JEUNES & PALEONTOLOGIE: « C’est un séjour de vacances où l’on bronze intelligemment »

Publié par Morgane Bouterre, le 27 avril 2020   3.8k

Depuis plus de 30 ans, Francis Duranthon, Directeur du Museum de Toulouse, permet à des ados de réaliser ce dont il aurait rêvé à leur âge : pratiquer la paléontologie sur un vrai site de fouilles, et pas des moindres. Montréal-du-Gers, découvert en 1987, est l’un des sites majeurs d’Europe, le plus important découvert en France depuis un siècle. Il est daté d’environ 17 Millions d’années.

Docteur en paléontologie des vertébrés, Francis Duranthon a longtemps participé lui-même au chantier de jeunes en tant que scientifique, en accompagnant les découvertes des ados pendant les campagnes de fouilles organisées dès l’ouverture du site en 1988. Le partage des connaissances, ça le connaît : animateur de « Bonjour l’Ancêtre » pendant plusieurs années sur France 3 puis chroniqueur scientifique dans différentes émissions, il a toujours  à cœur de transmettre sa passion au plus grand nombre.  Rencontre avec un passionné...

Francis Duranthon dans son bureau au Museum de Toulouse


Francis Duranthon, vous avez beaucoup vulgarisé la paléontologie. Qu’est-ce qui vous donne envie de transmettre encore votre passion, notamment en poursuivant les chantiers paléontologiques pour les jeunes ados ?

D’abord parce que c’est exceptionnel : on n’a pas tous les jours la chance quand on a 14 ans d’aller fouiller sur un gisement unique en Europe. 

Ensuite, car ça permet aux jeunes de se confronter à de vrais spécialistes. Quand est ado, rencontrer des professionnels, des gens qui ont fait leurs études sur le sujet, qui peuvent en parler avec vous,  vous donner des conseils, vous orienter : c’est efficace. Sur 300 jeunes qui ont participé à ce séjour, une trentaine en a fait son métier, soit dans le monde des musées soit celui de la paléontologie. Ça permet de confirmer ou d'infirmer une vocation, une envie, un souhait. Je retrouve des anciens dans des congrès ou réunions scientifiques. Certains étaient venus par hasard, d’autres avaient déjà cette envie

Enfin, la  transmission et le partage c’est le rôle d’un musée, le lien entre le monde de la recherche et le grand public. Sensibiliser les gens aux questions d’évolution, toute la rigueur et la complexité du métier. C’est un séjour de vacances où l’on bronze intelligemment.

Des ossements trouvés par les jeunes sont-ils exposés ensuite au Museum ?

Oui, tout ce qu’on trouve au Museum provient de ces campagnes de fouilles, les seules de l’année sur ce site. Parfois des campagnes sont organisées pour des étudiants en master 2, mais en règle générale les campagnes de fouilles s’effectuent avec les ados. D’ailleurs de nombreux ados ont découvert des espèces nouvelles et inconnues ! [il montre une double page de Sciences & Vie Junior de 1991 arborant un portrait d’un jeune de 15 ans ayant trouvé des ossements d’une nouvelle espèce : l’ampeloméryx] Des reportages du monde entier ont été réalisés sur ces découvertes et sur la richesse de ce site.

Les ados sont responsables de A à Z de ce qu’ils trouvent. C’est pas un chantier où on leur dit d’aller jouer plus loin, que les spécialistes vont terminer. Les spécialistes guident le dégagement du fossile, la préparation et le conditionnement mais les jeunes sont pleinement acteurs de leurs travaux. 

Extrait de Sciences & Vie Junior, 1991


Qu’est-ce qui rend ce site si exceptionnel ?

L’accumulation : pas beaucoup de sites en Europe avec une telle accumulation. A Montréal-Du-Gers, il est impossible de fouiller sans rien trouver. Si on ne trouve rien on peut vraiment renoncer à sa vocation de paléontologue, c’est qu’on n’est vraiment pas doué ! On a trouvé 25 000 ossement, 90 espèces différentes de la taille d’une souris à celle d’un éléphant : une quantité exceptionnelle de fossiles.  Il n’y a pas une campagne où l’on ne trouve rien ; pas un fouilleur qui ne trouve rien.

Le Museum participe-t-il à d’autres séjours de ce type ?

Non, c’est le seul séjour.

Avez-vous des retours de jeunes qui participent à ce séjour, leur avis ?

Oui, une grande satisfaction c’est de constater que beaucoup reviennent tous les ans, de nombreux s’en souviennent encore. Regardez-ça ! [il va chercher une lettre dans son armoire] C’est un courrier qui m’est arrivé le 20 septembre dernier.  « Nous nous sommes retrouvés 30 ans après les premières fouilles à Montréal-Du-Gers un week-end… ». Ce groupe fouillait avec moi dans les années 90, ils sont restés copains, et se retrouvent encore 30 ans après.

Les séjours ont commencé dès la découverte du site en 1988. Des jeunes revenaient aussi plus tard m’aider à encadrer les groupes. Certains participants s’intéressaient déjà à la paléontologie, d’autres pas du tout, suivent un copain ou une copine ou s’inscrivent au hasard d’un catalogue tombé dans les mains des parents.  En général, tous sont contents, ce qui prouve que ces séjours sont intéressants !

Un grand merci à Francis Duranthon pour cet entretien du 9 Mars 2020. Le Museum et Planète Sciences Occitanie sont partenaires sur ce séjour ouvert aux 14-17 ans. Pour s’inscrire à l’édition 2020 ou à tout autre séjour géré par Planète Sciences Occitanie, c’est ici! Merci également pour cette vidéo : pourquoi passer des vacances sous le signe de la paléontologie à Montréal-du-Gers?