Alertes rouges météo et tempête de 1999, 2e partie

Publié par PLISKINE ROBERT, le 16 mars 2024   330

[Texte rédigé en 2023]

2e partie :
La météo, à quoi ça sert ?

Non, ce n'est pas seulement pour nous faire admirer des "Miss météo" sur les chaînes TV. Ni seulement pour savoir comment il faudra s'habiller le lendemain. Près de 80 % des activités humaines dépendent de la météo.

D'abord, il faut savoir que les prévisions météo détaillées coûtent très cher à produire, tant en matériel qu'en personnel hautement qualifié. Les prévisions données sur les médias, financées par la pub avant et après, ne sont qu'approximatives et par grande régions alors que la France est une région de microclimats ; par expérience, j'ai été pris dans un orage "tropical" à Muret, 15 km au sud de Toulouse, alors que mon frère, à Fenouillet, 10 km au nord, n'a rien perçu.

On pourrait comparer les prévisions TV par rapport aux prévisions détaillées à la 4e de couverture d'un roman par rapport à son texte intégral. "J'ai lu "Guerre et Paix" en 20 minutes. Ça parle de la Russie." (Woody Allen). Des prévisions météo détaillées à quelques km et quelques minutes près s'achètent, fort cher, auprès de Météo-France.

On pense bien sûr à l'agriculture et aux transports - même si, vu son importance sur les transports, le Ministère de Tutelle de Météo-France est celui des Transports - , mais pas que.

Il est évident que, pour un agriculteur, il soit essentiel de savoir s'il va pleuvoir ou non, et combien, quelle sera la température et son influence sur le mûrissement des fruits, ou les tranches horaires où il va pouvoir moissonner. Inutile de développer ici.

Pour les transports, c'est plus complexe. Si le chemin de fer est pratiquement insensible à la météo, que sauf conditions extrêmes (cyclones, verglas de plusieurs centimètres, températures très élevées dilatant les caténaires) il n'est sensible ni à la pluie, ni au verglas, ni aux températures extrêmes (en Scandinavie et en Suisse les trains circulent à l'heure jusqu'à -30 °C) ni au brouillard (expérience personnelle, TGV Mulhouse-Paris un 2 janvier dans un brouillard tel qu'on ne voyait pas la voie à côté, vitesse affichée : 318 km/h), ni au vent, tous les autres moyens de transport, terrestres, maritimes ou aériens, sont affectés par la météo. Les phénomènes les plus gênants sont le brouillard et le verglas (expérience personnelle : mon vol Lufthansa Tel-Aviv - Munich un 12 décembre dévié sur Vienne car les pistes de Munich étaient trop verglacées pour atterrir en sécurité). On sait que le brouillard se forme si l'humidité dépasse le taux de saturation, qui dépend de la température, et le verglas dépend de la température (inférieure à +3 °C, température indiquée par un clignotement sur le thermomètre de ma voiture) et du vent. On comprend donc que la connaissance précise de ces facteurs soit indispensable pour connaître les conditions de circulation.

Pour les avions, c'est si essentiel qu'avant tout départ le commandant de bord passe à la météo pour connaître avec le plus de précision possible les conditions de son vol à chaque minute ; quitte à décider d'un changement d'itinéraire ou même d'annuler son vol pour des raisons de sécurité. Expérience personnelle : lors de mon premier voyage aux USA, en décembre 1980, mon avion Lockeed Tristar, un énorme avion emportant 300 passagers sur Boston-Roissy, a été pris dans un jet-stream de près de 500 km/h qui le poussait à l'arrière et a franchi l'Atlantique en moins de 5 heures, moyennant quoi nous avons été secoués violemment pendant tout le trajet.

Un autre aspect de la météo sur les transports concerne les autoroutes. Garantis sans verglas, il faut que les déneigeuses et les saleuses soient prêtes à intervenir. Outre les perturbations qu'elles créent sur la circulation, leur utilisation coûte cher et ne doit être déclenchée que si les conditions de température, d'humidité et de vent laissent prévoir du verglas. Or ces conditions sont critiques, par exemple pour la température, à 1 °C près.

De même, si la température est inférieure à 0 °C , la neige tient sur la route, alors qu'elle fond si elle est supérieure.

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Une autre activité où la météo intervient de façon forte est le bâtiment et les travaux publics.

La vitesse de séchage du ciment dépend de la température et de l'humidité. Dans certaines conditions, pour tenir les délais, et pour que le ciment prenne dans des conditions acceptables, il faut le chauffer avec des souffleries d'air chaud. Autant pouvoir en prévoir l'usage lors de la coulée dudit ciment.

Les grues de chantier offrent une énorme prise au vent. En cas de vent fort , supérieur à 72 km/h (20 m/s), il faut arrêter le chantier, débrayer la flèche de la grue ("la mettre en girouette") pour diminuer sa prise au vent, et faire descendre rapidement le grutier. Les incidences techniques et financières de cette mise à l'arrêt sont telles que les chefs de chantier ont besoin se prévoir à la minute près la vitesse du vent pour décider de poursuivre ou non l'activité, ou de la tranchée à démarrer.

