Enseigner pour comprendre les concepts par des analogies courantes
Publié par PLISKINE ROBERT, le 10 avril 2024 300
Expériences – réelles ou imaginaires – et analogies simples pour faire comprendre des concepts complexes.
"Si vous n'arrivez pas à faire comprendre un concept à un enfant de 5 ans, c'est que vous ne le dominez pas complètement." (A. Einstein)
1°/ Expliquer à un élève de 2° (en général 14 ans) qu'un même phénomène peut être perçu de façons très diverses, pour lui faire admettre que le temps puisse être une 4° dimension d'espace qu’on perçoit autrement.
Les ondes électromagnétiques sont toutes de la même nature, et pourtant : les grandes longueurs d'onde (radio, TV) ne sont pas perçues par un humain (sauf électrosensibles ?) ; à la fréquence de 2450 Mhz (micro-ondes) elles brûlent car elles chauffent l'eau du corps ; à des fréquences encore plus élevées (infra-rouge), elles sont perçues comme de la chaleur sur des capteurs de la peau ; de plus en plus élevées, ce sont les yeux qui les détectent par leur couleur du rouge au violet ; au-delà, l'ultra-violet, elles sont détectées par la peau qui bronze ; puis encore plus loin, elles brûlent (coups de soleil), puis en rayons X elles détruisent l'ADN (cancers) et les rayons gamma finissent par tuer. On conçoit donc qu'un même phénomène puisse être observé de façons très diverses alors que sa nature ne change pas.
Qu'est-ce que le temps ? Tout le monde en a une idée, une sensation, mais comment le définir précisément ? J'emprunte sans lui demander l'autorisation car il est mort, cette superbe explication à Stephen Hawkings, un des plus grands génies de l'Histoire des Sciences. Comment sait-on que du temps s'est écoulé ? Parce que l'aiguille d'une montre a tourné, qu'un véhicule a avancé, que la position du Soleil a changé, que le cœur a battu, parce qu'on a lu un texte, qu'une rivière a coulé etc..., en résumé qu'il y a eu des événements. Un événement est quelque chose qui affecte un objet. S'il n'y a pas d'objet, il n'y a pas de temps. De là on peut considérer que le temps est relatif à la présence d'objets, donc à leurs caractéristiques physiques dont la plus évidente est la masse. Il est possible alors de concevoir que chaque objet a son temps propre. Par ailleurs, s'il y a eu un “big bang” au cours duquel la matière a été créée, avant il n'y avait pas de matière et donc pas de temps. Le temps a commencé quand la matière a commencé à exister. De même que si l’Univers est limité il n'y a rien au-delà, même pas d’espace vide.
2°/ Les spectres lumineux et la composition chimique.
Extrait d’un « Dictionnaire de la bêtise » en cours d’écriture mais qui prend chaque jour du retard sur l’actualité à cause sa production continue et universelle.
Tribune de l’Assemblée Nationale. Le député et grand savant Arago dans un grand élan lyrique s’enflamme « Et jamais on ne saura ce qui se passe dans ces étoiles lointaines ! ». La même nuit, en Allemagne, Fraunhofer inventait le spectroscope et découvrait les spectres qui permettent d’analyser la lumière des étoiles et d’en connaître la composition et ce qui s’y passe.
"Never say never", disent les Anglais.
Comment expliquer à un élève de 2° pourquoi les spectres lumineux sont différents d'une espèce chimique ou physique à l'autre, pourquoi ils sont caractéristiques de cette espèce et pourquoi les spectres d'émission et d'absorption sont identiques par leurs longueurs d'onde ?
Note très importante : le dispositif ci-dessous est un schéma de principe. Il est réalisable avec des moyens limités par n'importe quel bricoleur d’un établissement scolaire. Le but de cet article comprenant la description de l'appareil est strictement pédagogique et ne saurait avoir le moindre aspect commercial. Aucun brevet n'est pris pour ce dispositif et son descriptif a pour but d'empêcher quiconque de prendre un brevet et/ou d'en tirer une exploitation commerciale. Pour l’utiliser gratuitement, citer simplement que j’en suis l’auteur.
