Quitter le pays d’accueil ou y rester : une affaire de réseaux ? Le cas des Ukrainiens à Madrid
Publié par Mondes Sociaux, le 8 avril 2022 700
Article par Antony Tuvée
A l’occasion de ce dossier sur la guerre en Ukraine, “Mondes Sociaux” publie à nouveau un article mis en ligne initialement en 2018. Cet article, rédigé par Anthony Tuvée, alors étudiant du réseau de masters de SMS, présentait les travaux de Renata Hosnedlova sur les migrants ukrainiens à Madrid. Les migrations de l’Ukraine vers l’Europe de l’Ouest étaient à l’époque des enquêtes évoquées dans l’article de nature principalement économique. Elles ont évolué depuis, d’abord dans les profils des migrants et les métiers exercés (moins d’hommes dans le secteur du bâtiment, plus de femmes dans les services à la personne) et ensuite dans les raisons de ces migrations, avec la guerre de 2014, puis évidemment avec la guerre déclenchée en février 2022. Renata Hosnedlova poursuit actuellement ses recherches sur ces migrations.
Comment comprendre et expliquer les migrations d’individus d’un pays à un autre ? Combien de temps les migrants restent-ils dans le pays d’accueil avant de retourner dans leurs pays d’origine ou d’émigrer vers de nouveaux horizons ? Dans quels cas sont-ils amenés à séjourner dans un pays étranger le restant de leur vie ?
Ces questions mettent l’éclairage sur les raisons et les motivations des migrants, éléments qui sont bien trop souvent relégués au second plan dans les débats politiques et médiatiques contemporains. En effet, les discours politiques et journalistiques s’appuient régulièrement sur les seules approches statistiques (démographie, emploi, etc.) pour justifier la nécessité soit d’ouvrir davantage les frontières du pays d’accueil, soit au contraire de restreindre, voire d’interrompre, les flux d’entrants.
Depuis longtemps la sociologie fournit et affine les grilles de lecture des phénomènes migratoires. Elle distingue classiquement les échelles « micro » et « macro » pour analyser les motivations des migrants. Ces échelles sont en fait liées : les intentions individuelles des migrants et leurs motivations de mobilité internationale (échelle micro) dépendent de l’état de l’économie et/ou de la situation politique du pays d’origine, mais aussi du pays d’accueil (échelle macro). Néanmoins, les raisons de migrer et de rester ou non dans le pays d’accueil peuvent aussi être influencées par un autre élément : l’entourage personnel du migrant et plus particulièrement ses réseaux personnels. Les réseaux personnels sont constitués par des personnes avec lesquelles chacun entretient des relations suivies, qu’il s’agisse de liens faibles (collègues, voisins, simples connaissances, etc.) ou forts car soutenus et fréquents (famille, amis très proches).
C’est en tout cas l’importance de ces réseaux que montre Renata Hosnedlová en analysant les migrations des Ukrainiens vers Madrid, groupe de migrants sur lequel les chercheurs, surtout en Espagne, ont jusqu’ici peu travaillé.