Coup de chaud sur la Méditerranée

Publié par Université de Montpellier UM, le 26 mai 2016   1.8k

Pour les spécialistes du climat, l’heure n’est plus aux spéculations : le changement est là. Et les conséquences sur le paysage régional sont déjà bien visibles.

1,5 degré. C’est l’augmentation de température que l’accord de la COP21 ambitionne de ne pas dépasser. Objectif : limiter les dégâts. Car on a bien compris qu’on ne pouvait pas demander plus. Et pour cause : « les conséquences du réchauffement climatique n’appartiennent plus à l’avenir, elles sont là, sous nos yeux », confirme Eric Servat. Particulièrement dans la région : « le bassin méditerranéen est un hotspot du changement climatique », précise le directeur de l’Observatoire de Recherche Méditerranéen de l’Environnement.

« Le nombre de jours de pluie dans l’année diminue, en 2015 il y a eu une longue période de sécheresse quasi absolue entre début juin et mi-aout », souligne Eric Servat. Un été de braise, propre à la Méditerranée. Et souvent suivi d’un automne diluvien : « l’automne 2014, par exemple, c’est pas moins de 9 événements climatiques importants en Languedoc-Roussillon », comptabilise l’hydrologue. Résumons-nous : des étés de plus en plus chauds et de plus en plus secs, suivis de trombes d’eau dès septembre. Un tempérament typiquement méditerranéen paraît-il. Problème : il s’accentue de plus en plus. Avec des évènements extrêmes qui seront de plus en plus fréquents si l’on en croit les prédictions des chercheurs.

Conséquence de ces bouleversements climatiques : les écosystèmes se modifient à la vitesse d’un torrent en crue. Et les espèces qui les peuplent sont obligées de s’adapter, au risque de disparaître. A Montpellier, les chercheurs évaluent l’impact de ces modifications sur la faune et la flore. Et esquissent les nouveaux contours d’une carte de la biodiversité qui est en train de se redessiner.

Arbres migrateurs

Bien campés sur leurs racines, les arbres se mettent pourtant à migrer comme des oiseaux. « Les espèces méditerranéennes vont progresser vers le Nord et grimper en altitude », prédit Isabelle Chuine, du Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive, responsable de l’Observatoire des saisons. Certaines espèces comme le chêne vert ont déjà entamé cette lente migration. « On estime qu’il trouvera un climat favorable à l’horizon 2050… mais très au Nord de la Méditerranée », précise l’écologue. Et pour ceux qui ne déménagent pas, une nouvelle garde-robe s’impose pour affronter la chaleur. «Les chênes de la forêt de Puéchabon, à 30 km Montpellier, ont réduit leur nombre de feuilles ces dernières années, indique Isabelle Chuine. Un moyen pour eux de moins transpirer d’avoir besoin de plus faibles quantités d’eau. »

Vignes en péril

C’est la plus belle vigne sauvage de France : une centaine de pieds accrochés aux contreforts du Pic Saint-Loup. Un patrimoine aujourd’hui en danger : « depuis 2 ans certains ceps se développent mal, ils souffrent du manque d’eau et leur feuillage est brûlé par le rayonnement solaire », déplore Jean-Frédéric Terral de l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier. Avec ces quelques pieds de vigne, c’est l’ancêtre de tous les cépages du monde qui risque de disparaître. Et ses descendants domestiques ne sont pas plus fringants. « Certains cépages plantés dans la région sont en train d’atteindre les limites de leurs exigences climatiques », souligne le spécialiste. Sale temps pour le merlot notamment, cépage précoce qui s’accommode mal de la canicule. « S’il fait trop chaud, tout son cycle est impacté, de la floraison à la fructification. De plus, les vendanges sont de plus en plus précoces, le raisin est de moins bonne qualité et la teneur en alcool des vins augmente, ce qui n’est pas le but recherché », précise Jean-Frédéric Terral. Conséquence : les viticulteurs devront probablement arracher leurs vignes de merlot pour les remplacer par des cépages plus friands de soleil.

Quand bébé mésange paraît trop tôt

Les mésanges charbonnières et les mésanges bleues de Méditerranée sont traditionnellement bien affairées à l’arrivée du printemps. La famille s’est agrandie et elles doivent donner la becquée à de petits oisillons qui, sitôt la coquille fendue, se mettent à zinzinuler à qui mieux mieux. Au menu de ces premiers repas, un mets de choix : les chenilles qui pullulent à la poussée des jeunes feuilles de chêne. Mais avec le réchauffement climatique, ces dernières pointent le bout de leur nez de plus en plus tôt dans l’année, et les jeunes mésanges risquent de rater le festin. « Pour l’instant les mésanges ont trouvé la parade : en un demi-siècle, elles ont avancé leur date de ponte de 2 semaines pour être en phase avec leur ressource alimentaire », explique Anne Charmantier du Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive. « Mais si le réchauffement devient trop intense elles ne pourront pas avancer suffisamment leur date de ponte », prévient-elle. Et leurs oisillons pourraient bien se retrouver le bec dans l’eau…

Des poissons en voie d’expulsion

Et dans l’eau aussi, ça chauffe. « Le Golfe du Lion fait partie des régions les plus froides de la Méditerranée, il sert donc de refuge aux espèces de poissons qui s’accommodent mal de la chaleur, comme le sprat », explique Pierre-Alexandre Gagnaire de l’Institut des Sciences de l’évolution de Montpellier. Problème : ces eaux froides le sont de moins en moins. « En Atlantique les poissons peuvent remonter vers le Nord pour rester au frais, mais en Méditerranée ils se retrouvent vite bloquées », précise le spécialiste. Les populations de sprat méditerranéen risquent donc de fondre comme neige au soleil. « A l’inverse, d’autres espèces font leur apparition comme le poisson-flûte ou le poisson-lapin qui ont fait le voyage depuis la mer rouge par le canal de Suez ». Et qui trouvent à leur arrivée une eau tiède comme ils les aiment.


Photo (c) Lucie Campmas


Retrouvez cet article dans LUM, la magazine science et société de l'Université de Montpellier.

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