Accessibilité de l’offre scientifique et culturelle aux publics en situation de handicap - Retour sur le Forum Régional Sciences et Société 2024
Publié par Echosciences Occitanie, le 21 janvier 2025 1
Le Forum Régional Sciences et Société réunit chaque année une centaine d’acteurs et actrices impliqués dans le dialogue sciences-société en Occitanie afin de se rencontrer, de partager des expériences et imaginer des projets communs. L’édition 2024 portait sur le thème “Inclusion et lutte contre les inégalités” qui s’est décliné à travers 14 ateliers thématiques.
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Retour sur l’atelier “Accessibilité de l’offre scientifique et culturelle aux publics en situation de handicap : quelles solutions et positionnements ?”.
Comment penser la chaîne d’accessibilité permettant à chaque individu de bénéficier de nos projets sans obstacle ? Comment améliorer l’accès aux connaissances pour des personnes en situation de handicap (visible ou invisible, permanent ou non...), et répondre plus généralement à des besoins spécifiques d’accessibilité ? Et, pour aller plus loin : comment les outils créés dans le cadre de l’accessibilité peuvent alimenter des dispositifs de médiation à destination de tous les publics ?
Maëlig Feron, Chargée de production en charge de l’accessibilité chez les Chemins buissonniers, et Marie Hamida, Médiatrice spécialisée pour les déficients cognitifs et psychiques au Muséum de Toulouse, sont venus partager leurs expériences respectives.
Un “florilège multisensoriel”
L’atelier débute par le retour de Maëlig Feron, qui travaille sur la conception d’animations mêlant arts et sciences, en particulier pour les personnes porteuses de handicaps. Son angle d’approche ? Travailler sur le multisensoriel. Supports tangibles, odeurs, expériences gustatives… Les Chemins Buissonniers ont ainsi créé des maquettes texturées d’un cerveau ou d’un blob, accompagnées de livrets en braille avec des schémas en relief. Des évènements comme le festival Perceptions multiples dédié aux malvoyants et non-voyants. Des conférences téléphoniques, avec un-e scientifique et des extraits sonores, pour les publics non voyants. Ou encore une exposition, Essentielle, pour découvrir la nature à travers diverses expériences sensorielles. Des propositions qui ne visent pas que les publics en situation de handicap : elles améliorent l’accessibilité des contenus scientifiques pour l’ensemble des publics.
Cette approche, Marie Hamida la partage, à travers ses actions au Muséum de Toulouse. “Lorsqu’on touche quelque chose, on a le sentiment d’avoir une relation privilégiée avec cet objet”, explique-t-elle. Et cette relation à l’objet, c’est justement le cœur de mission d’un muséum : conserver, étudier et rendre accessibles des objets à l’ensemble des publics. Marie rappelle que lorsqu’un-e visiteur-euse arrive au musée, il doit pouvoir choisir ce qu’il va voir, choisir son parcours. Permettre une autonomie dans les espaces est donc important. Bornes audios, guidage par des bandes au sol, objets tactiles, cartels en braille… sont autant de possibilités. Pour faire découvrir un insecte par exemple, le Muséum va proposer une version grossie, avec texture et système sonore. Une coupe du sol pourrait être modélisée avec des couches tangibles et des odeurs d’humus. Marie Hamida confirme les propos de Maëlig Feron : cela plaît à l’ensemble des publics, souvent déçus par la fameuse phrase de nombreux musées, “Interdit de toucher”. Le sensible peut paraître désuet par rapport au numérique, mais pourtant, cela fonctionne bien. Le Muséum de Toulouse a, par ailleurs, choisi de glisser petit à petit vers l’audio, plutôt que le braille, dont la maîtrise est peu généralisée.
