Comprendre pour apprendre : la Physique du son et de la musique, mais c'est très simple ! 2e partie
Publié par PLISKINE ROBERT, le 5 avril 2024 670
3° partie : Les transitoires.
Pourquoi le son du même violon est-il différent si on pince la corde et qu’on la lâche comme pour une guitare (pizzicati) ou si on la frotte avec un archet ? C’est dû à un phénomène qu’on appelle «les transitoires. »
Reprenons l'analogie avec le départ d'un flot de voitures. Il renferme plusieurs voitures qui chacune démarre à son rythme, et ce n'est qu'au bout d'un instant, quand les contraintes de vitesse et de durée entre deux feux de signalisation ou les ronds-points ont neutralisé les "hors-normes", que le flot ne comporte que des voiture synchrones. De la même façon, le paquet d'énergie qui est appliqué "en vrac" sur l'objet sonore va se transmettre d'un bout à l'autre de façon très diverse selon la façon et l'endroit où il est appliqué. Par exemple, sur une cymbale ou une timbale, selon la façon dont est frappée la surface, l'endroit, le type d'outil (baguettes ou mailloches en bois ou feutrées...), frappée ou frottée, le son sera très différent.
Voyons ce qui se passe.
Au départ, il y a l'ébranlement causé par le coup. Il dépend de plusieurs facteurs :
- Où a-t-il été donné ? Comme les ondes vont aller jusqu'au bord et se réfléchir, seules les ondes stationnaires vont subsister, mais comme la distance entre le coup et le bord dépend de l'endroit où il a été donné, seules certaines fréquences vont se stabiliser. Mais comme à chaque point de la circonférence correspond une distance au coup, et donc une fréquence stable fondamentale, il se crée une infinité d'ondes de toutes les fréquences, ce qu'on appelle un "bruit blanc". Ce bruit blanc est enrichi d'une multitude d'harmoniques créées par la nature (bois, peau, métal) de la surface frappée, de sa forme (les distances jusqu'au bord varient selon le point atteint) et de la durée du coup, de l'excitation (une baguette en bois donne un coup sec, bref, alors qu'une mailloche souple en cuir, par exemple, donne un coup plus long et absorbe une partie des ondes émises. D'où un résultat final très varié).
Ce phénomène est encore plus marqué dans le cas d'une corde pincée (mandoline, oud, violon en pizzicati) ou frottée par un archet. L'état initial de la corde est soit tendue et relâchée, soit lancée. La propagation de l'onde le long de la corde va dépendre de cet état, donc de la création d'harmoniques et le son est modifié de façon radicale. D'autant que pour une corde pincée il n'y a qu'un moment très bref où l'énergie est libérée (quand le musicien la lâche) alors qu'avec un archet l'énergie est transmise sur une durée longue, voire plusieurs secondes, ce qui revient à accrocher faiblement et relâcher la corde plusieurs centaines de fois par seconde par le frottement dû à la colophane. Sans rentrer dans les détails qui nous obligeraient, pour quantifier le phénomène, à nous lancer dans des équations différentielles, on conçoit intuitivement que c'est cette période plus ou moins brève entre l'instant de l'excitation et la stabilisation qui donne le timbre particulier de l'instrument. C'est ce qu'on appelle les transitoires. A ce sujet, une expérience est passionnante : on enregistre le son d'une note de piano tenue et la même note jouée par un violoncelle. On supprime juste la durée des transitoires : on ne distingue plus les deux instruments. Pourquoi ? Parce que dans deux cas il ne reste que le son d'une corde vibrante attachée aux deux extrémités, le même objet sonore.
Ce phénomène de transitoires, donc de variations très rapides de l’intensité sonore, est un problème pour les haut-parleurs. Si une attaque brutale (par exemple un coup de cymbales) fait monter l’intensité de zéro à un niveau élevé (par exemple 120 db) en 1/1000° de seconde, il faut accélérer considérablement la membrane du haut-parleur et la masse d’air devant. Comme on sait depuis Newton (qui n’était pas musicien) que force = masse x accélération, il faut une force élevée. Comme cette force est fournie par le courant dans le bobinage du haut-parleur, il faut un courant très fort pendant une période très courte (« temps de montée ») et donc une très grande puissance de l’ampli. Les haut-parleurs de l’enceinte doivent pouvoir encaisser ce courant sans chauffer ni a fortiori fondre. Heureusement, comme sa durée est très faible, l’énergie est limitée. Par exemple, le haut-parleur de l’enceinte de ma chaîne est indiqué « 1000 watts en pointe» alors que ses fils sont fins. C’est possible car 1000 watts x 1/1000 seconde = 1 joule, égale à une puissance continue de 1 watt durant 1 seconde. Cette quantité d’énergie est absorbée par l’inertie calorifique de l’ensemble et l’ensemble tient le coup. Si le temps de montée de l’ampli et/ou la puissance disponible sont trop faibles, on aura un coup de cymbales mou, faiblard. Pour un piano, qui est un instrument à percussion sur des cordes, chaque musicien connaît l’importance des attaques ; si leur reproduction ne suit pas, l’effet sonore est affaibli et le musicien trahi.
