Quel impact de la médiation en archéologie sur des jeunes pris en charge par la Protection Judiciaire de la Jeunesse ? - Retour sur le Forum Régional Sciences et Société 2024
Publié par Echosciences Occitanie, le 21 janvier 2025 1
Le Forum Régional Sciences et Société réunit chaque année une centaine d’acteurs et actrices impliqués dans le dialogue sciences-société en Occitanie afin de se rencontrer, de partager des expériences et imaginer des projets communs. L’édition 2024 portait sur le thème “Inclusion et lutte contre les inégalités” qui s’est décliné à travers 14 ateliers thématiques.
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Retour sur la conférence “Quel impact de la médiation en archéologie sur des jeunes pris en charge par la Protection Judiciaire de la Jeunesse ?”.
Depuis 2019, l'association Grottes&Archéologies, les laboratoires TRACES et LCPI travaillent sur un projet commun de recherches et expérimentation d'actions de médiation en archéologie. Ils étudient leurs impacts sur des jeunes adolescent-es pris en charge par la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Lors du Forum, Pauline Ramis, responsable de l’association Grottes&Archéologies, a retracé cette rencontre atypique entre psychologues cliniciens et archéologues. Elle a décrit les actions menées, les premières pistes de réflexions et les résultats qu’elle a pu obtenir avec David Vavassori, enseignant-chercheur au LCPI .
Les premières expériences avec un établissement pénitentiaire pour mineurs
De 2014 à 2017, l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Lavaur et l’association Grottes&Archéologies ont mis en place des activités de médiation pour recréer du lien entre les adolecent-es, leur environnement et la société.
A travers des domaines scientifiques comme la paléoclimatologie, l’archéologie de l’alimentation ou bien la géologie, les jeunes ont pu se questionner puis faire des ponts entre les sciences et leur propre mode de vie.
Aborder des sujets comme la mort ou la migration des humains peut être difficile, voire très sensible. Cependant, l’archéologie pose un regard scientifique sur des individus ayant vécu il y a des millions d’années. Une distance temporelle qui permet aux adolescent-es de se sentir plus à l’aise pour discuter et prendre part à l’activité. Les médiateur-rices et les enseignants de l'Éducation nationale de l’unité de l’EPM de Lavaur ont pu sentir un lien de confiance se tisser avec eux à la suite de ce travail.
Le projet Psycho’archeo
En 2019, le projet Psycho’archeo est lancé en collaboration avec le laboratoire Travaux et recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés (TRACES), le Laboratoire cliniques psychopathologique et interculturelle (LCPI), l’Unité de crise et d'hospitalisation pour adolescents (UCHA) et l’association Grottes&Archéologies.
Ce projet a étudié l’impact de la médiation scientifique sur les publics sensibles et son potentiel thérapeutique. Psycho’archeo a utilisé l’archéologie comme médium dans le cadre d’atelier thérapeutique pour les adolecent-es en souffrance. Un moyen de rétablir un dialogue commun sur des thèmes convergents sans toutefois braquer le sujet sur les propres problématiques de vie.
Pauline Ramis nous a décrit comment l’un des psychologues avec lequel elle a mené le projet faisait le parallèle intéressant entre l’exploration du psychisme humain et l’archéologie : une fouille d’éléments parfois bien enfouies à analyser.
Parler d’identité et de mort à travers des activités
Plusieurs étapes ont été suivies pour établir un lien avec les jeunes et aborder progressivement des sujets comme l’identité culturelle ou la mort.
Dans un premier temps, une sortie sur un site de fouille est organisée. Elle permet de construire un rapport de confiance avec les animateurs et animatrices. Les adolescent-es vont dans un lieu inconnu accompagné par des adultes qui connaissent le site et les guident. Les jeunes sortent ainsi de leur cadre habituel de vie. Cette sortie leur permet d’explorer un lieu scientifique chargé d’histoire et de stimuler leur curiosité en leur faisant découvrir des choses qu’ils n’ont jamais vu. Se déplacer sur les chantiers de fouille funéraire est d’ailleurs l’activité la plus appréciée d’après Pauline Ramis.
