Faciliter le diagnostic de la tuberculose des enfants en Afrique et en Asie
Publié par IRD Occitanie, le 12 avril 2021 940
Améliorer les outils de diagnostic est la voie suivie par le projet TB-Speed dédié au « renforcement des services de tuberculose pédiatrique pour une détection précoce améliorée ». Une équipe de l'Institut de Recherche pour le Développement associant l’UMR MIVEGEC et l’UMI TRANSVIHMI vient de livrer les résultats de son étude in vitro sur la mise au point d’un protocole simplifié de diagnostic de la tuberculose dans les selles.
Pourquoi 230 000 enfants sont morts en 2019 de la tuberculose alors que cette maladie est curable ? Tout simplement parce que seulement 45% des cas de tuberculose pédiatriques estimés sont diagnostiqués ou notifiés. Cela est dû en partie au fait que les Centres de santé isolés en milieu rural en Afrique sub-saharienne et en Asie du sud-est ne disposent pas des équipements nécessaires pour réaliser le bon diagnostic…
Une maladie curable, des décès évitables
Au niveau mondial, la tuberculose fait partie des principales causes de décès, c’est un constat peu connu du grand public. Les enfants de pays d’Afrique sub-saharienne et d’Asie paient un lourd tribut à cette maladie alors qu’il existe un traitement. C’est d’ailleurs la première cause de mort infantile par maladie infectieuse. Toutefois, la décision de mettre un enfant sous un traitement associant 3 à 4 antibiotiques pendant 6 mois ne se prend pas à la légère. Les personnels de santé doivent pouvoir s’appuyer sur un diagnostic fiable. C’est là où le bât blesse et c’est le cheval de bataille du projet TB-Speed (2017-2022) qui vise « à réduire la mortalité infantile due à la tuberculose en évaluant des approches diagnostiques innovantes et rentables pour les contextes à ressources limitées ». Depuis 2013, l’OMS recommande l’utilisation d’un test nommé Xpert MTB/RIF pour détecter dans les crachats la présence de l’ADN de Mycobacterium tuberculosis, bacille responsable de la tuberculose. Mais plusieurs écueils subsistent. « D’une part les jeunes enfants ne peuvent pas produire spontanément de crachats et l’utilisation de méthodes alternatives reposant sur la collecte d’aspirations gastriques ou l’induction de l’expectoration peuvent être mal tolérées et sont difficiles à mettre en œuvre logistiquement dans des centres de santé primaires des pays à ressources limitées », avance Manon Lounnas, microbiologiste à l’IRD (MIVEGEC) qui participe au projet TB-Speed. D’où l’intérêt d’utiliser les échantillons de selle des enfants pour le diagnostic de la tuberculose.
L’indispensable simplification des outils de diagnostic
Pour remédier à l’une des difficultés évoquées - obtenir des échantillons expectorés - l’OMS recommande depuis 2020 de recourir à la détection de l’ADN du bacille dans les selles des enfants, un échantillon très facile à obtenir et de manière peu invasive. En effet, les jeunes enfants avalent souvent enfants leurs expectorations respiratoires et l’agent infectieux se retrouve alors dans le système digestif où il peut être détecté et quantifié même s’il s’y trouve en moindre densité. Toutefois, les selles comportent des particules qui peuvent interférer avec le diagnostic Xpert et il est nécessaire de faire une préparation de l’échantillon avant de pouvoir rechercher l’ADN du bacille. Hélas, ces méthodes nécessitent des équipements de laboratoire et une expertise qui ne sont pas disponibles dans la plupart des centres de santé dans les pays à ressources limitées et à forte prévalence de tuberculose. « Une des méthodes proposées, basée sur l’adjonction d’une solution de sucrose, est complexe, précise la microbiologiste. Elle nécessite 5 opérations successives dont la filtration et la centrifugation qui ne peuvent être pratiquées sans équipement, électricité et personnel qualifié ». Avec ses collègues de MIVEGEC et TRANSVIHMI, dont des médecins, elle a donc mené une étude au laboratoire de mycobactériologie du Centre Hospitalier Universitaire de Montpellier (étude in vitro) destinée à définir un protocole simplifié. Les scientifiques ont testé 17 paramètres sur l’ensemble des étapes clés du diagnostic afin de déterminer comment remplacer les opérations qui posent problème et surtout vérifier que les performances finales soient comparables à celles de la méthode actuelle.
Aller plus loin, avec les partenaires sur le terrain
Au total, 827 tests ont été pratiqués sur des échantillons de selles de patients français dans lesquels des bacilles de tuberculose ont été introduits volontairement. Cette étude a permis le développement d’une méthode simplifiée qui peut être utilisée sans filtration ni centrifugation des échantillons car elle est basée sur une sédimentation naturelle après adjonction de la solution de sucrose. « Un gradient de densité se crée au sein du tube et les bacilles, plus légers, sont récupérés au niveau du surnageant », livre Manon Lounnas. De plus, cette méthode comporte moins d’étapes et donc moins de risques de contamination des échantillons entre eux ou d’infection des manipulateurs par un échantillon contenant des agents infectieux. Si cette méthode simplifiée a le potentiel d’améliorer le diagnostic bactériologique de la tuberculose infantile, elle doit encore être testée en conditions réelles sur des échantillons d’enfants avec une présomption clinique de tuberculose. Les équipes des UMR MIVEGEC et UMI TRANSVIH MI coordonnent une 2e étude qui aboutira début 2022 et qui est menée en Ouganda avec Epicentre et en Zambie avec l’université de Lusaka. Si cette étude confirme les bons résultats obtenus dans la 1e étude in vitro, cette méthode pourra être intégrée au manuel de recommandations de l’OMS. L’étape suivante consistera à développer, avec des ingénieurs biomédicaux, un kit simple et rentable pour faciliter son utilisation dans les centres de santé des pays à ressources limitées.
Publication : Lounnas, M., Diack, A., Nicol, M.P., Eyangoh, S., Wobudeya, E., Marcy, O., Godreuil, S., Bonnet, M. 2020. Laboratory development of a simple stool sample processing method diagnosis of pediatric tuberculosis using Xpert Ultra, Tuberculosis, 125, 102002, https://doi.org/10.1016/j.tube.2020.102002
Aller plus loin :
- Journée mondiale de la tuberculose
- Actualités de TB-Speed
- Portrait IRD le Mag' Maryline Bonnet : de la médecine humanitaire à la recherche clinique
Contacts science :
Manon Lounnas, IRD, UMR MIVEGEC MANON.LOUNNAS@IRD.FR
Maryline Bonnet, IRD, UMI TRANSVIHMI, MARYLINE.BONNET@IRD.FR
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Source : https://www.ird.fr/faciliter-l...