Phenomer : retour sur six mois de sciences participatives sur les microalgues en Méditerranée
Publié par L'Ifremer en Méditerranée, le 11 octobre 2023 840
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Déployé depuis le 7 avril en Méditerranée, pour les régions Sud/PACA, Corse et Occitanie, le programme de sciences participatives de l’Ifremer centré sur l'observation de phénomènes de prolifération de microalgues, Phenomer, vient de passer son premier été. Ces six derniers mois ont été marqués par la structuration progressive d'un réseau de structures-relais et des actions de sensibilisation auprès des citoyens.
Élise Caillard, technicienne spécialisée en phytoplancton et en hydrobiologie marine au sein du Laboratoire Environnement Ressources Languedoc-Roussillon, le LER LR, basé sur la station Ifremer de Sète, et membre de l'équipe de coordination de Phenomer en Occitanie, revient sur les premiers pas de ce déploiement méditerranéen et occitan. Elle aborde les perspectives à courts, moyens et plus longs termes du programme.
Comment s'est déroulé le lancement de Phenomer ?
Élise Caillard : Le lancement de Phenomer en Occitanie a été progressif. Nous sommes très enthousiastes de participer au déploiement national de ce programme de sciences participatives. En tant que coordinatrices régionales, nous avons eu, tout d’abord, une phase de formation et de sensibilisation avec la coordination nationale de Phenomer puis, nous avons mis en place différentes actions localement, dont un webinaire de lancement, le 7 avril 2023. Ce dernier a permis de présenter le programme à différentes structures d’Occitanie et d’identifier celles intéressées pour intégrer le réseau Phenomer. Beaucoup d’acteurs locaux nous ont fait des retours positifs et certains se sont déjà engagés. Première étape réussie !
La deuxième étape cruciale du déploiement de Phenomer en Occitanie est le développement du réseau de structures-relais. Ces dernières ont pour mission de communiquer avec notre équipe de coordination locale, de prélever des échantillons, en cas de détection d’eaux colorées, et de sensibiliser les citoyens sur ces problématiques. Le développement de ce réseau de structures-relais est progressif. Certains de nos acteurs engagés dans Phenomer ne sont pas encore inscrits sur le site internet de Phenomer et nous espérons que de nouvelles structures vont intégrer le programme ce qui permettrait de consolider et pérenniser notre implantation en Occitanie. Leur aide est donc précieuse, nous avons besoin d’elles !
Qu’est-ce que cela implique pour vous, au LER LR, et pour toi, plus spécifiquement, en tant que technicienne ?
Nous devons dégager du temps pour dynamiser le déploiement de ce programme qui est encore à ses balbutiements en Occitanie. Nous sommes deux à coordonner localement Phenomer et à l’animer. Cela implique de nombreux échanges avec les partenaires locaux, la réponse à des sollicitations, etc.
D’un point de vue plus technique, lorsqu’un signalement avec prélèvement est réalisé, ce dernier est envoyé au laboratoire environnement de l’Ifremer à Sète pour y être analysé. Plus concrètement, une fois l’échantillon reçu, celui-ci est mis à décanter dans une cuve phytoplanctonique et le taxon à l’origine de l’efflorescence observée sera déterminé par une analyse microscopique. Le signalement est ensuite complété et validé par l’Ifremer sur le site internet de Phenomer. Le citoyen ou la structure ayant notifié l’événement d’eaux colorées reçoit alors un retour détaillé sur son signalement (taxon(s) en cause, etc.) par mail.
Quels ont été les événements marquants de ces six premiers mois ?
La dimension scientifique de Phenomer sur notre territoire n’en est encore qu’à ses débuts, mais, pour ce qui est de la dimension pédagogique, nous sommes déjà très actifs en Occitanie. En effet, cette dimension est non-négligeable pour nous — les équipes de coordination. Nous pensons que l’engagement des citoyens, mais aussi des éventuelles structures-relais, passe par leur sensibilisation aux enjeux scientifiques et sociétaux liés aux microalgues. Pour cela, nous avons entrepris des actions de sensibilisation auprès de différents publics. Nous sommes partis à la rencontre de l’association Cap au Large pour sensibiliser des jeunes en insertion sur l’environnement marin et ses problématiques. Nous avons également participé, avec d’autres professionnels et associations spécialisées, à une table ronde dans le cadre du Festival « Tous Sentinelles ! », coordonné par le CPIE Bassin de Thau, le 8 septembre dernier, sur des projets de sciences participatives au service des enjeux santé-environnement.
Du 27 au 29 octobre, nous allons participer au Festival « Va Savoir !? » à Montpellier, axé sur les sciences participatives et citoyennes, et porté par Instant Science et Artivistes-Atelier, avec le soutien de la Région Occitanie. Pour l'occasion, nous espérons sensibiliser un maximum de professionnels et de citoyens sur notre programme et pourquoi pas recruter de nouvelles structures-relais !
Quelles sont les perspectives du programme Phenomer en Méditerranée, et plus particulièrement en Occitanie ?
Notre perspective première est de consolider et d’élargir notre réseau de structure-relais. Nous allons également poursuivre nos actions de sensibilisation et préparer le printemps-été 2024. La laboratoire de l’Ifremer de Sète a la chance de faire partie de l’Unité Mixte de Recherche (UMR) MARBEC, composée d’environ 300 personnes (maîtres de conférences, chercheurs, ingénieurs et techniciens). Nous souhaitons profiter, en 2024, des journées annuelles organisées par l’UMR pour présenter Phenomer à tous nos collègues afin qu’ils puissent à leur tour sensibiliser leurs étudiants ; l’objectif étant de faire connaître au plus grand nombre ce programme de sciences participatives. Nous réfléchissons également à proposer des ateliers pour sensibiliser à la méthodologie Phenomer dans le cadre d’Escale à Sète, un événement festif sur les traditions maritimes de Méditerranée, qui portera sur le thème « Gens de Mer » en 2024 et dont l’Ifremer — par l’intermédiaire de sa responsable de station à Sète, Maria Ruyssen — sera parrain environnement.
Comment est-ce que vous abordez la suite ?
En place depuis plusieurs années déjà, le programme a déjà fait ses preuves sur les autres façades maritimes métropolitaines sur lesquelles opère l’Ifremer, à nous maintenant d’enclencher ce mouvement pour la Méditerranée afin de consolider sa dimension nationale.
D’un point de vue plus personnel, je pense que c’est important que des programmes de sciences participatives, comme Phenomer, existent. Ils font le lien entre la science et la société et permettent aux citoyens de prendre conscience des problématiques environnementales qui les entourent. En tant que scientifiques, nous avons besoin que de telles initiatives existent ; elles apportent un regard extérieur non limité dans le temps et l'espace, complémentaire des réseaux institutionnels, dont les suivis sont effectués en des points fixes à des intervalles réguliers. Pour moi, Phenomer s’inscrit pleinement dans les vocations de l’Ifremer : apporter des éléments de connaissance scientifique à la société, relatifs aux mers et aux océans, en vue de mieux appréhender le monde dans lequel nous vivons, en lien notamment avec les changements en cours et à venir.
Entretien d'Élise Caillard, mené par Thomas Pellissier.