ArtStock, une recyclerie culturelle et artistique

Publié par Echosciences Occitanie, le 7 juin 2022   1.5k

Article rédigé par Adèle Sylvestre.

Et si, pour nos expositions scientifiques, spectacles ou ateliers de médiation, nous récupérions des décors recyclés ? Voici donc le bon plan du jour : l'association ArtStock, basée - entre autres - en Haute-Garonne, qui récupère et revend des accessoires et décors de spectacles. Rencontre avec son cofondateur Yann Domenge Lab.

Vous êtes vous déjà demandé, après avoir vu une pièce de théâtre : “mais que deviennent tous ces décors, tous ces costumes et tous ces accessoires utilisés ?”.

C’est avec cette question en tête que j'ai contacté Yann Domenge Lab, le cofondateur de la 1ère plateforme européenne dédiée au recyclage de décors du spectacle vivant, ArtStock. Cette plateforme de 9000 m2 est basée dans l’ouest de la Haute-Garonne, à Blajan depuis plus de dix ans.

Yann est directement touché par les enjeux du gaspillage puisqu’il est auteur, metteur en scène et acteur : “les problématiques de gestion des décors et costumes m’ont toujours posé problème”. L’idée de récupérer et de réemployer les décors lui est venue naturellement en partant d’une simple réflexion : “un spectacle est joué de 50 à 150 fois puis décors, costumes, et accessoires restent stockés 5 ans puis… ils finissent à la benne car, dans 90% des cas, ce spectacle ne sera pas rejoué”.

C’est en 2009, qu’il a décidé de se lancer dans l’aventure d’ArtStock. 

Il s’agit de récupérer des déchets scénographiques et de les mettre à la disposition de petites compagnies : "on pensait rester sur le modèle de “la culture pour la culture”. C’était logique pour nous. Mais on s’est aperçu que le monde de la culture était beaucoup plus méfiant. On était comme des extraterrestres pour eux. Il n’y avait aucun souci pour la collecte, mais les compagnies avaient du mal à venir se fournir !” dit-il, amusé. De fait, aujourd’hui, 70% des clients sont des particuliers. 

Ils ont dû entreprendre un long travail de communication afin de faire connaître leur démarche : “Pendant sept ou huit ans, nous avons travaillé à sensibiliser les personnes qui décidaient de tout mettre à la benne, comme les directeurs techniques, et, progressivement, nous avons réussi à consolider et à pérenniser un réseau de professionnels chez qui on peut collecter”. 

Et ça a fonctionné ! Ils travaillent maintenant avec de nombreuses maisons parisiennes : la Comédie française, le Théâtre des Champs Élysées, le Théâtre de la Colline, le Théâtre des Amandiers, le Théâtre du Châtelet… ArtStock est devenu la référence dans le domaine de la récupération de décors.

Les chiffres parlent d’eux mêmes : depuis sa création, pas moins de 7000 tonnes de décors, de costumes et d’accessoires utilisés lors de spectacles ont été récupérés. Mais le plus impressionnant c’est que depuis cette création, ils sont parvenus à moins de 2% de déchets ultimes, ce qui équivaut à moins de 14 tonnes qui finissent concrètement à la poubelle. 

En pratique, il suffit que le théâtre ou que la compagnie contacte Yann et son équipe pour que ceux-ci viennent directement chercher les déchets avec un camion benne.

Trois canaux de valorisation se mettent alors en place :

Le premier consiste à démanteler le décor pour en vendre la matière brute : moquette, fer, aluminium, bois, etc.

La deuxième possibilité de valorisation se base sur la création d’objets du quotidien à partir de la matière récupérée : “par exemple avec du dibond (matériau rigide et léger composé d’aluminium) et du bois, on crée des miroirs, des boîtes à bijoux, des cabanes à oiseaux…”. En ce sens, un pôle créatif a spécialement été dédié à la production de nouveaux objets qui sont par la suite disponibles à la vente directement aux ateliers ou sur le site internet d’ArtStock.

Le dernier axe de valorisation est centré autour d’une problématique sociale et éducative puisqu’il consiste en de la sensibilisation au développement durable dans des établissements scolaires à travers des animations et des ateliers. Yann m’explique ainsi que “l’animateur fait faire un jeu, une jardinière ou autre aux élèves à partir d’une planche de bois, par exemple”.

En outre, Arstock participe deux fois par an à des événements au cours desquels elle donne plusieurs tonnes de matériaux à des compagnies, à des associations, ou à des collectifs qui sont émergents ou qui ont un projet spécifique sans financement. “Par exemple, en début d’année, on a donné près de 10 tonnes à une association qui convertit un restaurant Mcdo en restaurant solidaire à Marseille”. Pour lui, l'aspect environnemental est essentiel, mais il est également très important de le combiner avec un aspect social.

Tous ces différents axes de valorisation font que ArtStock suit un modèle d’économie circulaire en produisant et récupérant de la matière en limitant le gaspillage de ressources et la production de déchets.

La plupart du temps, la récupération des décors se fait certes sans encombre, mais il y a déjà eu des surprises… Yann m’a raconté l’une de leurs aventures : “la mission de récupération la plus complexe que nous avons eu à gérer a été de dégager en 3 jours seulement une vingtaine de gros containers au Palais du Louvre. On ne s’attendait absolument pas à ça, c’était vraiment rock’n roll, surtout que nous n’avions pas du tout été prévenus de l’ampleur du chantier. Je vous laisse imaginer notre stupeur ! ”.
Il faut alors faire preuve d'énormément de souplesse, d’imagination et de réactivité : “on nous appelle souvent à la dernière minute, quand il n’y a pas d’autres solutions. Donc on arrive toujours à J-10 voir J-7, sans savoir sur quoi on va tomber” dit-il en rigolant.


Quels sont les projets à venir ?


ArtStock ne compte pas s'arrêter là et espère aller encore plus loin dans sa mission sociale en ouvrant un atelier d’insertion professionnelle et en créant 8 nouveaux emplois d’ici 2023. “Ce qui est génial, c’est qu’à partir de récup on peut vraiment travailler sur des axes sociaux, accompagner des gens, les former et leur faire découvrir de nouveaux métiers”.

Dans les prochaines années, ils aimeraient commencer les premières formations de “valoriste” : “c’est un métier que l’on a créé, qui n’existait pas, ou bien qui n’existait pas dans le domaine des métiers du spectacle”. Ce nouveau métier mobilise de nouvelles techniques, de nouveaux usages, de nouveaux savoir-faire. Il faut connaître la matière, savoir la reprendre quand elle est abîmée, savoir la recouper, la transformer pour créer un nouvel objet : “nous avons embauché des menuisiers, des soudeurs et des couturières”.

ArtStock est devenu en quelques années un acteur important d’économie circulaire et participe ainsi à rendre le milieu culturel encore plus responsable !


>> Retrouvez plus d'informations sur leur site internet : artstockasso.fr <<