Analyse scientifique de la valeur réelle des choses. Aspects matériels et psychologiques.

Publié par PLISKINE ROBERT, le 18 juin 2024   250

Dans la "méthode scientifique" on analyse les faits, on bâtit une théorie et on la valide par l'expérience présente (cette théorie explique-t-elle les faits constatés ?) et future (si cette théorie est juste, dans telle autre circonstance présente ou à venir sera-t-elle vérifiée par l'expérience ?). C'est une analyse des causes (le passé) et des conséquences (le futur), le fameux "what if" des informaticiens et des modèles mathématiques.

Savoir la valeur d'une chose, "évaluer", se retrouve dans la plupart des domaines de la vie car cela va de pair avec un choix : "rapport qualité/prix", "rapport performance/prix", "rapport bénéfice/risque". En clair et en langage courant, est-ce que ça vaut le coup ?

Cette question se retrouve d'actualité à chaque fois qu'on parle de salaire/revenu d'un dirigeant ou d'un sportif, d'un projet industriel ou politique.

Le problème est, comme pour toute mesure, de choisir une unité et un étalon. S'il s'agit d'objets matériels, comme l'argent, le problème est simple et se ramène à "Combien ça coûte ? Combien ça rapporte ?". Si un "grand patron" gagne 20 M€/an mais si ses décisions donnent un emploi rémunérateur à 200 000 personnes, on peut soit s'indigner du fait qu'il gagne en un jour (de 24 heures de travail) ce que gagne un de ses salariés en un an, ou bien dire que le maintien de son emploi coûte à chaque salarié 8 €/mois, moins qu'un paquet de cigarettes.

Mais l'être humain ne se nourrit pas de de pain, mais aussi et surtout d'irrationnel, les sentiments.

Prenons un exemple pratique tiré de mon expérience avec un industriel. Dans son usine, une vingtaine de personnes étaient occupées, pour un salaire médiocre, à des tâches répétitives de contrôle de qualité. Le système à base d'informatique de pointe que je lui proposais aurait fait le même travail environ 10 fois plus vite et aurait été amorti financièrement en 2 ans. Cet industriel devait-il acheter mon système ?

D'un strict point des actionnaires, où le critère de choix était financier, c'était un achat évident.

Du point de vue managérial de l'industriel, il lui fallait envisager le licenciement d'une vingtaine de personnes, chose très difficile du point de vue social vu la complexité du Code du Travail, et donc prévoir des frais considérables en indemnités de licenciement et d'accompagnement juridique/judiciaire, donc diminuer la rentabilité et augmenter la durée d'amortissement.

Du point de vue social, qui comporte - outre l'aspect financier ci-dessus- un aspect psychologique, le licenciement est un drame personnel pour celui qui le subit, et un drame pour le bassin d'emploi où cet industriel est le principal employeur. Avec les conséquences politiques que l'on imagine.

Alors que faire ? Partagé entre sa certitude que mon système était la solution d'avenir, et son autre certitude que ce serait un drame social, il a acheté mon système, l'a mis en service pour vérifier qu'il correspondait aux besoins et répondait aux performances annoncées... et l'a retiré pour travailler comme avant. L'investissement correspondant est passé en "Recherche et Développement", d'autant plus justifié que l'objectif avait été atteint. A titre personnel et non scientifique, je pense que cette démonstration publique était un avertissement pour prévenir les syndicats contre des demandes salariales jugées excessives.

Dans un autre domaine, j'ai créé (ou recréé, peut-être ?) le concept de "valeur d'intervention". Quelle est la valeur d'une chose mesurée avec comme étalon, non un objet fixe et universel comme la célérité de la lumière pour les longueurs, mais la personne concernée par cet objet.

En corollaire et de façon symétrique, la "valeur d'intervention" est ce que ça coûterait à la personne concernée de ne plus l'avoir. Un exemple pour être clair : une place dans un train coûte le prix du billet. Mais s'il n'y a pas de train (panne, grève, horaire vide...), que coûte au voyageur le fait de ne pas avoir cette place de train ? Réponse : celle du transport de remplacement s’il doit partir, ou celle du renoncement à voyager si tout système de remplacement est inaccessible, complet ou hors de prix.

