Confidences de chercheur

Publié par Morgane Bouterre, le 24 octobre 2016   2.7k

Je pénètre en ce vendredi matin au cœur de la Maison de la Recherche de l’Université de Toulouse Jean Jaurès (UT2J), premier étage au fond à droite, les bureaux de l’unité de recherche du GEODE (Géographie de l’Environnement). Arrivée devant le bureau C125 : porte fermée… Normal, je suis en avance.

10h, mon chercheur arrive finalement, jovial, pour m’ouvrir les portes de son antre. Emplie de cartes et de planisphères en tous genres, je comprends rapidement l’univers dans lequel ce fou de voyages risque de m’embarquer !

Rencontre avec Franck Vidal, Ingénieur de Recherche au sein de l’Unité de recherche du CNRS GEODE, Maison de la Recherche de l’UT2J !

Petit, j’avais un idéal qui était le commandant Cousteau ! Je voulais, moi aussi, plonger pour explorer les océans !

Prédisposé à une carrière scientifique ? Ce n’était pas gagné d’avance… Même si son environnement familial, avec un frère aîné Professeur de Géologie, le préparait déjà à se diriger vers cette voie, une faiblesse en mathématiques le conduira d’abord vers un tout autre domaine : la philosophie…

Baccalauréat en poche, c’est en faculté de psychologie, que ce mordu de sciences entame ses études supérieures.

La passion du voyage comme point d’ancrage

C’est finalement grâce à ses passions pour le voyage et l’exploration, à l'instar du commandant Cousteau, qu’il se dirigea très naturellement vers la géographie, « la science dure des sciences humaines » ! Franck Vidal prendra le large vers ce qui deviendra sa vocation, mais avant cela, les vents le mèneront un peu partout…

Parti de Bretagne, il fila vers le sud : Maîtrise à Nantes, professeur à l’armée dans les Deux-Sèvres, puis spécialisation en Géographie Tropicale et plus particulièrement sur les mangroves à Bordeaux, pour finalement devenir ingénieur en Télédétection (détection par satellites) à Toulouse. C’est lors de sa soutenance de mémoire d’ingénieur à Paris que son début de carrière prendra un virage déterminant. Le directeur du laboratoire présent alors lui proposera une bourse pour réaliser un doctorat au sein de l’Unité de Recherche GEODE.

Un brin chanceux ? Franck Vidal le reconnaît lui-même ! D’autant plus qu’il aura le choix de son sujet de thèse !

Encore une fois, c’est sa grande curiosité qui le poussera à s’engager dans un domaine qu’il ne connait pas encore : l’écologie animale… C’est grâce à une demande de l’Office Nationale de la Chasse du Vaucluse qu'il se retrouve à faire un doctorat sur l’écoéthologie des chevreuils : comment se comportent ces sociétés animales ? Comment les étudier à l’aide d’outils naissants en cette fin des années 80 : les systèmes d’information géographique, les images satellitales, la géolocalisation…


Un parcours atypique...

Conscient que son parcours, pour le moins atypique, ne lui permet pas d’être spécialiste d’un domaine particulier, il s’estime néanmoins chanceux d’avoir acquis ce panel disciplinaire l’orientant naturellement vers la médiation. “ Le grand inconvénient de mon parcours c’est que je ne suis spécialiste de rien ! Mais le grand avantage c’est que je suis aux premières loges pour pouvoir faire de la vulgarisation et de la communication scientifique. Ce qui est assez différent des chercheurs actuels qui ont des spécialités toujours plus pointues . “

... jalonné de trajectoires inverses

Il me démontrera ensuite qu’en plus d’être atypique, son parcours fût loin d’être conforme au monde de la Recherche. En effet, après 12 ans en tant que chercheur au CNRS, Franck Vidal bascule dans le corps des Ingénieurs de Recherche. Ce changement de trajectoire reste assez exceptionnel dans le domaine de la Recherche. Mais rien ne semble déranger cet anti-conformiste, me confiant "ne pas être très à l'aise" pour l'écriture scientifique traditionnelle du chercheur.

