Eve Miguel : encourager les jeunes femmes à faire de la science
Publié par IRD Occitanie, le 3 mars 2023 560
Chargée de recherche à l'IRD (MIVEGEC), Eve Miguel est spécialiste en écologie et épidémiologie. Affectée au Zimbabwé, elle est coordinatrice scientifique du projet HUM-ANI. Elle répond à nos questions dans le cadre du plan d’action égalité de l’IRD à l’occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science.
Quel parcours vous a amenée à prendre les fonctions que vous avez aujourd'hui ?
Après un IUT en analyse biologiques à Montpellier, je me destinais à l’enseignement mais le cours d’écologie fonctionnelle du Pr Doyle Mc Key (en M1) m’a donné envie de continuer. Mon stage de M2 au Zimbabwé a été déterminant puisque c’est là-bas que j’ai fait ma thèse sur la transmission de maladies des buffles vers le bétail. Ma recherche de financements pour trouver un contrat après mon master et une thèse m’a conduit - après l’envoi d’une nombreuses candidatures - à travailler sur la grippe aviaire au Cirad puis à réaliser 3 post-doctorats successifs : le premier à l’Impérial College de Londres sur la tuberculose bovine, le second au Cirad sur la transmission du MERS-CoV? entre dromadaires et humains, le dernier au sein de MIVEGEC sur des approches innovantes en matière de prévention contre le paludisme, encadré par Benjamin Roche. J’ai finalement postulé à l’IRD sur un profil de poste de chercheuse dédié à l’écologie de la transmission inter-espèces. J’ai réussi le concours et suis titularisée depuis fin 2018 à MIVEGEC. Grâce au Labex CEMEB, nous avons pu lancer un projet pilote WHISHES sur le contact entre faune et bétail en Afrique australe et les risques infectieux associés. Aujourd’hui nous développons sur le terrain au Zimbabwe le projet HUM-ANI sur ces mêmes thématiques. Pour avancer dans un parcours scientifique, il faut de la persévérance mais c’est aussi l’occasion de belles rencontres motivantes !
L’égalité femmes-hommes, comment l'interprétez-vous dans le milieu scientifique ?
Personnellement, en tant que femme, je n’ai jamais eu de problèmes dans mon cadre professionnel. J’estime qu’en France la prise en compte du frein que peut représenter la maternité dans une carrière scientifique existe : mon jury de recrutement, qui était mixte, a très certainement tenu compte du nombre de publications exigé afin ne pas me pénaliser à cause de ma grossesse pendant le post-doc. Enfin je l’espère. Il reste que la science est un milieu compétitif et incertain et que ce n’est pas toujours facile de concilier vie professionnelle et vie privée. Il me parait évident que le dialogue est plus sain quand la mixité augmente dans les équipes scientifiques.
Avez-vous un exemple - dans votre vie professionnelle ou celle d’une proche - qui pourrait illustrer la notion d'empowerment des femmes ?
Le partage de la charge mentale dans un couple est un combat de tous les jours – pour les hommes comme pour les femmes – mais en étant force de proposition, on peut faire évoluer les choses. Par exemple au Zimbabwé, les horaires de l’école de nos enfants n’étaient pas conciliables avec deux parents qui travaillent, aussi j’ai initié un collectif de parents pour demander au directeur d’établissement de créer un centre aéré qui complétait le temps d’accueil des enfants l’après-midi. D’ailleurs au Zimbabwé, la place de la femme est respectée.
Pensez-vous que la place des femmes dans la science est en train d’évoluer dans le bon sens ?
Oui cela va dans le bon sens, en tous cas en France. Dans le domaine de l’écologie et de l’épidémiologie, les femmes sont très représentées. Par contre le milieu de la conservation de la faune sauvage est encore très marqué par de fortes personnalités masculines… Et dans d’autres pays où les schémas sociaux sont différents, la position de femme scientifique n’est pas toujours évidente. Il faut savoir garder confiance en soi. Il y a une grande variabilité individuelle dans la façon de gérer cela. Le plafond de verre existe toujours et restera tant que des cadres ne sont pas posés.
Pour vous, qui ou quels sont les alliés nécessaires pour faire avancer l’égalité de genre ?
L’éducation bien sûr, en se posant la question « Quel modèle de société veut-on ? ». Il faut aussi des structures aidantes car il reste encore à améliorer le partage des tâches entre femmes et hommes. Sans parler des inégalités de salaire.
Quelle émotion est votre moteur ?
Je suis résiliente, je ne baisse pas les bras (j’ai soumis mon projet de recherche 13 fois pour obtenir un financement), je vois le verre à moitié plein. Il ne faut pas se laisser mettre dans des cases.
J’encourage les jeunes femmes à faire de la science !
[Projet] HUM-ANI - Contacts entre humains et animaux et risque infectieux | Site Web IRD