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Il en est de même sur d'autres activités comme le tourisme, mais elles sont plus connues et il est inutile de les traiter ici.

Quant à l’Histoire, se rappeler de l’influence des conditions météo sur la date du débarquement de Juin 1944.

Qu'en est-il des alertes météo ?

"Gouverner, c'est prévoir". Dans de nombreux cas, les conditions météo peuvent avoir une incidence sur la sécurité. Les deux facteurs principaux sont le vent et la température.

Outre sa force sur les bâtiments et les véhicules, c'est le vent qui soulève les vagues. Il faut donc être informé à l'avance des conditions de vent pour connaître les mesures de sécurité à prendre pour les pallier. En fonction des vitesses prévisibles, on a des zones de couleur allant du vert (aucun problème) au rouge ("Tous aux abris") en passant par l'orange (précautions à prendre, évitez de sortir).

Près des côtes, la combinaison d'un vent fort et de grandes marées peut pousser des vagues de plusieurs mètres de haut à envahir la côte, ce qu'on appelle "vagues de submersion" extrêmement dangereuses. Il est donc important de les prévoir et d'en alerter les populations concernées.

Il en est de même pour la température et l'humidité, dont la combinaison avec le vent crée les conditions d'incendies de forêt pouvant être incontrôlables (exemple : la forêt des Landes en 2022). Sans compter que des températures extrêmes provoquent des crises de santé publique, comme la canicule de 2003.

Le codage "rouge" implique que des morts sont inévitables, soit par imprudence (il y a toujours des inconscients pour continuer leur jogging par 40 °C) soit par accident de santé chez des sujets fragiles, bébés, personnes âgées, malades. En clair, que les services d'urgence s'attendent à une pointe d'activité. Comme les morgues...

Les tempêtes de fin 1999 avaient laissé un goût amer aux prévisionnistes de Météo-France, que le gouvernement avait accusés de ne pas en avoir prévu l'intensité. Ce qui était mensonger, et mon interlocuteur n'avait pas digéré cette humiliation injuste et s'est fait un devoir de rétablir les faits, graphiques à l'appui.

Mon interlocuteur m'a appris qu'il existait un codage "noir", non officiel, qui implique que les conditions météo prévisibles vont déclencher des catastrophes. Par exemple, des vents supérieurs à 140 km/h qui déracinent les arbres et emportent les véhicules routiers. Mais dans ce cas, il faut alerter le Préfet pour déclencher un plan ORSEC.

Le dispositif ORSEC est un plan d'urgence polyvalent français de gestion de crise. Il organise sous l'autorité du préfet, la mobilisation, la mise en œuvre et la coordination des actions de toute personne publique et privée concourant à la protection générale des populations.

A l'arrivée des tempêtes LOTHAR et MARTIN fin 1999 sur la France, les prévisionnistes de Météo-France ont calculé des vitesses de vent supérieures à 150 km/h avec des rafales pouvant dépasser 200 km/h par endroits. C'était a priori invraisemblable en France, en tout cas du jamais vu. Les services en cause ont recommencé leurs calculs, ont fait tourner les 5 modèles disponibles et sont arrivés au même résultat : il y aurait 2 tempêtes comme jamais vues en France. La Direction de Météo-France a alerté le Ministère de l'Intérieur pour transmission d’alerte aux préfets des zones concernées. La réponse des fonctionnaires de permanence durant cette "trêve des confiseurs" où tous les responsables sont en vacances, et dont aucun de ces administratifs n'avait les compétences d'ingénieur pour apprécier la situation, a été :

"C'est invraisemblable. Vous vous êtes certainement trompés. Refaites vos calculs". Calculs qui avaient déjà été faits et refaits.

En plus, aller déranger des préfets en pleine nuit pour le plan Orsec durant cette période de fêtes était impensable. L'Administration a donc fait comme d'habitude, rien, en attendant les événements.

Qui ont donné raison aux prévisionnistes de Météo-France, qui n'ont pu qu'enregistrer les vents prévus, en moyenne à 160 km/h, avec des pointes à plus de 200 km/h (Mandelieu-La Napoule) ou même très supérieures en des endroits isolés (anémomètre de la Tour Eiffel bloqué à 216 km/h, Aiguille des Grands Montets (Chamonix) : 320 km/h). Et de compter les 92 morts et 2000 blessés,   et les dégâts immenses sur les infrastructures. Sans compter l'humiliation d'être accusés à tort d'incompétence alors que c'était celle des Ministères qui avait été cause de l'aggravation tragique des conséquences de ces perturbations météos.

Depuis, avec l'amélioration des prévisions dues à la puissance de calcul encore supérieure des ordinateurs, les "autorités" ont pris l'habitude de faire davantage confiance aux scientifiques, et dans leur grande tradition d'ouvrir le parapluie, d'alerter les populations avec intensité en cas de doute.