Dans un second temps, ils ont participé à un atelier sur l’évolution des humains, un autre sur la diversité culturelle et un troisième sur la migration des populations et le racisme. Ce dernier atelier permet de leur donner des éléments scientifiques pour répondre aux actes racistes dont ils sont témoins ou qu’ils peuvent subir. Ces jeunes peuvent aussi être les acteurs de ces actes. Les habitudes racistes sont tellement banalisées qu’elles ne sont pas identifiées comme tel par certains adolescent-es. Ce type d’atelier leur permet donc de poser un autre regard sur ces actes.
La médiation scientifique, un vecteur de lien social
Les piliers indispensables à ce type de médiation sont :
- La démarche scientifique pour établir des faits et gommer les zones de flou ;
- La rencontre avec des professionnel-les ayant déjà travaillé avec des jeunes ;
- Une sortie sur le terrain et une pratique collective des gestes de fouilles ;
- Des discussions sur des sujets de société et des débats pour défaire les tabous.
Le but est d’amener les adolescent-es à se questionner et d’établir un lien avec eux. Lors de ce projet, Pauline Ramis a constaté que ces activités étaient l’occasion pour eux de se sentir inclus dans des sujets de société, et par extension, d’en faire partie. L’un des signes qui confirme ce constat est que les jeunes se sentent libres de parler après plusieurs sessions. Certains ont même des réflexions comme “je ne suis pas d’accord avec vous mais c’était bien d’en parler” ce qui traduit une volonté de dialogue chez l’adolescent-e même s’il y a désaccord.
Les résultats et les conclusions du projet
La posture du ou de la médiateur-rice, qui n’est pas un-e éducateur-rice, permet de créer du lien plus facilement avec ces jeunes. L’approche collective sur le temps long, découpée en plusieurs moments, installe un climat de confiance. Les adolecent-es décident s’ils souhaitent parler ou non de sujet personnel durant ces activités. L’approche scientifique permet collectivement d'éclaircir les zones de flou et de ne pas tomber dans un discours moralisateur. Par exemple, le sujet du cannabis est abordé sous l’angle de l’histoire de la plante.
Durant sa conférence, Pauline Ramis a rappelé que ces jeunes passent souvent à l’acte à cause de fractures familiales, un décrochage scolaire, ou une absence d’unité sociale qui favorise le vide. Un vide qui est facilement remplissable par des gestes extrêmes ou une recherche d’identité notamment dans la radicalisation.
Pour arriver à se construire, les jeunes ont besoin :
- d’historiciser, pour comprendre et se situer dans une société commune,
- d’élaborer et de réfléchir, de se remettre en question ou de questionner leur environnement,
- de comprendre et de prendre des décisions pour en mesurer les impacts concrets.
Pour conclure, Pauline Ramis a rappelé l’importance d’adapter sa posture face aux jeunes pris en charge par la PJJ. Il est crucial de savoir s’adapter à leur parcours (quand il est connu) et de faire preuve de respect envers leur opinion.
Pour échanger avec l’intervenante :
- Pauline Ramis, Responsable de l’association Grottes&Archéologie, pauline.ramis@grottesarcheologies.com
Ressources pour aller plus loin :
- Rapport d’activité 2019 Grottes&Archéologies, page 16 Projet de Recherche : Psycho’Archéo
- Projet Ecologie et Paléoclimats avec l’EPM de Lavaur, Grottes&Archéologies
- Projet Cuisine&Sociétés avec l’EPM de Lavaur, Grottes&Archéologies
- David Vavassori / O Delà du Labo #2, vidéo, Miroir webmedia de l'Université Toulouse – Jean Jaurès
- Présentation de David Vavassori, publications et communications, LCPI
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