Un camp d’internement en Lozère ? Le camp de Rieucros 1938-1942
Publié par Mondes Sociaux, le 22 avril 2022 1.1k
Article par Michèle Descolonges
« La première année de lycée en France, en 1940, j’étais interné avec ma mère au camp de concentration, à Rieucros près de Mende. C’était la guerre, et on était des étrangers – des « indésirables », comme on disait », écrivit plus tard le célèbre mathématicien Alexandre Grothendieck.
Sur les flancs d’un Causse, à deux kilomètres du centre de la ville de Mende (Lozère), un camp d’internement est ouvert à la mi-février 1939, au lieu-dit Rieucros. Une centaine d’hommes, puis un millier de femmes et une centaine de leurs enfants y sont conduits.
Fruit d’une recherche de plusieurs années, conduite dans les archives locales, nationales et internationales, cet ouvrage rend compte de cet événement en donnant une large place à des extraits de témoignages et à des aperçus biographiques.
Des « prolétaires déchristianisés »
À la fin de l’année 1938, deux hommes, le préfet de la Lozère Robert Bizardel et le maire de Mende Henri Bourrillon, ont souhaité ouvrir « un centre d’accueil pour réfugiés politiques étrangers ». Ils prévoyaient que la ville de Mende en assurerait la régie et que commerçants et entrepreneurs locaux s’y impliqueraient. Leur projet généreux a été dévoyé.
Sous la pression de la droite extrême, le ministère de l’Intérieur, qui cherchait à concrétiser son intention d’interner des étrangers dont la France ne voulait pas et qui n’étaient pas « expulsables », s’est saisi de l’opportunité. C’est ainsi que Rieucros est devenu le premier camp d’internement issu du décret-loi du 12 novembre 1938.
Les deux tiers des hommes escortés à Rieucros, principalement Allemands et Italiens, étaient des vétérans de la guerre d’Espagne. Chargés de lourds paquetages – contenant tous leurs biens -, parfois visiblement malades, leur arrivée a fait l’objet d’une véritable mise en scène, non délibérée peut-être, mais efficace sur les sentiments des Mendois.