Pour cela, on va utiliser un objet de la vie courante des ados, un billard électrique. La table comporte des trous, et l’arrêt de la bille sur ce trou permet de marquer des points. Nous allons fabriquer un tel objet très simplifié. Au lieu de trous où tombe la bille, une ligne de détecteurs de position (voir schéma de principe en fin d'article), et au niveau de la “rampe de lancement”, un détecteur de vitesse.
Pour la personne qui n'a jamais joué à ce jeu, rappel du descriptif et du fonctionnement. Pour simplifier, on néglige les frottements d'ailleurs très faibles, ainsi qu'en première approximation on néglige les perturbations créées par les dispositifs de mesure et leur précision. Seul compte le principe pour la compréhension de l'exposé. Pour plus de précisions sur la réalisation pratique et limiter les effets parasites, me consulter.
Dans sa version de base, c'est un plateau plat incliné, dont la partie haute a une forme circulaire. En bas un droite un lanceur se compose d'une tirette à ressort qu'on comprime plus ou moins, et qui lance la bille avec une vitesse dépendant de la compression du ressort (donc de son énergie élastique transformée en énergie cinétique). La bille monte, suit l'arrondi du plateau jusqu'à l'endroit ou sa vitesse verticale est nulle, et tombe alors librement en décrivant une courbe d'allure parabolique. Pour chaque énergie il y a une courbe différente et donc caractéristique. En clair, si la bille suit une courbe donnée, c'est qu'elle avait une énergie donnée et celle-là seulement.
On mesure la position de chaque courbe avec un dispositif classique de résistance, appliqué par exemple pour mesurer la hauteur de liquide dans une cuve. Ce dispositif est constitué de deux fils résistants parallèles horizontaux qui barrent le plateau, et d'un ohmmètre. Quand la bille touche les 2 fils, elle les court-circuite et la résistance de l'ensemble est proportionnelle à la longueur des fils aller et retour jusqu'à ce point de contact. On a ainsi une détection précise de l'endroit où est passée la bille, et en conséquence la mesure de son énergie.
On mesure les vitesses au départ du lanceur et au passage à la même altitude au retour par un détecteur constitué de 2 fils conducteurs reliés à un chronomètre précis. Connaissant la distance entre les fils et le temps de parcours, on en déduit la vitesse. On peut ainsi vérifier que la vitesse de la bille est la même à la même altitude à la montée et à la descente (conservation de l'énergie), que ce soit quand la bille absorbe de l'énergie en montant ou la restitue en descendant, à la même altitude la vitesse est la même.
Note pour réalisation pratique, pour simplifier la conception et le montage ; les 2 fils du détecteur de position et les 2 fils du détecteur de vitesse sont placés sur une platine horizontale au même niveau, celui du lanceur. On peut avoir les 2 fils les plus proches de chacun reliés à une masse, et les 2 fils extrêmes reliés l’un à l'ohmmètre l’autre au chronomètre. Cela ne fait que 3 fils à tirer pour les appareils de mesure et une seule platine à installer.
En résumé, à chaque position d'un contact correspond une énergie et une seule. Donc on peut "étaler" les diverses énergies des billes par leur position sur le détecteur horizontal et la disposition de chaque point de passage constitue un "spectre d'énergies". Si on lance des rafales de billes, seuls les points correspondant à l’énergie de chacune sera activé (spectre d’émission), et si on bloque, par exemple par petit objet collé, uniquement les points en question et qu’on lance des rafales de billes contenant les mêmes que précédemment et d’autres aléatoires, seules les billes de vitesse / énergie identiques à la première expérience seront arrêtées (spectre d’absorption).
A l’attention des amateurs de billard électrique, flippers, babasses etc… le même raisonnement s'applique à un vrai où les trous (qui remplacent les détecteurs) sont répartis de façon très diverse. Quiconque a joué avec sait qu'il n'y a qu'une position du lanceur pour faire arriver la bille dans un trou donné. C’est la même raison : pour une vitesse de la bille donnée et compte tenu de la forme du plateau, il y a uniquement une trajectoire et un trou, réciproquement pour un trou donné il n’y a qu'une trajectoire possible, qui ne peut être obtenue que pour une seule position du lanceur.