Et on tombe la plupart du temps dans l'irrationnel, qui n'est pas du domaine des sciences exactes. Exemple d'actualité, combien vaut une place pour un concert de Taylor Swift ? D'un strict point de vue rationnel, le prix indiqué sur le billet. Pour moi qui admire la performance de la chanteuse- danseuse mais ne pratique pas le culte des idoles, 10 fois moins. Pour le fan absolu, comme ceux qui ont traversé l'Atlantique pour assister au concert de Paris, ou ceux qui - faute de billets achetés au prix normal à la billetterie - rachètent au marché noir et l'encouragent des billets à plusieurs fois le prix officiel, il n'y a plus de valeur raisonnée.

On peut rattacher à ce domaine la "valeur sentimentale" de certains objets de valeur financière nulle, comme des souvenirs, des photos, ou dont la valeur n'est pas financière comme un être aimé, tout ce qu'aucune assurance ne peut rembourser en cas de perte.

Pour rester dans le domaine rationnel, voici comment j'expliquais ce concept de "valeur d'intervention" et le concept implicite du temps d'intervention aux industriels.

Combien vaut un verre d'eau ?

- Si c'est maintenant dans votre bureau, pratiquement rien puisqu'il suffit d'ouvrir le robinet ou sortir une bouteille du frigo. Le délai d'intervention n'est pas critique, puisqu'il est toujours prévu des pauses pour se rafraîchir et qu'on peut l'attendre.

- Si vous êtes en panne dans un désert et que toutes vos provisions ont disparu, la valeur du verre d'eau est celle de votre vie. Le délai d'intervention est critique puisque, si cette eau arrive trop tard, vous êtes mort et ce verre d'eau n'a aucune valeur.

On peut faire une analyse similaire avec une arme à feu, genre pistolet.

- Si c'est chez un armurier, sa valeur est financière, son prix.

- Si c'est entre les mains d'un braqueur, sa valeur est celle du butin espéré.

- Si c'est face à danger mortel (comme un fauve qui attaque, ou un terroriste), sa valeur est celle de votre vie.

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Ce qui amène à parler du "prix du marché", méthode empirique pour déterminer la valeur objective d’une chose (objet ou compétence professionnelle).

Que ce soit pour des objets (comme une voiture) ou pour de l’humain (comme un professionnel) le prix qu'on est prêt à payer dépend d'un facteur rationnel (le but poursuivi) et d'un facteur irrationnel (l'humain, le futur conducteur de la voiture ou l'employeur).

Pour m'expliquer, je vais faire un pas de côté. Pourquoi, à niveau de compétence équivalent dans son propre domaine, un Ingénieur de Grande Ecole (Bac + 5 avec concours) a-t-il une valeur financière et donc est-il mieux payé qu'un Professeur Agrégé d'Histoire-Géographie ? Non que son niveau de connaissances ou sa compétence soit plus élevés, mais sa rentabilité financière est immédiate et mesurable (il va résoudre des problèmes ou initier une nouvelle technologie), alors que l'Enseignant va fournir des éléments indispensables pour comprendre le monde dans lequel on vit, et pouvoir prendre des décisions politiques et/ou économiques efficaces, mais à long terme et pas mesurables dans l'instant. Par exemple, sans être trop précis pour ne pas sortir du champ scientifique, si l'Histoire et la Géographie montrent que les gouverneurs d'un pays ont de tout temps eu des pensées expansionnistes, que la géographie de son pays l'empêche d'être envahi, et qu'ils ont un profond mépris de la vie humaine, on peut être sûr qu'un jour ou l'autre ils attaqueront un de ses voisins pour l'absorber. A nous de se préparer pour une échéance de délai imprévisible et d'ampleur inconnue. "Si vis pacem para bellum". Les conséquences humaines et économiques d'une guerre sont incomparablement supérieures à celles des décisions faites pour l'empêcher, mais ne sont ni immédiates ni certaines. En revanche, l'Ingénieur d'Armement capable de moderniser et augmenter drastiquement une production d'armes, ou d'en créer de nouvelles, a une valeur technique élevée et immédiate. Surtout en cas de guerre.

