleurs, les peuples autochtones ne se sentent pas vulnérables, leur résilience au cours des milliers d’années le prouve, par contre, ils estiment qu’on les a « mis en situation de vulnérabilité », ce qui est différent. Par exemple, pendant la crise du Covid, l’association de femmes et agriculteurs T’boli du lac Sebu (Philippines) a organisé les activités de production et de vente d’aliments transformé (chips de banane) afin de subvenir aux besoins de la communauté. Cinq autres études de cas seront ainsi des points d’entrée pour les négociateurs de la CCNUCC. Même si insérer savoirs et demandes des peuples autochtones dans un circuit très formaté reste un défi !
1 Tribu T'Boli (Philippines), Endorois (Kenya), Nations Navajo et Hopi (USA), Peuple Sakha (Russie), Inuits et Amérindiens (Canada), Nation Chi (USA)
2 “Nahasdzáán Nihimá Bits’íís Baa’áháyá Nihí déét’í” = La protection de la Terre mère commence par nous (nations Navajo et Hopi, USA)
Publication : Van Uffelen, A., Tanganelli, E., Gerke, A., Bottigliero, F., Drieux, E., Fernández-de-Larrinoa, Y., Milbank, C., Sheibani, S., Strømsø, I., Way, M. and Bernoux, M. 2021. Indigenous youth as agents of change – Actions of Indigenous youth in local food systems during times of adversity. Rome, FAO. https://doi.org/10.4060/cb6895en
Aller plus loin :
- Master Anneleen Van Uffelen : Comprendre le potentiel de la KJWA : une analyse critique de la dimension socio-économique et des implications éthiques du développement durable financé par le mécanisme financier de la CCNUCC
- Sans les savoirs traditionnels, comment prétendre à des systèmes alimentaires réellement durables ?
Contact science : Martial Bernoux, IRD, ECO&SOLS et FAO, MARTIAL.BERNOUX@FAO.ORG
Contact communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Source : https://www.ird.fr/initiatives...