Transposition aux spectres lumineux.
En première approximation, la lumière est produite par des échanges de niveau d’énergie des électrons entre les couches d'un atome ou d'un ion. Chaque différence de hauteur correspond à une différence d'énergie. Comme la couleur est la perception que nous avons de l'énergie d'un photon (grain de lumière), à chaque différence d'énergie correspond une couleur, et donc une raie sur un spectre. Comme tous les atomes et tous les ions ont des structures électroniques différentes, les différences d'énergie et donc les couleurs / raies sont différentes et caractéristiques. On peut considérer qu'un spectre est la carte d'identité d'une entité.
De même qu’au billard électrique la position de chaque contact correspond à une énergie, et si la bille passe dessus, c'est qu'elle a cette énergie, de même la position d’une raie d’un spectre correspond à une énergie / couleur et si une raie a cette position c’est qu'elle correspond à une énergie/couleur.
Sur un spectre, que ce soit en émission (l'entité émet de la lumière) ou en absorption (l'entité absorbe de la lumière), l'énergie est la même ; la couleur / raie émise (lumière sur un fond noir) ou absorbée (raie noire sur un fond blanc) est identique. Si un objet chaud (étoile par exemple) émet de la lumière en fonction de ses éléments constitutifs, son spectre sera celui émis par ces éléments, qui seront donc identifiés. Si un corps froid transparent est traversé par une lumière blanche, il absorbera les couleurs/ ondes correspondant à sa composition, et aura donc la couleur complémentaire, ce qui permet d'identifier sa composition.
C’est le principe de l’analyse spectrale.
Note : pour avoir des mesures rigoureuses et en tirer des conclusions précises, il faudrait calculer les incertitudes sur la position des contacts, et prendre pour distance dans la mesure de vitesse la longueur d’arc de parabole et non la distance entre les fils contacts, mais le but de cet « objet » est de faire comprendre un concept et non de servir à construire un véritable appareil de mesure scientifique.
3°/ Influence de la procédure de mesure sur le phénomène à mesurer.
Il ne s’agit pas des erreurs et/ou incertitudes sur les mesures elles-mêmes, mais le fait que la mesure modifie le phénomène.
On va mesurer la vitesse d’une réaction chimique exothermique (qui dégage de la chaleur) à l’aide d’un calorimètre. Dans cet appareil très courant on mesure le dégagement de chaleur en l’absorbant par un fluide caloporteur très bien identifié, H2O très pure par exemple et en mesurant l’augmentation de température avec un thermomètre.
Supposons une réaction entre 2 liquides (solutions par exemple). Le récipient contenant ces deux réactifs est entouré d’une enceinte contenant de l’eau. On plonge un thermomètre, soit dans le milieu réactionnel, soit dans l’eau. Dans les 2 cas, la chaleur de réaction va chauffer le milieu et se transmettre par conduction à l’eau. Avant de commencer, on étalonne le dispositif pour mesurer la chaleur spécifique (ou capacité calorifique) de l’installation, récipients, thermomètre, liquides.
On mélange les 2 réactifs. Va-t-on observer 2 courbes de montée en température identiques ou différentes selon la position du thermomètre ? Pourquoi y aurait-il une différence ? Parce que, si la chaleur spécifique de l'ensemble est la même et indépendante de la position du thermomètre, celle du milieu réactionnel n'est pas la même avec ou sans le thermomètre. Si l'échauffement du thermomètre est le même en fin de réaction car la chaleur dégagée par la réaction aura été répartie uniformément dans les 2 parties du dispositif, durant la réaction le milieu réactionnel doit chauffer aussi le thermomètre qui est plongé dedans et absorber une partie de l’énergie, et pas si le thermomètre est dans l'enceinte extérieure.
Comme la vitesse d'une réaction augmente avec la température (pour se fixer les idées, elle double à chaque fois que la température augmente de 10° C), la montée en température du mélange réactionnel étant plus lente, la vitesse de la réaction est diminuée.
Cet exemple montre que, dans certains cas le processus de mesure modifie le processus à mesurer.
La transposition directe à la mécanique quantique serait abusive, mais on peut garder le concept de cette interaction.