Fertilité en danger
Publié par Université de Montpellier UM, le 1 décembre 2016 1.4k
Faire un enfant, facile ? Pas toujours... De plus en plus de couples rencontrent des difficultés pour avoir un bébé. Face à l’infertilité, le spécialiste de la biologie de la reproduction Samir Hamamah a un mot d’ordre : prévention.
1 sur 6. C’est la proportion de couples qui ne parviennent pas à faire un enfant sans aide médicale. Un chiffre inquiétant, « et qui ne cesse d’augmenter », alerte le professeur Samir Hamamah, chef du département de biologie de la reproduction au CHU de Montpellier. Pour le spécialiste, dans certains cas l’infertilité est directement imputable à notre mode de vie. Alcool, tabac, drogues ? Ce n’est pas à ces fléaux bien connus qu’il se réfère. Mais à d’autres, aussi discrets qu’omniprésents : les produits chimiques auxquels nous sommes confrontés chaque jour depuis notre naissance… et même bien avant. « Le fœtus est déjà exposé à ces produits dans le ventre de sa mère, ce qui peut altérer la fertilité de l’enfant à venir », précise le directeur de l’unité Inserm U1203. Perturbateurs endocriniens et environnementaux, pesticides, composés organiques volatiles, autant de substances dangereuses qui se cachent jusque dans les produits les plus anodins de notre quotidien.
« Si vous mettez du rouge à lèvre, vous vous enduisez d’éther de glycol ; quand vous réchauffez un plat surgelé au micro-onde, vous ingérez des phtalates ». Au total ce sont plus de cent molécules toxiques pour la « santé reproductrice » que nous manipulons tous les jours souvent sans le savoir. « La santé reproductrice est très fragile, prévient Samir Hamamah, nous devons en prendre soin le plus tôt possible sinon il faudra payer la note pendant plusieurs générations. Il faut faire de l’infertilité une cause nationale ! ». Pour le spécialiste il est urgent de mettre en place une vraie démarche de prévention : « il faut alerter les jeunes sur les conséquences de ces expositions, leur dire dès le plus jeune âge que leur mode de vie peut compromettre leurs futurs projets d’enfants ».
Prévenir
D’autant plus que la fertilité est également mise à mal par l’évolution de nos sociétés. En moyenne les femmes ont désormais leur premier enfant autour de 30 ans. « L’âge de la femme est un facteur de risque important d’infertilité car la qualité de ses ovocytes, les cellules reproductrices féminines, diminue avec le temps ». A 20 ans, 1 ovocyte sur 2 est porteur d’anomalies génétiques parfois incompatibles avec une grossesse. A 40 ans, ce sont 9 ovocytes sur 10 qui sont hors-service.
Comment contourner cette difficulté majeure sachant que l’âge de la maternité ne cesse de reculer ? Pour Samir Hamamah la réponse est évidente : « il faudrait proposer à toutes les jeunes femmes qui n’ont pas encore de projet parental de congeler des ovocytes pour pouvoir les utiliser si nécessaire plus tard ». Si elles rencontrent un jour des difficultés à tomber enceinte, elles pourront ainsi utiliser ces « jeunes » ovocytes pour réaliser une fécondation in vitro et optimiser ainsi leurs chances d’avoir un bébé. Pour le spécialiste cette « préservation de la fertilité par la congélation » est une vraie nécessité, « aujourd’hui en France les femmes en âge de procréer n’ont pas cette possibilité alors que les hommes peuvent en bénéficier s’ils le souhaitent », précise le praticien.
La 3D au secours de la fertilité
D’autant plus que le pourcentage de réussite des techniques de procréation médicalement assistée reste relativement faible avec seulement 20 % des FIV qui sont couronnées de succès. Dans ce domaine, l’équipe de Samir Hamamah est à l’origine de progrès considérables. Dernière révolution en date – et première mondiale : l’Embryoscan, une modélisation en trois dimensions des embryons pour augmenter la réussite des FIV. « Pour faire une FIV on prélève plusieurs ovocytes chez la future mère que l’on féconde avec des spermatozoïdes. On obtient en moyenne 5 embryons qui ne sont pas tous de qualité égale », explique Samir Hamamah.
Comment choisir celui qui sera implanté dans l’utérus de la future mère ? C’est là que réside l’intérêt de la 3D. « On scanne l’embryon sur tous les plans puis un logiciel va reconstruire une image en trois dimensions qui sera ensuite matérialisée grâce à une imprimante 3D ». Résultat : le praticien peut examiner l’embryon sous toutes ses coutures pour déceler les éventuels défauts qui rendraient impossible une grossesse. Autant de détails qui ne sont pas visibles sous microscope en 2D. « C’est un procédé non invasif révolutionnaire pour améliorer la sélection embryonnaire tout en respectant totalement les règles éthiques », se réjouit Samir Hamamah.
Le biologiste de la reproduction a désormais un autre objectif majeur : créer à Montpellier un institut dédié à la fertilité humaine. « L’infertilité nécessite une prise en charge transdisciplinaire : gynécologues, biologistes de la reproduction,, généticiens, andrologues, urologues, endocrinologues et chercheurs en reproduction mais aussi psychologues, sexologues. Il faut proposer aux couples un lieu où toutes les compétences soient réunies, leur offrir la chance de rentrer dans ce circuit avec un projet parental, et d’en ressortir avec un bébé ».
Retrouvez cet article dans LUM, le magazine science et société de l'Université de Montpellier.
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