Comment comprendre les guerres de Religion en France ?
Publié par Mondes Sociaux, le 5 février 2021 880
article par Sylvie Daubresse
Les années de la fin du règne d’Henri II jusqu’à la fin de la première guerre de religion en mars 1563 voient la rupture religieuse entre catholiques et protestants s’accélérer. L’étude des sources judiciaires permet de suivre la mécanique qui conduit à la constitution de partis antagonistes et à une terrible guerre civile. Dès l’origine, l’épouvantable peine du feu a focalisé l’intérêt des chroniqueurs, des martyrologes protestants puis des historiens. Mais, pour ceux qui échappent au bûcher – et ils sont nombreux – il existe toute une gradation de châtiments. C’est ce que révèlent les archives criminelles du parlement de Paris.
Cette cour rend une justice souveraine non susceptible de recours sauf à en appeler à la justice retenue du roi. Elle rend des arrêts au nom du roi, source de toute justice. Le Parlement représente le roi depuis que le souverain est de moins en moins présent, si bien que cette dernière est conduite à rendre une justice à la fois déléguée et souveraine. C’est pourquoi nous parlons de justice du roi, qui désigne la justice exercée par le parlement de Paris.
Au XVIe siècle, les fonctions judiciaires et législatives ne sont pas distinctes. La législation, pas plus que l’administration, n’est séparable des fonctions judiciaires du roi. Le pouvoir royal a pour mission de faire vivre les hommes en paix, par la justice. Les édits et ordonnances du roi, comme les arrêts des cours souveraines, sont d’abord des mesures de justice. C’est pourquoi, les arrêts rendus par le Parlement sont riches d’enseignements.
À juste titre, la première démarche des historiens a été d’observer de quelle manière les rois Valois avaient réagi à la Réforme protestante ainsi que le fit rigoureusement Denis Crouzet. Mais ce sont les historiens américains qui, les premiers, ont eu l’audace d’exploiter les archives criminelles des parlements afin d’en présenter de riches et précieuses synthèses. Notre défi a été de suivre au quotidien l’activité judiciaire du parlement de Paris, pendant une période de huit années, dans la masse des archives. Il s’est agi de plonger plus profondément au cœur de la machine judiciaire et de suivre son travail concret, au quotidien à partir de ses archives.
Pour reconstituer des procédures étalées sur de longs mois, éparpillées dans des archives différentes, il a fallu établir une base de données unique en son genre pour le XVIe siècle. Issue d’un long travail de dépouillement, d’indexation et de saisie, cette base permet d’avoir un aperçu assez précis de la situation des poursuivis pour « fait de religion » grâce à l’établissement de 1320 fiches, qui concernent 1317 personnes. Le « fait de religion » est l’accusation qui revient la plus fréquemment, davantage utilisée par les hauts magistrats parisiens que celle d’« hérésie ». Cette incrimination générique englobe des qualifications qui sont innombrables et protéiformes. La plus fréquente de ces qualifications touche à la parole, ce qui illustre, une fois de plus, le pouvoir des mots.