Failles et volcans dans les Andes : un mélange explosif !
Publié par IRD Occitanie, le 21 mars 2022 1.1k
L'activité explosive des volcans à l’origine des éruptions les plus dévastatrices sur Terre, reste encore mal comprise. L’une de ces éruptions, survenue en 2011 dans les Andes au sud Chili (volcan Puyehue Cordón Caulle), a été étudiée par une équipe franco-chilienne impliquant l’UMR GET. Les interactions entre failles de la croûte terrestre et édifices volcaniques seraient en cause.
Mieux comprendre les processus en œuvre dans les éruptions volcaniques permettrait de les anticiper de façon plus fiable. Entre signes avant-coureurs et mouvements profonds, les scientifiques testent des hypothèses et dévoilent les mécanismes.
Les signaux avant-coureurs des volcans siliciques
La zone volcanique du sud Chili abrite de nombreux volcans siliciques1 qui sont parmi les plus actifs et les plus dangereux au monde. Selon l'interprétation classique, un gonflement de l’édifice volcanique est considéré comme un signe précurseur d’une éruption imminente. Bien que cette phénoménologie fonctionne bien pour de nombreux volcans, elle échoue généralement à expliquer l’origine des déformations observées sur les volcans siliciques. « Certains volcans produisent d’énormes éruptions explosives sans montrer de signaux de déformation superficiels avant-coureurs, tandis que d’autres montrent de forts signaux d'inflation pendant plusieurs années sans jamais entrer en éruption », explique Dominique Remy, géophysicien chercheur IRD à l’UMR GET, co-auteur de l’étude. Celle-ci, réalisée lors du travail de thèse d’une étudiante chilienne encadrée par deux chercheurs IRD du GET et en association avec des partenaires sud-américains, a mis en évidence les interactions mécaniques dans un système de failles majeur.
L’éruption 2011 du volcan Puyehue Cordón Caulle reste mal expliquée
S’étendant sur plus de 1500 km le long de la marge active chilienne, le système de failles Liquiñe-Ofqui se trouve à la jonction de 3 plaques terrestres (antarctique, de Nazca et sud-américaine) et contrôle l’emplacement des volcans dans cette partie de la cordillère andine. L’origine des mécanismes ayant conduit au déclenchement de l’éruption explosive du Puyehue Cordón Caulle en juin 2011, l’une des plus violentes éruptions subaériennes du 21ème siècle, était controversée. Une éruption est généralement déclenchée par une modification des contraintes auquelles est soumis un édifice volcanique. « L’explication la plus classique de ce changement de contraintes est la mise en pression d’un réservoir magmatique en profondeur, précise le géophysicien. Sa pression interne augmente jusqu’à provoquer la rupture de ses parois et l’ascension du magma à la surface ». L’absence d’activité volcanique durant les deux années qui ont précédé cette éruption infirmait une telle hypothèse.
Quel déclencheur, pressurisation du réservoir magmatique ou glissement de failles ?
Les auteurs ont alors considéré que le changement de contrainte à l’origine de l’éruption pouvait avoir été provoqué par un glissement tectonique des failles au voisinage du complexe volcanique. Ce glissement, en modifiant les conditions mécaniques auxquelles était soumis le réservoir magmatique situé sous le volcan, aurait déclenché l’éruption. Une analyse détaillée du contexte volcano-tectonique du complexe volcanique Puyehue Cordon Caulle et des longues séries temporelles de déplacements du sol mesurées par interférométrie radar2 révèlent en effet le rôle fondamental de ce système de failles sur les caractéristiques et la dynamique de l’activité volcanique. « Les résultats obtenus à partir de modèles de comportement mécanique contraints par les mesures de déplacements suggèrent que l’origine de l’éruption serait le résultat d’un glissement le long d’un segment de faille du système Liquiñe-Ofqui, en accord avec l’activité sismique enregistré au début de l’éruption, raconte Dominique Rémy. De plus, ce glissement, en générant une zone de rupture verticale aurait canalisé les fluides magmatiques du réservoir vers la surface ». Cette étude souligne l’importance d’une meilleure prise en compte des interactions mécaniques entre les phénomènes tectoniques et volcaniques pour la compréhension du fonctionnement des volcans explosifs de cette région, l’une des clefs pour mieux anticiper les risques associés.
Notes :
1 - Les magmas siliciques sont d'une consistance visqueuse favorisant l'accumulation de gaz dissous qui peut provoquer des éruptions explosives.
2 - L'interférométrie radar se base sur les différences de phases de deux images radars acquises (ici par satellite) sur une même zone dans une géométrie comparable à des instants différents.
Publication :
C. Novoa, M. Gerbault, D. Remy, J. Cembrano, L.E. Lara, J. Ruz-Ginouves, A. Tassara, J.C. Baez, R. Hassani, S. Bonvalot, R. Contreras-Arratia, 2022. The 2011 Cordón Caulle eruption triggered by slip on the Liquiñe-Ofqui fault system, EPSL, https://doi.org/10.1016/j.epsl.2022.117386.
Contact science : Dominique Remy, IRD, UMR GET DOMINIQUE.REMY@IRD.FR
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Source de l'article : Failles et volcans dans les Andes : un mélange explosif !