Géosciences Montpellier, Épisode 3 : Retour des Géopirates des Antilles
Publié par Echosciences Occitanie, le 26 juillet 2017 2.1k
Après 7 semaines d'exploration scientifique à travers les Petites Antilles, les géopirates embarqués dans l'Atalante nous livrent les premiers résultats de leurs trouvailles géologiques. (Photo - ©L'Atalante - IFREMER)
Campagne GARANTI © Géosciences Montpellier
Rappelez vous, lors d’un passage à l’Université de Montpellier en avril dernier, nous avions fait la rencontre de Philippe Münch, Enseignant-Chercheur au laboratoire Géosciences Montpellier, coordinateur de la mission inter-équipe aux Antilles et impliquée avec Jean-Frédéric Lebrun et Serge Lallemand, deux chefs de mission, dans la campagne d’exploration océanographique GARAnti.
Alors qu’il s'apprêtait à rejoindre l’expédition scientifique, Philippe avait pris le temps de répondre à nos questions et surtout nous présenter les objectifs de cette importante mission à bord de l’Atalante.
Le 25 juin dernier, s’achevait à Pointe-à- Pitre (Guadeloupe) la campagne qui avait débuté 7 semaines plus tôt. Pendant 43 jours à bord de l’Atalante, pas moins de 28 scientifiques se sont ainsi relayés jour et nuit pour sillonner l’océan au large des petites Antilles.
Un peu comme l’histoire de l’Atlantide et l'extinction supposée d’une civilisation suite à la submersion de l'île, la mission GaRanti avait pour objectif de vérifier l’hypothèse émise par les paléontologues, que d’anciennes terres émergées et reliées entre elles auraient facilité la migration de faunes venues de l’Amérique du Sud au travers de l’océan ouvert des Caraïbes.
Rappel des objectifs de la mission à découvrir dans le premier épisode de cette série d'articles.
Schéma montrant l’interaction entre les plaques Amérique en subduction(1) courbe et oblique sous la plaque caraïbe. Le bord de la plaque caraïbe présente des épaisseurs variables qui ont pu être contraintes grâce au déploiement des sismomètres fond de mer et des tirs réalisés depuis le navire. Campagne GARANTI © Géosciences Montpellier
Une mission fructueuse en récolte de données
Ce ne sont pas moins de 3560 km de profils permettant d’imager l’architecture des bassins et de 920 km de profils fournissant la structure profonde de la zone qui ont être recueilli et ce grâce aux 120 déploiements de sismomètres fond de mer.
À cela s’ajoutent les 8000 km de couverture bathymétriques multifaisceaux(2) et autres données géophysiques et enfin les 14 dragages(3) ont été réalisés qui ont permis de ramener des échantillons actuellement en cours d’analyse.
Premières analyses, premiers résultats
Les premiers résultats donnent des indications quant à une émersion passée reconnue sur le flanc est de la Ride d’Aves (à 1500 mètres de profondeur).
Grâce à la cartographie et à l’échantillonnage de nombreux récifs, les premières analyses à bord de l’Atalante témoignent de surfaces émergées vers 35 millions d’années. La suite des analyses des données sismiques permettra certainement de préciser et d’étendre ces observations à toute la zone explorée.
Ce récif long d’une vingtaine de kilomètres et large de quelques kilomètres a été cartographié en bordure d’une falaise sous-marine haute de près de 2 kilomètres. Il présente des indices d’émersion passée alors qu’il est à présent enfoui sous plus d’un kilomètre d’eau. Il témoigne ainsi d’un enfoncement progressif des fonds océaniques depuis plusieurs millions d’années. Campagne GARANTI © Géosciences Montpellier
Une découverte inédite et des résultats exceptionnels
Entre 1800 et 2500 mètres de profondeur, les chercheurs ont mis à jour d’étonnantes et géantes structures géologiques semblables à des “ écailles de tortues “ qui pourraient témoigner d’un écoulement de fluides profonds le long de drains verticaux ayant une structure polygonale.
Visualisation des fonds océaniques montrant des structures polygonales en surface et leur extension en profondeur observée grâce à l’imagerie sismique multitrace. Campagne GARANTI © Géosciences Montpellier
Ces résultats exceptionnels sur la structure géologique de la zone de l’arrière-arc des petites Antilles permettront donc de mieux comprendre l’histoire géodynamique de cette région.
...à suivre dans le prochain épisode, rencontre avec José Alberto Padrón-Navarta, Chargé de recherche CNRS dans l’équipe « Manteau et Interface » avec qui nous découvrirons le microscope « Camscan Crystal Probe X500FE » avec lequel le laboratoire réalise des analyses chimiques et cristallographique.
Notes :
- La subduction est le processus par lequel une plaque tectonique océanique s'incurve et plonge sous une autre plaque avant de s'enfoncer dans le manteau.
- Un bathymétrique multifaisceaux est un appareil servant à mesurer la profondeur. (Source : Wikipédia)
- On appelle dragage l'opération qui consiste à extraire les matériaux situés sur le fond d'un plan d'eau. (Source : Wikipédia)
Pour aller plus loin :
Le carnet de bord de la mission