4° partie : les décalages temporels.
Pourquoi les timbalistes et les contrebassistes attaquent-ils leur note avec un peu d’avance par rapport aux autres instruments ? Quelle est la taille maximum d’un orchestre ?
Pourquoi un coup de tonnerre est-il différent si la foudre tombe à côté de nous (c'est valable aussi si elle tombe sur nous, mais on est moins réceptif pour l'analyser) ou très loin alors que c'est le même son au départ, un "bruit blanc" couvrant toutes les fréquences du grondement au cri aigu ? Normal, l'éclair très chaud ionise et dilate brutalement les masses d'air, les repoussant comme le fait la membrane d'un haut-parleur. Mais les compressions / décompressions des gaz, l'onde sonore, ne se déplace pas exactement à la même vitesse selon sa fréquence, les fréquences élevées étant légèrement plus rapides que les basses.
Du coup (si j'ose dire), si on s'éloigne de l'émission, il se produit un décalage entre l'arrivée des aiguës (les plus rapides) et des graves plus lentes. On a donc un bruit blanc, mélange de fréquences élevées, semblable au déchirement d'une étoffe, suivi à un délai variable selon la distance, du grondement sourd des basses qui arrivent. Comme les aigus sont plus facilement absorbés (phénomène de diffraction, entre autres, mais c'est un autre sujet) que les graves qui "contournent" les obstacles, il arrive que le "coup de tonnerre" ne soit plus qu'un grondement grave lointain.
Note historique locale : explosion d'AZF le 21 septembre 2001.
Selon leur position par rapport à l'axe de l'explosion et leur distance par rapport à AZF, les témoins ont entendu 1, 2 ou 3 explosions alors qu'il n'y en avait qu'une. Tous avaient raison, mais la cause est que le bruit de l'explosion s'est propagé via 2 milieux différents (air, sol) et 3 types d'ondes circulant à des vitesses très différentes, sonores dans l'air, P et S dans le sol. Au besoin se reporter aux études sismiques. Ou me consulter.
Qu'en est-il pour les instruments graves de l'orchestre, contrebasses, contrebasson, timbales ? Dans la formule qui donne la fréquence / hauteur d'un son, intervient la vitesse de propagation d'une onde. On obtient un son grave en allongeant le support (c'est pourquoi une contrebasse est plus longue qu'un violoncelle, un tuyau d'orgue des notes très graves peut mesurer 32 pieds - soit 10 m !- alors que les plus aigus sont de l'ordre du cm), sinon en alourdissant la corde (augmentation de la masse linéique) comme pour les altos qui sont plus graves que les violons parce que leurs cordes sont plus grosses, ou comme pour les pianos les cordes très graves sont alourdies en les entourant d'un fil métallique. Comme le son se propage plus lentement et/ou sur des distances plus grandes avant l'établissement d'ondes stationnaires, les transitoires durent plus longtemps et si l'instrumentiste veut être synchrone avec les autres instruments, il doit attaquer sa note une fraction de seconde plus tôt.
De même, comme la vitesse du son dans l'air est limitée (350 m/s environ), le son d'un instrument situé loin du chef d'orchestre ou du public (percussions par exemple) arrive plus tard que les autres. Si on admet qu'un décalage dans le temps d'une fraction de seconde est audible sous forme d'une réverbération d'abord (cas des églises) puis d'un écho pour les grandes distances, la distance entre les instruments et donc la taille d'un orchestre est limitée et/ou les instrumentistes doivent attaquer leur note avec un décalage temporel. Déjà qu'il est difficile de jouer juste....
Conclusion générale : en Musique comme pour toutes les activités artistiques (peinture, architecture) il faut exercer le sens artistique tout en tenant compte des Lois de la Physique qui en expliquent les contraintes.