Pour revenir à une situation plus commune et moins dramatique, quel est le prix d'une voiture d'occasion ? Il y a une valeur objective définie "à dire d'expert" mais qui n'a d'importance que lorsque l'assurance doit la rembourser. Et il y a surtout la valeur technique, matérielle, objective, financière de la voiture pour le vendeur et l'acheteur. Que donne "la méthode scientifique" dans ce cas où le matériel et l'immatériel s'interfèrent ?

Pour étayer mon raisonnement, je vais partir d'un cas réel, un voiture que j'ai vendue récemment. Application de la rationalité de la méthode scientifique dans un domaine, l'automobile, d'où toute raison est exclue.

Quelle est sa valeur pour moi, propriétaire ? Valeur d'intervention pour moi : nulle, je n'en ai plus besoin. Compte tenu de son type (très demandé), de son âge (canonique) de son kilométrage, une référence communément admise l'estime à 2 200 €. Mais à condition qu'elle soit dans un "état standard" (difficile à préciser). Or ma voiture est dans un état mécanique supérieur en raison de son usage et de son entretien, mais sa carrosserie a souffert de rencontres inopinées avec d'autres voitures sur un parking où elle stationnait. Si je la remets en état, cela me coûte environ 400 € minimum (la carrosserie coûte cher). Si je la vends à une entreprise de rachat immédiat, qui va devoir la remettre en état pour la vendre en véhicule d'occasion, elle m'en propose 1 300 € et encore... Donc je calcule sa valeur réelle pour moi, vendeur : 2 000 € - 400 € = 1 800 €. Si je dois mettre des annonces, y répondre, présenter la voilure, justifier du prix compte tenu de ses défauts de carrosserie alors qu'elle est passée au contrôle technique sans contrevisite tant le reste est en bon état, j'en ai au moins pour 100 € en temps et dépenses. Soit 1 700 € pour la valeur réelle, pour moi, de cette voiture. Je la mets donc en vente en précisant tous les détails de son état à sa vraie valeur pour moi de 1 700 €, prix ferme et définitif, un vendredi soir sur deux journaux d'annonces. Mon but est de trouver LA personne pour qui la "valeur d'intervention" de cette voiture, sans se soucier de ses défauts d'aspect, est d'au moins 1 700 €. Dans l'heure qui suit, 4 demandes de gens qui, attirés par le prix, pensent pouvoir négocier sur l'état de la carrosserie. Je ne donne pas suite. Comme aux 12 autres qui ont suivi l'après-midi, alléchés par le prix. J'ai eu aussi un homme qui "vu son âge et son kilométrage" m'en offrait 1 000 €, "bon prix". Enfin, une demande d'un particulier pour qui la valeur d'intervention est l'essentiel : un professionnel habitant à 400 km, qui a un besoin vital d'une voilure en parfait état pour son travail, et ne se soucie pas de son aspect ou de ses défauts si le CT est OK : il s'est fait détruire sa voiture, l'assurance ne lui rembourse que 2 000 € (valeur à dire d'expert) et sans voiture son activité s'arrête. Il doit absolument avoir une voilure en bon état le mardi matin sauf importantes pertes financières. Seule la mienne correspondait. Il l'a payée cash par transfert bancaire instantané, est venu la chercher en train et est reparti avec le lundi après-midi. Le "prix du marché" dans cette transaction n'était pas celui fixé de façon abstraite (comme voudraient le faire croire ceux qui prétendent que j'ai vendu facilement cette voiture car je la bradais sous le prix du marché)

Conclusion : le "prix du marché" est une donnée subjective. La valeur d'un objet ou d'un service est, pour le vendeur comme pour l'acheteur, sa vraie valeur, pour le vendeur résultat d'un calcul rationnel et objectif compte tenu des frais et du temps passé à le vendre, pour l'acheteur sa "valeur d'intervention".

La méthode scientifique permet d’intégrer dans la valorisation à la fois les éléments rationnels (prix) et irrationnels (valeur personnelle psychologique).