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Dans les cacaoyères, difficile compromis entre stockage du carbone et production de cacao

Publié par IRD Occitanie, le 6 décembre 2024   160

Une équipe franco-ivoirienne – dont des scientifiques de l’UMR Eco&Sols – a réalisé le bilan carbone d’une cacaoyère en Côte d’Ivoire. Leurs résultats sont en demi-teinte : maximiser le stockage du carbone en plantant des arbres entre les cacaoyers a des effets non négligeables sur la production de cacao.

Effets contrastés des légumineuses arborescentes sur le bilan carbone dans une agroforesterie cacaoyère de 20 ans en Côte d'Ivoire. Résultats publiés dans la revue Geoderma Regional.

© IRD - Brahima Silué

La culture du cacao, moteur de la déforestation

Chocolat au lait ou chocolat noir, la matière première de ces deux friandises très appréciées proviennent des cabosses, les fruits du cacaoyer. La culture du cacao1 – enjeu économique majeur pour la Côte d'Ivoire – s’est faite au détriment des surfaces forestières, comme pour d’autres pays producteurs. Les acteurs de la filière recommandent l'agroforesterie comme moyen de produire plus durablement les fèves de cacao tout en contribuant à lutter contre le changement climatique grâce au stockage du carbone. Concrètement, cela consiste à cultiver les cacaoyers en association avec d'autres espèces ligneuses, soit en maintenant des essences forestières soit en plantant d’autres arbres aux cotés des cacaoyers. Les arbres associés fournissent divers services écosystémiques : de l'ombre pour les cacaoyers, des coproduits sources de revenus supplémentaires pour les petits producteurs, reconstitution du sol par la chute de leurs feuilles qui forment une litière dont la décomposition libère des nutriments. De plus, certaines essences de la famille des Légumineuses sont dites « fertilitaires » car elles améliorent la fertilité des sols en fixant l’azote de l’atmosphère. « Dans la littérature, les avis concernant les avantages et inconvénients de ces systèmes de production sont contradictoires, avance Lydie Lardy, agro-écologue à l’IRD (UMR ECO&SOLS). Nous avons donc réalisé le bilan carbone d’une cacaoyère en système agroforestier. »

© IRD - Dominique Masse

Association de cacaoyers avec des légumineuses arborescentes

Les scientifiques ont bénéficié d’un contexte très favorable car l’expérimentation lancée par le Centre National de Recherche Agronomique (CNRA) de Côte d’Ivoire en 1998 à la Station de recherche de Divo, était toujours en cours. « L’objectif était d’évaluer la croissance et la production de cacaoyers associés à deux espèces de légumineuses d'ombrage, Albizia lebbeck (AL) et Acacia mangium (AM) », expliquent Armand Koné, enseignant chercheur agroécologue de l’Université Nangui Abrogoua (UNA) et Dominique Masse, agro-pédologue de l’IRD, qui ont codirigé la thèse de Brahima K Silué, doctorant en sciences du sols à l’UNA. La présente étude, soutenue par le projet SoCa2, visait à vérifier dans quelle mesure l’association avec des arbres peut contribuer à atténuer les effets négatifs de la déforestation en matière de carbone. La capacité d'un système agroforestier à stocker des niveaux significatifs de carbone varie en fonction des espèces végétales, de la densité et de l'âge des arbres. Ce dispositif expérimental a permis d'évaluer le bilan carbone total - biomasse des arbres + litière + carbone organique du sol - du système sol-plante sur 20 ans et de tester l'hypothèse d'un impact positif des légumineuses d'ombrage sur ces différents stocks de carbone.

Cacaoyère, Côte d'Ivoire

© IRD - Tiphaine Chevallier

Des résultats mitigés à affiner

Si A. mangium a significativement augmenté le stock total de carbone, il a un impact négatif sur la biomasse des cacaoyers et le stock de carbone du sol dans la couche 0-60 cm. « En effet, les feuilles de cette espèce sont riches en composés[note 3] qui gênent la décomposition de la litière et sa transformation en matières organiques », rapporte Brahima K Silué. Avec un taux de décomposition annuel de 40 à 60 % supérieur à l’autre espèce, Albizia lebbeck a un effet positif sur les stocks de carbone en raison de la meilleure qualité de sa litière. Au vu de ces résultats, le choix d'AM pour les systèmes agroforestiers cacaoyers serait une approche intéressante pour l'atténuation du changement climatique mais pas du point de vue du producteur de cacao, car elle affecte négativement à la fois la biomasse du cacaoyer et le rendement en fèves. Pour créer un système multifonctionnel qui profite à la fois à l'environnement et aux agriculteurs, AL semble plus prometteur. Le choix des arbres compagnons des cacaoyers a donc toute son importance et nécessite des études explorant les performances d’un plus large éventail d’espèces. 


Notes :

  1. Theobroma cacao L. 
  2. Financé par la Fondation BNP Paribas à travers son initiative Climat 2017
  3. Tanins, lignine et polyphénols


Publication : Silue B. K., Koné A. W., Masse D., Moulin Esmard P., Kotaix A. J. A., Chapuis Lardy L. 2024. Contrasted effects of shade tree legumes on soil organic carbon stock and carbon balance in 20-year cacao agroforestry, Ivory Coast. Geoderma Regional, 37, e00807 [10 p.] https://doi.org/10.1016/j.geodrs.2024.e00807

Contacts science : Dominique Masse, IRD, UMR Eco&Sols, dominique.masse@ird.fr

Armand Koné, Université Nangui Abrogoua, konearmand@yahoo.fr 


Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet communication.occitanie@ird.fr

Source : https://www.ird.fr/dans-les-ca...