Covid - Associations et acteurs communautaires : partenaires incontournables de la réponse
Publié par IRD Occitanie, le 5 février 2021 810
Financé par l’ANRS dans le cadre de l’appel à projet flash COVID-19 SUD, le projet CORAFMOB s’intéresse aux « Mobilisations communautaires et enjeux socio-sanitaires face au COVID-19 (Sénégal, Burkina Faso) ».
Alice Desclaux, anthropologue IRD à l'UMI TransVIHMI, et Khoudia Sow, anthropologue au Centre Régional de Recherche et de Formation à la Prise en Charge Clinique de Fann (CRCF, Dakar), co-porteuses de CORAFMOB, répondent à nos questions.
Quels sont les enjeux de ce projet ?
L'implication des acteurs communautaires, membres d’Organisations à Base Communautaire (OBC) ou agents de santé (bénévoles, médiateurs ou contractuels), en première ligne dans la réponse aux épidémies de sida et d’Ebola, a contribué à leur contrôle. Partant de ce constat, l’objectif principal de ce projet de recherche opérationnelle est de renforcer la réponse contre le COVID-19 en documentant et analysant les mobilisations communautaires et leurs enjeux socio-sanitaires au Sénégal et au Burkina Faso.
Les objectifs secondaires sont de décrire et comparer dans les deux pays :
- les reconfigurations communautaires individuelles et collectives liées au COVID
- l’impact du COVID et des mesures de réponse sur les acteurs communautaires et leur adaptation
- les modèles de mobilisation et domaines d’implication des OBC, leurs acquis et limites
- les interventions des acteurs communautaires liées au COVID dans le système de soins et interactions entre acteurs communautaires et médicaux
Quelle en est l’originalité ?
Nous analysons la réponse à cette épidémie en « entrant » par les mobilisations communautaires. Nous mettons en œuvre des méthodologies pour comprendre et évaluer leur contribution potentielle (et leurs limites) à tous les piliers de la réponse. Lancée depuis quelques mois, l'enquête exploratoire nous a permis de cartographier les acteurs communautaires intervenant sur le COVID, de collecter des expériences de personnes atteintes du COVID et de documenter les besoins des malades dans un centre de traitement des épidémies. Par la suite, nous avons interrogé des personnes guéries pour préciser les besoins psychosociaux et l'intervention éventuelle d'associations à cet égard à la phase de réinsertion sociale. Dans la phase actuelle d'enquête, nous réalisons des entretiens avec les différents acteurs et observons les évènements (conférences, manifestations, interventions) lors desquels les acteurs communautaires s'expriment.
Sur quelles connaissances antérieures votre équipe s’appuie-t-elle ?
Lors d’épidémies précédentes (VIH, Ebola), nous avions documenté le rôle très important du secteur communautaire, notamment au travers des OBC, dans divers domaines : soins, investigation et suivi des cas suspects, prise en charge des malades, plaidoyer, lutte contre la stigmatisation et pour les droits humains, soutien aux populations marginalisées et vulnérables, participation à la définition des stratégies de santé publique, etc. La place qui leur est accordée dans les dispositifs de riposte à la pandémie de COVID-19 au niveau global (OMS), régional (Africa CDC) ou national, semble différente en termes d’activités et de liens avec le système de santé. Avec le Burkina Faso et le Sénégal, CORAFMOB aborde deux formes d’expérience des épidémies ainsi que de niveau d’implication : au Sénégal, l'initiative vient généralement de l'Etat tandis qu’au Burkina Faso, les OBC ont porté de nombreuses initiatives.
Comment se partage le travail de recherche avec le porteur Sud ?
Avec le Docteur Sow, nous collaborons depuis le début des années 2000 sur des sujets liés aux dimensions sociales des épidémies, comme les questions de genre dans la réponse au VIH ou de politiques ciblées pour les populations vulnérables comme la réduction des risques pour les usagers de drogues. Travaillant toutes les deux au CRCF à Dakar, nous menons ensemble la plupart des activités (réunions, collecte et analyse des données, supervision de juniors, rédaction, etc.). Par ailleurs, le Docteur Blandine Bila est responsable du projet pour le Burkina Faso et nous travaillons également en étroite collaboration.
Quels sont les résultats attendus ?
Après une analyse exploratoire, l’approche qualitative combinera des entretiens, observations et analyses de documents auprès d’acteurs communautaires, d’OBC, d’acteurs sanitaires et de personnes atteintes par le COVID-19, ainsi qu’une collecte des expériences de mobilisation autour du VIH, avec les précautions d’éthique usuelles en sciences sociales (confidentialité, anonymisation, etc.). Les résultats partagés au fur et à mesure permettront de mieux intégrer l’apport du secteur communautaire à la réponse à la pandémie du COVID-19, sur des bases documentées, ce qui améliorera l’efficacité de la réponse et renforcera la confiance des populations.
En quoi votre recherche répond-elle à la science de la durabilité ?
Lors de l'épidémie de sida, l’implication exceptionnelle du secteur communautaire a contribué à améliorer la pertinence de la prévention et à ajuster les soins aux besoins des personnes infectées et affectées, au travers d'actions sur le terrain, de plaidoyer pour la prise en compte des droits humains et de participation à la gouvernance de la réponse. Un autre impact notable a été l’instauration de l'équité dans l'accès au traitement au Nord et au Sud par la mise à disposition des antirétroviraux sur l'ensemble de la planète. Elle a joué un rôle clé pour le contrôle de la circulation du VIH au niveau mondial qui permet aujourd'hui d'entrevoir la fin de l'épidémie en 2030. Or, les acquis de cette expérience n'ont pas encore été utilisés pour répondre à la pandémie de COVID-19 : les dispositifs institutionnels de réponse ouest-africains (comme d’autres régions du monde) ne commencent que fin 2020 - sous la violence de la 2ème vague épidémique - à associer le secteur communautaire aux interventions de soins. L'accès au vaccin reste totalement inégalitaire entre le Nord et le Sud : l’engagement et le plaidoyer communautaire, au niveau ouest-africain et international, vont-ils faire avancer l’accès au vaccin ? Avec CORAFMOB, nous espérons identifier les obstacles et les ressources ou contextes favorables à une implication durable - ou plutôt renouvelée - du secteur communautaire dans la réponse aux épidémies émergentes qui vont se multiplier dans les prochaines décennies.
Aller plus loin :
- Actualité IRD Covid-19 : l'expertise Sud et le partenariat de l'IRD contre la pandémie
- Ouvrage Guérir en Afrique: promesses et transformations
Contacts science : Alice Desclaux, IRD, UMI TransVIHMI ALICE.DESCLAUX@IRD.FR
Khoudia Sow, CRCF, Dakar KHOUDIASOW2@GMAIL.COM
Contacts communication :
Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Source : https://www.ird.fr/projets-cov...