En tant qu’Ingénieur de Recherche, son travail sur les banques d’images, la valorisation, la communication pouvait désormais être pleinement reconnus.

La transmission comme penchant

Participant à la Fête de la science depuis presque 10 ans, c’est lors d’une opération de vulgarisation dans les quartiers difficiles de Toulouse que ce grand passionné se retrouva à la fois ému et émerveillé face à des publics défavorisés.

C’est merveilleux de rencontrer un jeune de 10 ans qui trouve extraordinaire de découvrir un pollen et de voir ses yeux s'illuminer lorsqu’il vient de comprendre un fondement scientifique un peu ardu

Ayant peur que la science suscite un désintérêt général croissant, Franck Vidal reste convaincu que le meilleur moyen pour attirer les jeunes vers les sciences est avant tout de les faire rêver. C’est ce qu’il s’efforce de faire à travers son travail de vulgarisation en rendant “spectaculaire” des sciences humaines, telle la Géographie, qui paraissent, à priori, moins accessibles que la plupart des sciences dures.

Rendre les cartes « incroyables » !

Alliant à la fois ses différentes passions que sont le voyage, la géographie et la transmission des savoirs, ce projet est une grande première pour lui !

Une des prochaines expositions du Hall des manips du Quai des Savoirs aura donc pour thème la cartographie. Souhaitant faire découvrir au public les innombrables mystères, anecdotes et vérités cachées de la très longue histoire de la cartographie, F.V conçoit, en ce moment même, cette exposition en deux versions.

L’une “Incroyables cartes, l’atelier” se tiendra au Quai des Savoirs, l’autre “Incroyables cartes, fac-similés” sera exposée au sein de la Maison de la recherche et permettra de découvrir des cartes historiques en taille réelle. Ce dispositif permettra aux publics du Quai des Savoirs de pouvoir compléter sa visite au sein de la Maison de la Recherche, moins accessible.

La cartographie… Un sujet qui peut fasciner tout le monde ?

Pas de doutes à ce sujet, Franck Vidal saura susciter l’intérêt de tous par des points d’entrée plus que séduisants… Avec certaines cartes présentes dans des fictions mondialement connues : Games of thrones, Pirates des Caraïbes, Le seigneur des Anneaux… Mais chut, je ne souhaite pas en divulguer davantage !

De nombreuses anecdotes historiques à peine croyables rendront cette exposition passionnante ! Saviez-vous par exemple qu’il existe encore des zones non cartographiées sur Terre ? Incroyable !

C’est un sujet quasiment intarissable en terme de connaissances. Il fait appel à la géographie, à l’histoire, aux mathématiques, à la géométrie, à l’art, à l’imaginaire, à la perception que les gens ont du monde, etc. Il n’y a pas de limite avec un tel sujet et je pourrais bien réaliser une demi-douzaine d’expositions sur ce même sujet !“. A ces mots, je ressens encore une fois cet inaltérable plaisir à transmettre ses connaissances !

Après plus d’une heure passée avec ce passionné de découverte, une dernière question me vient à l’esprit ! Et si Franck Vidal n’avait pas été scientifique, que serait-il devenu ?

Peut être comique” me confit-il ! Je ne suis qu’à peine surprise à vrai dire. Son aisance orale, son sens de l’humour et sa personnalité communicative me permettent de l’imaginer aisément sur le devant de la scène.

C’est un truc qui me titille depuis des années et d’ailleurs c'est aussi pour ça que j’adore donner des cours, cela me donne l’impression de monter sur scène en quelque sorte “.

Pourquoi ne pas imaginer un nouveau one-man show alliant humour et science ?

Cette dernière réponse me fera mieux comprendre la véritable personnalité de ce scientifique passionné. Ne pouvant se contenter d’être “rangé” dans une seule et unique case, il semblerait que la suite de sa carrière lui réserve encore d’éclatants rebondissements !

Affaire à suivre !

Et d'autres de ses aventures ici !