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Identification d’insectes vecteurs : vos ailes s’il vous plait !

Publié par IRD Occitanie, le 11 mars 2024   460

Des scientifiques de l’IRD et leurs partenaires dévoilent une nouvelle méthode simplifiant la détermination d’insectes vecteurs de maladies. Basée sur les interférences lumineuses de leurs ailes, cette innovation va contribuer à la lutte contre ces insectes d’intérêt médical ou vétérinaire. Ces travaux font l’objet de quatre publications dans Scientific reports et une dans Scientific data.

Dans la longue lutte de la médecine et de la science en général contre les insectes responsables de la transmission de virus et autres agents pathogènes, une équipe française - avec ses partenaires - vient de marquer un point.

Mouche tsé-tsé femelle de l’espèce Glossina palpalis gambiensis (souche Burkina Faso)

© IRD - Patrick Landmann, Vectopôle

Une idée lumineuse

Glossines, phlébotomes, moustiques, etc, même combat : ces insectes Diptères qui nous pompent du sang sont porteurs d’agents pathogènes dont ils nous font cadeau au passage – un cadeau empoisonné – et qui déclenchent chez les humains trypanosomiases, paludisme et autres maladies. Dans les stratégies mises en œuvre depuis plusieurs siècles par les scientifiques pour lutter contre ces vecteurs, les entomologistes -spécialistes des insectes - ont toute leur part. En effet, pour cibler efficacement les indésirables, encore faut-il connaitre leur identité précise. Mais l’identification s’appuyant sur la description morphologique n’est pas toujours suffisante tandis que les méthodes basées sur des techniques moléculaires sont longues et coûteuses. Ayant remarqué que les ailes de diptères affichaient des motifs irisés sous l’incidence de rayons lumineux, les initiateurs du projet proposent d’utiliser les patrons de couleur générées par interférence optique comme marqueur d’espèces chez les diptères d’intérêt médical et vétérinaire. « Contrairement aux papillons dont les couleurs sont directement visibles, les motifs colorés des ailes de mouches, moustiques etc ne sont révélés que sur un fond sombre suite à la réflexion de la lumière sur les ailes et par un phénomène d’interférence », explique Denis Sereno, chercheur à l’UMR INTERTRYP et dernier auteur des cinq publications. 

Repas de sang d'une femelle Phlebotomus perniciosus

© IRD - Nil Rahola

Banque d’images et deep learning

Constituer une banque de données contenant les images des patrons de couleurs présents sur les ailes de diptères hématophages a été la première étape du projet. Les auteurs des travaux publiés se sont jusqu’à présent attaqués aux glossines puis aux anophèles (moustiques vecteur du paludisme) et enfin aux Aedes (moustiques vecteurs de dengue, chikungunya, etc) et aux phlébotomes qui transmettent la leishmaniose. Nul besoin de matériel sophistiqué : il suffit de monter les ailes sur des lames et d’utiliser un microscope disponible dans le commerce ; ce qui est réalisable même sur le terrain, au plus près des lieux de collecte des insectes. Grâce au deep learning, la reconnaissance automatique des espèces s’améliore au fur et à mesure que la banque emmagasine les motifs d’ailes. Plus besoin de clés d’identification ni de spécialistes. A ce jour, la banque abrite plus de 5000 images représentant 7 familles, 21 genres et plus de 100 espèces de Diptères dont les glossines, les Anopheles (20 espèces), les Aedes (24 espèces) et les Phlébotomes (11 espèces).

Aile Anophèles

© IRD - Denis Sereno

Des identifications précises pour la majorité des espèces

Testée sur les quatre groupes de vecteurs déjà cités, la méthode – protégée par un brevet - montre de très bons résultats même s’ils affichent une certaine variabilité selon les genres. Par exemple, elle peut identifier les espèces du genre Anopheles avec une précision allant jusqu'à 100 % pour dix espèces sur 20, mais de 50 à 65 % pour les autres. Et a résolu haut la main la difficile discrimination des espèces dites cryptiques ou sœurs du complexe Gambiae. « Pour les moustiques Aedes, annonce Denis Sereno, nous avons enregistré une précision de 95 % au niveau du genre et > 85 % pour deux des trois sous-genres testés. » Quant aux phlébotomes les auteurs affirment que « leur identification a toujours été difficile car elle repose sur l’examen de structures infimes et principalement internes ».  Or la nouvelle méthode les identifie avec une précision supérieure à 77%, quel que soit le niveau taxonomique. Dans l’ensemble, ces résultats démontrent le potentiel de cette méthodologie pour l’identification des espèces lorsque les entomologistes taxonomistes, les techniciens qualifiés et/ou équipements techniques coûteux viennent à manquer. La méthode pourrait être appliquée à d’autres maladies transmises par des vecteurs arthropodes. A terme cet outil sera un aide appréciable pour mieux cibler les espèces nuisibles pour la santé animale et humaine et ainsi tenter de minimiser voire éliminer la transmission des maladies faisant peser un lourd fardeau sur les populations du Sud.


Publications : 

  • Cannet, A., Simon-chane, C., Histace, A. et al. An annotated wing interferential pattern dataset of dipteran insects of medical interest for deep learning. Sci Data 11, 4 (2024). https://doi.org/10.1038/s41597-023-02848-y
  • Cannet, A., Simon-Chane, C., Histace, A. et al. Species identification of phlebotomine sandflies using deep learning and wing interferential pattern (WIP). Sci Rep 13, 21389 (2023). https://doi.org/10.1038/s41598-023-48685-2
  • Cannet, A., Simon-Chane, C., Histace, A. et al. Wing Interferential Patterns (WIPs) and machine learning for the classification of some Aedes species of medical interest. Sci Rep 13, 17628 (2023). https://doi.org/10.1038/s41598-023-44945-3
  • Cannet, A., Simon-Chane, C., Akhoundi, M. et al. Deep learning and wing interferential patterns identify Anopheles species and discriminate amongst Gambiae complex species. Sci Rep 13, 13895 (2023). https://doi.org/10.1038/s41598-023-41114-4
  • Cannet, A., Simon-Chane, C., Akhoundi, M. et al. Wing Interferential Patterns (WIPs) and machine learning, a step toward automatized tsetse (Glossina spp.) identification. Sci Rep 12, 20086 (2022). https://doi.org/10.1038/s41598-022-24522-w

Contacts science : Denis Sereno, IRD, INTERTRYP DENIS.SERENO@IRD.FR
Philippe Bousses, IRD, MIVEGEC PHILIPPE.BOUSSES@IRD.FR
Contacts communication: Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR 

Source : https://www.ird.fr/identificat...