Covid : Surveiller les chauves-souris africaines pour prévoir les futurs risques d’émergence
Publié par IRD Occitanie, le 22 janvier 2021 1.1k
Financé par l’appel «Flash» de l'ANRS Covid-19 Sud, le projet Bat-CoV se penche sur la « Prévalence, diversité génétique et distribution géographique des coronavirus chez les chauves-souris sauvages afin d’évaluer le risque pour de futures transmissions zoonotiques ».
Martine Peeters, Directrice de recherche à l’UMI TransVIHMI et Alpha Kabinet Keita, Directeur Adjoint du Centre de Recherche et de Formation en Infectiologie de Guinée (CERFIG) et chercheur à l’université de Montpellier, porteurs du projet, répondent à nos questions.
Quels sont les enjeux de ce projet ?
La majorité des maladies émergentes infectieuses est d’origine zoonotique. Plus précisément, 70 % d’entre elles sont causés par des agents pathogènes provenant de la faune sauvage. L’épidémie actuelle de COVID-19 due au virus SARS-CoV-2 illustre clairement les conséquences d’une seule transmission inter-espèce avec un coronavirus (CoV) infectant plus 85 millions d’individus dans le monde entier en une année seulement et causant presque 2 millions de décès. Les chauves-souris sont à l’origine d’autres CoVs humains, soit directement, soit en tant qu’hôte intermédiaire. Les contacts entre l’Homme et les chauves-souris sont variés et augmentent avec les changements environnementaux et climatiques. Par conséquent, il est maintenant plus que crucial de documenter la prévalence? et la diversité génétique des coronavirus présents chez les chauves-souris. En conséquence, l’objectif général du projet est de collecter ces données sur les CoVs ayant une forte probabilité d’émergence d’infections zoonotiques en Afrique de l’Ouest et centrale où une grande diversité d’espèces de chauves-souris est chassée et consommée. Les objectifs spécifiques sont (i) documenter la diversité génétique et l’évolution des coronavirus chez les chauves-souris africaines; (ii) développer un test sérologique à haut débit pour étudier les anticorps à différents coronavirus et estimer la prévalence des coronavirus chez différentes espèces de chauves-souris et (iii) étudier la saisonnalité des infections de coronavirus chez les chauves-souris.
Quelle en est l’originalité ?
Il s’agit de la première étude à grande échelle sur la présence de coronavirus chez les chauves-souris en Afrique (Cameroun, Guinée, République Démocratique du Congo, Zimbabwe) qui utilisera les mêmes techniques moléculaires et sérologiques afin de pouvoir comparer les résultats par région géographique, environnement écologique, et également par espèce. De plus, nous utilisons l’approche One Health? et veillons à privilégier des techniques non-invasives, sans sacrifier d’animaux.
Sur quelles connaissances antérieures votre équipe s’appuie-t-elle ?
Nous surveillons la circulation d’agents pathogènes dans la faune sauvage selon une approche One Health et multidisciplinaire depuis 2000 avec des partenaires de plusieurs pays africains. Notre équipe a une expertise en études épidémiologiques sur la faune sauvage (recherche d’agents pathogènes dans les féces?, relâcher des chauves-souris après capture et prélèvement). Nous avons aussi une expertise de longue date dans le développement d’outils sérologiques et moléculaires pour identifier de nouveaux agents pathogènes. Nous avons déjà effectué une étude pilote en Guinée sur 319 chauves-souris. Trente-cinq d’entre elles - soit 11% - se sont révélées porteuses d’un coronavirus. Elles appartenaient à diverses espèces et cohabitent avec les humains. Lors de nos études antérieures sur l’origine zoonotique d’autres pathogènes chez les chauves-souris, [épidémie Ebola] nous avons acquis des échantillons (sang séché sur papier buvard, écouvillons oraux et rectaux, fèces) de plus de 10 000 chauves-souris dans leur habitat naturel. Ce précieux matériel permettra des analyses rétrospectives sur les CoVs et favorisera l’obtention rapide de résultats significatifs.
Comment se partage le travail de recherche avec le porteur Sud ?
Les analyses seront réalisées dans les laboratoires de nos partenaires au Cameroun, République Démocratique du Congo, Guinée et Zimbabwe avec transfert des technologies développées dans le cadre du projet Bat-CoV.
Quels sont les résultats attendus ?
Cette étude fournira rapidement des informations clés sur la diversité génétique des coronavirus chez les chauves-souris en Afrique et des estimations sur leur prévalence. L’étude apportera des connaissances importantes sur la proportion de chauves-souris qui seraient porteuses de CoVs et excrétant le virus dans l’environnement, ainsi que sur les saisons qui sont les plus à risque pour les transmissions zoonotiques. Les informations obtenues contribueront également à l’élaboration d’une plate-forme diagnostique basée sur un panel d’antigènes couvrant autant que possible la diversité des coronavirus. Elle permettrait l’identification de nouveaux coronavirus circulant chez l’Homme ainsi que le développement de vaccins à large spectre ou de médicaments antiviraux.
En quoi votre recherche répond-elle à la science de la durabilité ?
Le projet répond à la science de la durabilité par son approche multidisciplinaire (études de terrain, écologie, virologie) et impliquant de nombreux partenaires (IRD, CIRAD, CREMER au Cameroun, CERFIG en Guinée, INRB en RDC, Université de Zimbabwe). Il s’agit donc d’approches locales pour répondre à des questions majeures en santé publique ayant des conséquences globales.
Contacts science : Martine Peeters, IRD, UMR TRANSVIHMI MARTINE.PEETERS@IRD.FR
Alpha Keita, CERFIG ALPHA-KABINET.KEITA@IRD.FR
Contacts communication :
Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Source : https://www.ird.fr/projets-cov...