Pour des personnes en situation de handicap psychique, peu à l’aise dans un environnement bruyant, des espaces plus intimes sont proposés. Et les horaires d’ateliers sont adaptés, lors de moments moins fréquentés. Une participante partage également une initiative du centre de culture scientifique Cap Sciences à Bordeaux : des “sacs sensoriels” sont mis à disposition. Ils contiennent un casque anti-bruit, des lunettes de soleil et plusieurs jouets anti-stress, le tout pensé pour les personnes hypersensibles, anxieuses, fatiguées, TDAH ou autistes. C’est facile à mettre en place et peu cher raconte la médiatrice bordelaise.
De nombreux tests pour construire le chemin d’accessibilité
Les médiatrices et médiateurs spécialisés en accessibilité au sein du Muséum de Toulouse sont intégrés à la conception des expositions au plus tôt, parfois même 2 ans avant l’ouverture, afin d’intégrer des dispositifs accessibles. Il est important de bien anticiper la durée de la période de tests. Celle-ci peut s’avérer très longue, avec de nombreux aller-retour.
Autre point essentiel : la communication et l’accès à l’information. Les outils numériques offrent pour cela une grande aide. Les Chemins Buissonniers et le Muséum ont mis en place des newsletters adaptées, lisibles pour des synthèses vocales. Une messagerie téléphonique a également été mise en place afin de donner toutes les informations utiles en moins de 3 minutes. Ils diffusent, par ailleurs, leurs offres aux structures spécialisées en accompagnement du handicap.
Il faut toutefois garder en tête que l’une des premières questions d’une personne en situation de handicap est de savoir comment accéder au lieu d’intervention. Le chemin, l’accès et l’accueil sont donc déterminants. Il ne faut pas hésiter à demander “quel est votre besoin en accessibilité ?”. Les personnes accueillantes doivent aussi être sensibilisées au sujet.
Il faut enfin prendre en compte les accompagnants, afin que chacun ait le même accès aux contenus. “Les parents sont souvent émus de partager ce moment avec leurs enfants en situation de handicap”.
Parmi les autres dispositifs existants, très inspirants : les Souffleurs d’images. Un-e “souffleur-euse” accompagne un-e non-voyant-e en lui décrivant ce qu’il voit.
Viser avant tout la mixité
Maëlig et Marie tiennent aussi à la mixité des publics. Ces rencontres servent à sensibiliser aussi au handicap, en accueillant des personnes touchées ou non par celui-ci. Même si, parfois, cela ne fonctionne pas toujours, les intervenant-e-s partageant des expériences non concluantes avec des objets à toucher par des enfants non-voyants et voyants. Ces derniers étaient bien trop rapides. Pour contrer cela, les médiatrices ont bandé les yeux des enfants voyants afin d’uniformiser le groupe. Au-delà de la sensibilisation au handicap, cette proposition permet une découverte différente de l’objet, qui génère beaucoup d’émotions. Autre possibilité : placer les enfants voyants dans une posture de médiation, afin d’accompagner les enfants non-voyants.
Les deux médiatrices terminent en rappelant une chose essentielle : toutes les initiatives sont bonnes. Il ne faut pas vouloir mettre la barre trop haut dès sa première approche de l’accessibilité. La prendre en compte et en discuter est déjà un bon départ !
Pour échanger avec les intervenantes :
- Maëlig Feron, Chargée de production en charge de l’accessibilité chez les Chemins buissonniers : maelig.feron@lescheminsbuissonniers.fr
- Marie Hamida, Médiatrice spécialisée déficients cognitifs et psychiques au Muséum de Toulouse : marie.hamida@toulouse-metropole.fr
Ressources pour aller plus loin :
- L’Accessibilité au Muséum de Toulouse
- Retour d’expérience du Muséum sur la création d’un livre tactile conçu avec des enfants malvoyants
- Interviews de 3 médiateurs spécialisés sur l’accessibilité du Muséum de Toulouse
- Les actions des Chemins buissonniers
- Marcus Weisen : “l'accessibilité culturelle n'est pas qu'un devoir, elle peut apporter du plaisir aux personnes valides”
- Podcast “Accessibilité universelle, besoins spécifiques et engagement des publics”
- Fiche synthétique sur l’accueil de personnes en situation de handicap
- Exemple de chek-list d’un évènement accessible
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