Cyrille Delpierre : de la soif d’apprendre à l’envie de transmettre ses connaissances
Publié par Cyrielle Gualandris, le 23 décembre 2021 1.8k
Article rédigé par Cyrielle Gualandris, étudiante en M2 Communication et Culture Numérique, dans le cadre de la série “Portraits de bénévoles”.
Depuis 2008, il travaille au Centre d'Epidémiologie et de Recherche en santé des POPulations (CERPOP) à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur les inégalités sociales en santé et, plus particulièrement, dans le cadre des maladies chroniques et des cancers. Cyrille Delpierre est un épidémiologiste aussi passionné que passionnant pour qui la communication auprès du grand public est essentielle.
Une passion pour la recherche
Après sa licence en biologie, Cyrille Delpierre a souhaité poursuivre ses études : “j’aime me poser des questions, qu’importent les disciplines”, explique-t-il. C’est ainsi qu’après des recherches quant à son orientation, il décide de se tourner vers l’épidémiologie pour sa maîtrise et son diplôme d'études approfondies (DEA) avant d'obtenir son doctorat de Sciences en épidémiologie de l’Université de Toulouse III avec comme sujet de thèse “Dépistage tardif de la séropositivité pour le VIH. : facteurs de risque dans deux études nationales (ANRS-EN12-VESPA, Nadis)”.
Une recherche en lien direct avec le grand public
Les recherches de l’équipe Equity, dont Cyrille Delpierre est co-responsable avec Mme. Michelle Kelly-Irving, portent sur les Inégalités Sociales de Santé (ISS) : il s’agit d’étudier les déterminants sociaux de santé qui vont être communs à de nombreuses pathologies. Grâce à ces recherches, on constate qu’une maladie ne sera pas contractée de la même façon en fonction des personnes et de leurs classes sociales. “Ce sera souvent certaines populations avec certaines caractéristiques qui seront touchées, comme on a pu le voir avec la Covid”, précise Cyrille Delpierre. Outre les caractéristiques des populations, les membres du laboratoire vont aussi s’intéresser au milieu social dans lequel évoluent les individus, celui-ci impactant la façon dont le corps réagit. Toutefois, ces recherches ne sont pas toujours aisées à mener, du fait du manque de données sociales utilisables : “ce qui est compliqué avec les ISS, c’est qu’il y a peu de données exploitables. Or, quand il s’agit du milieu et l’environnement social, c’est tout de suite plus compliqué d’avoir de bonnes données”, déplore Cyrille Delpierre.
L’objectif de ces recherches ? Contribuer aux politiques sociales et de santé en accompagnant les décideurs politiques avec des travaux interdisciplinaires. En effet, en croisant des disciplines comme l’épidémiologie, la psychologie ou encore la sociologie, grâce la recherche interdisciplinaire menée au sein de l’Institut Fédératif d’Études et de Recherches Interdisciplinaires Santé Société (IFERISS), on obtient des travaux avec un regard pluridisciplinaire permettant une vision panoramique d’une question. Cette ouverture permet ainsi d’accompagner au mieux la réduction des ISS.
L’importance du partage de connaissances
Situé à la Faculté de Médecine de Purpan, entre le Quai des Savoirs et le Muséum de Toulouse, cette localisation du laboratoire est primordiale pour Cyrille Delpierre. En effet, les Allées Jules Guesde représentent cette porte d’accès vers le grand public, une ouverture vers la population, au cœur de la recherche du laboratoire.
En travaillant sur les ISS, l’équipe de Cyrille Delpierre a pu appliquer sa méthodologie de recherche à la Covid durant la crise sanitaire. Dès mars 2020, l’équipe avait alors ses hypothèses de recherche mais n’a pas pu les vérifier avant l’été 2021 à cause du manque de données sociales : “ce qui était frustrant, c’est qu’on ne pouvait pas réfuter ou ne pas réfuter nos hypothèses car nous n’avions pas accès aux données pertinentes. Les données que nous avons pu exploiter [durant l’été 2021] sont venues appuyer des hypothèses que nous avions depuis mars 2020”, explique Cyrille Delpierre.
Pour lui, il est important que les scientifiques et les chercheurs soient visibles dans des périodes comme celle-ci afin de diffuser l’avis de la communauté scientifique au grand public : "les scientifiques ont un rôle social mais ne sont pas forcément formés à cet exercice et, parallèlement, les journalistes ne sont pas assez formés en sciences”, complète-il, “il y a une méconnaissance général des métiers de la science, il est donc important que les scientifiques soient visibles mais également qu’ils soient interrogés sur leurs sujets de compétences”.
Pour Cyrille Delpierre, la vulgarisation est importante car elle fait partie du travail des chercheurs publics. Elle l’est d’autant plus dans son domaine de recherche qui touche directement la population : “c’est beaucoup plus facile de communiquer et d’intéresser le grand public sur les ISS que dans des sciences fondamentales”. Dans cette optique, les chercheurs de l’Inserm sont mobilisés et participent à de nombreux événements pour diffuser leurs connaissances et rencontrer la population. Parmi eux, on retrouve la Nuit européenne des chercheurs ou encore les cafés du quai durant lesquels ils peuvent intervenir sur des thématiques variées en lien avec leurs sujets de recherche. Cyrille Delpierre a également l’occasion d’intervenir durant des temps d’échange et de sensibilisation dans les Universités ou encore dans les établissements du secondaire. “On voit une évolution dans la recherche : avant, on s’intéressait beaucoup plus à la production de connaissances et la valorisation par des publications ou des brevets. Maintenant, les critères d’évaluation des chercheurs incluent également la diffusion, la formation et la recherche par la recherche (le nombre de doctorants encadrés). Désormais, on a plus cette dimension sociale du chercheur qui partage ses connaissances.” explique-t-il.
Bien que la vulgarisation des sciences soit importante, le meilleur moyen de susciter l’intérêt pour les sciences, selon Cyrille Delpierre, c’est de donner l’envie des sciences et de montrer qu'elles sont accessibles à toutes et tous. Cet intérêt se crée dès l’école, mais se poursuit également avec les travaux de recherche participative, permettant de créer un lien entre la recherche et la société civile. “Susciter l’intérêt passe également par la valorisation de la recherche. Notre pays est l’un des seuls dans lequel le terme “docteur” est flou et veut dire à la fois médecin et titulaire d’un doctorat, alors que ce diplôme et le titre de docteur en sciences qui va avec est le seul reconnu partout dans le monde” constate Cyrille Delpierre.